Un super plan
benjamin77
Avec Fifi on a longtemps hésité, puis finalement, on a convenu qu'une boulangerie serait le meilleur moyen de se faire la main.
Fifi m'a prévenu dés le début, il serait le cerveau de l'opération. Pour ça je lui fais confiance.
On s'est rencontré au lycée. Fifi c'est un type carré mais c'est surtout un génie de l'informatique. Fifi c'était le mec discret, toujours planqué au fond de la classe. Il passait son temps à pianoter sur sa calculatrice, une machine hyper sophistiquée qu'il avait transformé en console de jeu.
Le triomphe de fifi c'est le piratage de la salle informatique. La destruction simultanée des 15 disques durs le jour anniversaire de Tchernobyl. ça a fait beaucoup de bruit dans la région, France 3 Rhône Alpes avait même fait le déplacement. Après ça il a gagné le respect de tous les durs du bahut mais il s'est surtout fait virer du lycée. Depuis il a tout arrêté et il est devenu pirate informatique en freelance ou un truc dans le genre.
Pour la boulangerie, Fifi a conçu le plan sur son ordinateur, un truc chiadé avec des animations en 3D, des gros plans, et des vues satellite du quartier. Sur une vidéo on voit un petit rectangle rouge, la supercinq à fifi, se balader sur le plan de la ville. Y'a des flèches, des pointillés, et des petits ronds bleus qui clignotent dans tous les sens, ça ressemble à une partie de Pacman, sauf que c'est moi et fifi avec les flics à nos trousses.
D'après l'ordinateur le meilleur plan c'est d'opérer en deux étapes :
Primo je rentre discretos dans la boulangerie, j'enfile un masque et je braque la mère Duchesne avec mon pistolet à grenaille.
Deuxio, Fifi se pointe avec sa caisse, met les warning devant la boulangerie, je le rejoins avec le pognon et on démarre en trombe direction les calanques.
Avec Fifi on a le même rêve, partir à San Francisco et monter une start-up dans la Silicon Valley. Fifi à des tas d'idées, il travaille sur une appli Smartphone pour détecter les urinoirs par GPS et une autre pour parler avec la voix de Dark Vador. Des idées on en a, mais pour démarrer notre business on a besoin de fric et là y'a pas dix milles solutions, comme dit fifi, il va falloir forcer le destin.
On a pas choisi la boulangerie de la mère Duchesne par hasard, il y en a que deux à Saint Basile, l'autre s'appelle le fournil de Bernard et son gérant donne des cours de judo à la maison des jeunes.
Fifi a tout prévu, il a chronométré toute l'opération. Pour s'entrainer on a fait une simulation avec ma nièce dans le rôle de la mère Duchesne, puis fifi a travaillé sa conduite sur le parking du Buffalo Grill. Accélération, dérapages au frein à main, manœuvres en marche arrière, c'est devenu un vrai pilote.
Fifi a rentré toutes les données sur l'ordinateur : les horaires d'ouvertures, la météo et la densité du trafic routier. Il a appuyé sur la touche entrée et une tripotée de graphiques et de courbes se sont affichés les uns après les autres puis une ligne de caractères s'est mise à clignoté sur l'écran :
Jour J / Heure H : le vendredi 5 février, 18h50.
On s'est retrouvé chez Fifi dans la matinée pour boire le café, on a revu ensemble les différentes étapes du plan sur l'ordinateur puis l'animation avec le petit rectangle rouge qui file vers les calanques avec le butin.
Avec Fifi on s'est regardé, il m'a dit « ça va être du gâteau » je lui ai répondu « c'est clair » et nos ventres se sont mis à gargouiller en même temps.
Fifi m'a donné le sac à dos avec le matériel. En découvrant son contenu j'ai râlé, j'avais demandé à Fifi un masque à l'effigie de Barack Obama et je me suis retrouvé avec celui de Pompidou. Mise à part ça le pistolet d'alarme ressemblait à un vrai Beretta et je n'ai pas pu m'empêcher de me regarder dégainer dans le miroir de la salle de bain.
