Un jour à Wall Street
moindremal
Un jour à Wall Street
Voyageur léger des aéroports,
corps contrôlé évitant les portiques,
j’ai la prestance des imposteurs. Smoking
croisé, écharpe de tweed, gants de cuir,
avec chauffeur. Dans mon sillage les villes
se déroulent dans la nuit comme des toiles.
Fort de la confiance des investisseurs,
je cours à visage découvert dans les rues
de Wall Street. Les managers se précipitent
sur les cendres de mes cigares pour lire
l’oracle de mes choix stratégiques.
Je distribue les cartes du pouvoir
Vous comprendrez qu’à partir du moment
où vous saurez combien je gagne, Messieurs,
je considère que mon comportement
n’aura plus aucune importance. Je pisse
sur la tête de vos inquiétudes. Je crache
à la figure de vos gouvernements.
J’habite des silences climatisés
pourvus de femmes aux corps aérobics
starlettes habituées aux étages avec
ou sans préservatif, je ne sens rien.
Je regarde téléshopping pendant
la fellation. Après je peux dormir.
Acteur diplomatique insaisissable,
en politique j’étends mon influence,
je limite l’impôt pour engraisser
la rente avec vos pauvres signatures.
Tandis que sifflent les sirènes de police
je fais des ronds dans l’eau de vos angoisses.
Piètre humanité, foules en survie,
je n’ai que faire de vos vagues colères.
Un verre posé au bord du jacuzzi,
je joue avec ma carte gold, plongé
dans les pages littéraires d’un magasine
économique, je prends l’air en terrasse.
Sur les écrans de la finance publique,
las, des avions s’écrasent au ralenti.
Face aux images de villes qui s’enflamment,
peuplées de businessmen sans domicile
en état de stupeur, dans Manhattan
j’écris l’histoire du vide qui s’étend.
Vous trouverez ma carte de visite,
Un peu surpris de ne pas y voir de nom.
Bonsoir. Je vous laisse régler ma note.