Une affaire noire, dans une ombre blanche  

My Martin

Elles y ont vécu trop de choses terribles

Sud du Massif central, Haute-Loire. Région Auvergne-Rhône-Alpes

Le Velay ; entre Velay et Mézenc  

Sud-Est (27 km) du Puy-en-Velay. Les communes de Saint-Front et Laussonne


L'Aubépin, ruisseau sous-affluent de la Gagne puis de la Loire. Gorges abruptes

Le moulin de Perbet ; il permet de moudre le seigle produit dans les exploitations environnantes


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Novembre 1902  

Plus tard, Marie (14 ans) raconte à Jean Pinsard, rédacteur en chef de de L'Avenir de la Haute-Loire, journal républicain libéral

Elle a vu le spectre de sa mère. Marie Magdeleine née Exbrayat, décédée en 1894 (1863-1894. 31 ans)


« Une affaire noire, dans une ombre blanche. Une femme. Elle a sa coiffe de nuit, elle pleure et se tient la tête »


La mère des filles, décédée, n'accepte pas la nouvelle union de son mari avec Marie Boyer. Elle se plaint de la mauvaise exécution de ses dernières volontés. Elle manifeste son courroux


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Le lendemain, jeudi 27 novembre 1902. Trois heures de l'après-midi. Jean Masson, Pierre Sahuc et Jean-Claude Gérentes -conseiller municipal de Saint-Front. Trois cultivateurs reviennent du marché de Laussonne. Ils rentrent à Bournac, un hameau de Saint-Front. Ils traversent la passerelle sur l'Aubépin


Des pleurs, des cris d'effrois proviennent du moulin dit de Perbet, où vivent le meunier Étienne Joubert   1856-1934  et sa famille. Le modeste logis est accolé au moulin à eau

Tourneboulée, Marie Philomène Boyer   1867-1916  l'épouse en secondes noces du meunier, se précipite au-devant des trois hommes. Elle appelle au secours    


A l'intérieur du moulin, les yeux révulsés, Marie et Philomène Joubert -14 et 11 ans sont projetées à terre par une force irrésistible


Marie Boyer s'exclame  « c'est la Marie ! »


Marie Exbrayat. Marie (14 ans) communique avec le spectre de sa mère, décédée


Le mobilier et la vaisselle se déplacent dans la cuisine. Dans toutes les directions fusent des pierres brûlantes


Alors le solide Jean Masson tente de saisir, de bloquer Marie l'aînée

« Quelqu'un me pousse ! »

Une puissante force l'écarte avec violence

 

Enfin le calme revient. Les trois hommes quittent les lieux à grands pas, avant la nuit


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De retour chez eux, ils racontent, à qui veut l'entendre. Le récit se répand dans les hameaux et villages voisins, comme une traînée de poudre


Le lendemain, une centaine de curieux badent devant le moulin. Certains couchent sur place, pour être aux premières loges


De nouveau, les objets de la cuisine se déplacent. Une pluie de pierres s'abat sur la foule en émoi


Marie et Philomène sont incontrôlables. Elles « sont piquées par une myriade d'épingles invisibles »


Le diable s'est emparé des deux adolescentes. "Les filles du diable"


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Hiver 1902. Journal local, le prédécesseur de L'Éveil de la Haute-Loire. Le journaliste Ponot mène l'enquête. Il ajoute foi aux déclarations des filles Joubert


« Roublard »  « joueur de cartes invétéré ». Forte tête, le père de famille Étienne Joubert « ne croit ni en Dieu, ni au diable »

Il se tourne vers l'Église. Il va trouver le curé de Laussonne. Il conduit ses deux filles à Saint-Front, chez le curé Gerbier. Séance d'exorcisme


Pour les éloigner du moulin, les deux filles sont confiées à leur oncle, à Bournac. Les phénomènes cessent au moulin mais se transportent chez l'oncle, terrorisé. Les filles reviennent au moulin, les phénomènes reprennent avec vigueur


Dimanche 21 décembre 1902. Froid glacial. Dans le moulin, des bruits sourds. Des pierres brisent les carreaux des « fenestrous ». Les objets se déplacent

Marie et Philomène profèrent des horreurs, d'effroyables blasphèmes. Le Christ, la Vierge Marie


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Les deux jeunes filles sont placées à Paris, comme bonnes


L'abbé Besset, le curé du village de Saint-Front -sa tombe est toujours visible, à côté de l'église   se rend à Perbet. En priant, il descend la longue déclivité qui mène au moulin


Printemps 1903. Le moulin et la vallée retrouvent leur quiétude


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Une habitante de Laussonne, qui a bien connues Marie et Philomène et comptait parmi leurs amies. « Elles ne parlaient pas vraiment des évènements. Elles ont beaucoup souffert »

A plusieurs reprises, Marie et Philomène reviennent à Saint-Front et Laussonne. Jamais au moulin. « Elles y ont vécu trop de choses terribles »


Jusqu'à la fin de leur vie, Marie et Philomène affirment avoir été victimes de phénomènes paranormaux. Elles réfutent toute supercherie


A Paris, Marie Joubert vit dans le 8e arrondissement -cuisinière dans un hôtel particulier. Son mari, Antoine Simon (natif d'Yssingeaux, Haute-Loire) est valet de chambre

Marie Julie Joséphine Joubert décède à Paris, en 1948. Sépulture à Montrouge. 1888-1948. 60 ans


Quelques mois après leur union le 3 février 1916, Philomène Joubert perd son mari Emmanuel Marquet, sur le champ de bataille le 24 août 1916  

Le 14 septembre 1922, Philomène refait sa vie avec Étienne Lescure. Elle tient un commerce à Montmorency, Val-d'Oise. Pendant les vacances, elle séjourne à Laussonne, à l'Hôtel Gérenton (Marie Gérenton est sa grand-mère paternelle) 

Maria Philomène Joubert décède à Montmorency, en 1975. 1891-1975. 83 ans    


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Robert Cortial,  ancien facteur pendant 30 ans. L'historien de Saint-Front, spécialiste du Mézenc. A l'époque, certains jouent aux cartes, maison, ferme, domaine. Avec la complicité de ses filles, Étienne Joubert aurait monté une supercherie, pour rendre invendable son moulin -perdu aux cartes ?


Perturbées par la mort de leur mère Marie Exbrayat en 1894 et le remariage de leur père, Marie et Philomène ont manigancé ce spectacle pour évacuer leur mal-être, attirer l'attention sur elles ?


Un phénomène naturel, lié à la présence d'eau, de minéraux, de métaux sous terre -volcanisme, thermalisme ?


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Route départementale D39, entre les Planchas (Laussonne) et Machabert. « Les Pierres longues », imposants blocs granitiques

La vallée s'est refermée. Les chemins, les prés, les moulins à eau bâtis en pierres du Mézenc et lauzes. Pins, noisetiers. Faune sauvage

Au bord de l'Aubépin, le moulin de Perbet est en ruine


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