Vers 17H30 On s'est avalé une dernière bière pour se décontracter, on a regardé nos montres et Fifi m'a regardé en plissant les yeux et m'a dit : Démarrage de l'opération.
*
Je suis allé à pieds jusque dans la rue centrale, l'alcool faisait encore un peu d'effet et j'avais l'impression de marcher dans du coton puis mon estomac a commencé à se nouer quand je suis arrivé en face de la Boulangerie.
Au loin j'ai vu la supercinq rouge de Fifi qu'était garé prés de la station essence.
J'ai failli lui faire un geste de la main puis je me suis ravisé, fifi m'avait prévenu, valait mieux resté discret.
L'ordi à Fifi avait bien calculé son coup, à travers la vitrine on voyait bien que c'était pas la cohue à la baguette dorée. Une cliente avait l'air de discuter le bout de gras avec la mère Duchesne. J'ai attendu qu'elle quitte la Boulangerie, puis en m'approchant de l'entrée, j'ai ouvert le sac puis enfilé le masque.
Quand la porte automatique s'est ouverte je n'ai vu personne derrière le comptoir, je ne voyais rien derrière le masque parce que j'avais gardé mes lunettes et que mon haleine faisait de la buée sur les verres. Du coup j'ai du les retirer.
C'est en m'approchant du comptoir que je l'ai l'aperçu, courbé, en train de passer la serpillère prés des meringues et des pains de campagnes.
J'ai pas osé lui dire bonjour, ça aurait été un peu déplacé alors je me suis raclé la gorge pour signaler ma présence. Elle s'est retourné puis elle m'a regardé des pieds à la tête en fronçant les sourcils, ensuite, elle a grogné quelque chose comme « Qu'est ce que c'est que çà ? ».
Quand j'ai hurlé « Donne le pognon !» je me suis rendu compte que j'avais pas sorti le pistolet d'alarme qui devait encore trainer dans le sac à dos. Pendant que je le cherchai à l'aveugle et d'une main, elle est sorti de derrière le comptoir avec son Swiffer. Quand j'ai relevé la tête, un truc s'est abattu sur mon crâne et ça m'a un peu sonné.
La mère Duchesne s'étranglait en hurlant « fout le camps » et « Tu vas voir ptit con ». Sa voix est parti dans les aigus quand j'ai commencé à agité le pistolet d'alarme puis elle s'est remis à me donner des coups avec le manche de son Swiffer.
Je l'ai repoussé en arrière pour me protéger, elle a poussé un cri en s'étalant sur le dos comme une carpette.
Là je sais pas ce qui m'a pris je lui ai dis « Excusez moi Mme Duchesne… » puis je me suis repris immédiatement, elle allait reconnaitre ma voix.
Je l'ai laissé sur le carreau, je la voyais s'agiter comme une tortue qu'on aurait posé sur sa carapace.
Dans le miroir j'ai vu que des gamins me pointaient du doigts de l'autre côté de la vitrine.
En sortant je me suis arrêté sur le trottoir, j'apercevais la Supercinq de Fifi toujours à la même place, alors je lui ai fais des grands signes et il m'a répondu par un appel de phares.
Un couple de vieux m'a regardé l'air interloqué, et j'ai attendu la dame dire « on dirait Pompidou ».
Fifi est arrivé en trombe, en voulant s'arrêtait prés de moi il a mis un grand coup de patin, et le pare choc s'est détaché en raclant la bordure du trottoir. Je me suis engouffré dans l'habitacle pendant que les gamins nous filmaient avec leurs Smartphone.
On a filé par les petites rues et Fifi a fait une tronche de dix mètres de long quand je lui ai raconté le bide de l'opération, il a donné un coup de poing sur le tableau de bord et le lave glace a craché une giclette sur le pare brise.
Plus loin, on s'est fait arrêté par les flics pour un contrôle de routine, surement que la perte du pare-choc avait du attiser leur curiosité et çà l'ordi à Fifi ne l'avait pas prévu. Quand le faisceau de la lampe de poche s'est pointé sur moi, le flic moustachu a dit à son chef : Venez voir mon lieutenant, je crois que Pompidou n'a pas mis sa ceinture.