Un matin de mai 2016
Jean François De Neck
Un matin de mai 2016,
Sur la terrasse, je buvais un café, appuyé à ma porte en aluminium. Une cavalcade dans ma rue en Macadam. Un diligence de 1890 approchait. Les chevaux fumaient et le cocher aussi, un gros cigare. Il jurait sur ses montures en tirant sur les rênes, afin de freiner leur train d'enfer.
Le café était brûlant et je me brûlais la langue. Je devais délirer, pourtant ma bouteille de Bourbon quotidienne, je ne l'entamais qu'à partir de 18h30 et nous étions 10h du matin. J'avais la tête à l'envers et le cocher, une plume d'aigle fiché à son chapeau. j'étais à l'ouest.
Les chevaux freinèrent des quatre fers. La poussière sucra mon café et crissa dans ma bouche à la mâchoire inférieur qui pendait lamentablement. Je bavais devant cette spectrale apparition. La diligence s'arrêta juste devant mon regard de fou.
Après ce vacarme d'essieux et de râles d'équidés, le silence tomba comme du plomb fondu, terrible annonce de l'irréversible. Dans un grincement de vieille mort, la porte de la diligence s'entrouvrit. De la fumée s'échappa par l'encoignure. Des tambours sauvages cognaient à mes oreilles. Ma vie, à cet instant, tourna les talons à mes habitudes.
Un fantôme apparent apparu derrière la fumée, la silhouette sombre d'une Divinité chamanique. Une longue jambe au pied nu se déposa sur le goudron de ma rue, le bracelet de cheville tintinnabula et rompit le silence. Une coiffe de chef Apache, aux plumes d'aigle, troua la fumée. Cette parure ceignait deux yeux noirs, des yeux de chat sauvage. Et un corps fit son entrée en scène.
Je mis à tousser, à m'étrangler, à mourir. Ce corps était majestueusement nu, fabuleusement femme, apocalyptiquement beau. Ses seins étaient entourés de perles et de pierres enchâssés dans des fils de couleurs et leurs tétons peints en bleu. Son pubis était en feu et son désir s'écoulait sur ses cuisses de cuivre rouge. Elle arracha la plume d'aigle au chapeau du cocher et lui flanqua une monstrueuse gifle. Il alla s'écraser à quelques mètres de moi.
Elle jeta un regard sur moi et me sourit.
Elle ressemblait, elle était l'amour de ma jeunesse, revenue.