Un sac d'ampoules brisées

supra



Il s'éveille dans un halètement de noyé rejeté sur le sable. C'est peut être la sécheresse qui frappe le canyon raviné de sa gorge qui le tire de son sommeil, ou peut être que d'étranges persistances phosphorescentes sont une fois encore venues ramper jusqu'à sous ses paupières, tout au fond de leur enfouissement dans les draps jaunis.


Sa peau gratte, racle et s'effiloche. Il a l'impression d'être une conscience restée prisonnière d'une mue dont le processus se serait malencontreusement inversé, d'un parchemin resté trop prés de l'âtre où l'encre et les brûlures corrode désormais la surface de manière indistincte.


Sa gorge n'est que rocailles et cendres, éboulis et raclements tandis qu'il maugrée. dehors la lumière filtrant par les interstices est déjà rouge et faible. Sa tournée ne va pas tarder à commencer. En sortant du lit, il se saisit d'une bouteille placée préalablement à proximité pour cet usage, et boit dans d'énormes déglutitions avides. Il se rejette ensuite en arrière sur une chaise, pour revenir ensuite s'appuyer sur la petite table au centre de la pièce et se prendre la tête entre les mains.

Sur le plafond nu de la petite chambre des ombres passent parfois.


Cela se regroupe déjà .


Il lance une insulte dans un langage primordial, mais ça lui coûte de hausser le ton. De chacune de ses tempes naît immédiatement une flopée d'étincelles qui lui inonde les yeux.  


Cinq minutes à respirer pesamment, puis ils se soulève de sa chaise. Il se saisit d'une sacoche appuyée prés de la porte. Elle émet un bruit de verre qui s'entrechoque, comme si elle était remplie d'ampoules brisées. Son emplacement consacré est délimité par une absence de la poussière moutonneuse qui tapisse le reste de son antre.


Quand il sort dans le couloir il entend derrière les murs les bruits de la vie derrière les murs, cette vie inconsciente et oublieuse des rites. Il fait attention a alléger son pas , à ne pas signifier sa présence par un entrechoc malencontreux du contenu de sa besace. Il fait nuit dehors. Il respire l'air humide de cette nouvelle nuit. Il porte à ses lèvres une flasque de liquide à brûler. Au contact de ce liquide qu'elle ne  connait que trop, sa gorge se cabre et s'ébroue , renâclant à la tache.


Mais il ne renonce pas, dût-t'il se brûler la gorge, noircir ses poumons, et gorger chacune de ses bronchioles de goudrons, à souffler en direction du ciel des torrents de feu qui assèchent jusqu'à la cornée de ses yeux, à se consumer tout entier sous le regard de réprobation, peu concerné ou amusé des passants, rien ne l'empêche de souffler ses ridicules flammèches comme des substituts vacillants, de timides tentatives de rééquilibrer l'entropie .


Quand il gueule au ciel et que c'est le voisin excédé qui lui répond, que la voûte céleste lui semble être une cloche sur un plat sur le point d'être servi,  chaque nuit, il lui voue un rituel ancestral au retour du matin. Ce qui pour chacun est acquis est pour lui le fruit d'un long pèlerinage dans les bouges de la ville, et de ses places vides, de ses rues aveugles et froides, en un ordre et une méthodologie pratiquée mille fois et connu de lui seul. Battant le pavé jusqu'à qu'il obtienne enfin la réponse escompté de l'univers , qu'un interstice de lumière baille enfin entre le ciel et la terre.  


Alors, rompu, perclu il emprunte le chemin qui le ramène chez lui sous les éclats naissants d'une nouvelle journée, même si son retour se fait, comme toujours, dans une brume mouvante et asphyxiante, ne laissant filtrer que peu de détail d'un paysage fantomatique d'ou s'élève d'étranges et gigantesques monolithes fantomatiques baigné d'une lumière spectrale. Lui ne les remarque qu'à peine, cherchant le trajet incertain qui le mènera à sa chambre, titubant, vacillant comme une flamme qui va s'éteindre, un bruit d'ampoules brisées ponctuant chacun de ses pas.

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