UNE BOUCHE TENTATRICE

Doris Dumabin

Extrait de la nouvelle du recueil Zestes de Plaisirs… www.facebook.com/dorisdumabin
> : Lors des dialogues indique que le personnage précédent reprend la parole…


Il n'avait pas besoin de voir ce qu'elle faisait pour visualiser la perfection de son geste. D'ailleurs, la plupart du temps, il préférait se trouver dans le noir ou garder les paupières closes pour subir… ce délice. Anton percevait d'autant mieux les sons, les aspirations, les bruits de succion, les gémissements gourmands ou les inspirations à chaque pause. Il ressentait mieux le contraste entre les lèvres humides, l'intérieur de la bouche et l'air froid sur son sexe érigé. Il se crispait en sentant les petites dents mordiller volontairement son gland ou alors le frôler pendant qu'il atteignait le fond de la gorge. Il aimait se laisser surprendre par un changement de cadence, une langue joueuse ou des lèvres serrées. Il existait mille façons de pratiquer cet acte, des milliers de combinaisons et il adorait se laisser faire passivement. Il acceptait volontiers la domination de sa partenaire. Il abandonnait aisément les rênes. La plupart du temps, il ne s'inquiétait nullement d'ailleurs de l'apparence de la jeune femme à ses pieds car il avait déjà imprimé dans son cerveau l'image de la substituante idéale. Il imaginait parfaitement la forme de ses lèvres, si bien dessinées et surtout charnues. Pas fines ou quasi inexistantes comme certaines, mais pulpeuses, douces et ourlées à la perfection. Il ne cessait de penser à elle. À cette bouche mais aussi à sa propriétaire. Une femme, de presque dix ans de plus que lui, mais pour laquelle il développait une obsession incompréhensible. Elle ne possédait pas seulement la bouche la plus tentante qu'il lui avait été donné de voir mais aussi, le corps le plus parfait et la personnalité la plus charmante qu'il ait croisée dans sa vie. Malheureusement, il était pieds et poings liés ; il ne pouvait pas la séduire. Quand bien même, il en aurait l'autorisation, il ne se sentait pas capable de le faire. Il lui était déjà assez difficile d'entretenir une conversation normale avec elle. Parfois, il s'entendait dire "Et sinon comment ça va ?" au moins deux fois en cinq minutes. Un comble pour un communicant de son envergure. En sa présence, il devenait sot. Son cerveau se vidait de toute intelligence, de toute finesse, ne laissant la place qu'à de la guimauve infertile. Il aurait adoré pouvoir lui sourire, échanger quelques mots avec elle et la quitter comme si de rien n'était. Il aurait préféré que son cœur ne s'emballe pas et que ses poils ne se hérissent pas sur sa peau dès qu'elle s'approchait de lui. Sans parler, bien sûr, d'une autre partie de son anatomie qu'il bridait continuellement en sa présence.

Il soupira en serrant les accoudoirs de son fauteuil. Sa tête penchée en arrière reposait sur le rebord du dossier. Penser à elle, parfois le déprimait. Il aurait tellement préféré être naturel, aussi charmeur qu'avec les autres femmes. Lui dire à quel point son regard pétillait de malice, à quel point elle était gentille et attentionnée. Il aurait aimé qu'elle tombe amoureuse de lui, qu'elle l'embrasse en posant sa merveilleuse bouche sur la sienne. Qu'elle lui mordille le cou avant de descendre sur son torse et s'attaquer à ses tétons. Un endroit sensible chez lui. Ensuite tout naturellement, elle aurait anticipé son avancée avec ses doigts, effleurant le renflement de son pantalon. Dans ce genre de rêve, il se trouvait déjà dans un état indescriptible. Rien que d'y penser, son sexe durcit encore dans la bouche de sa partenaire. Elle dut se dire qu'elle s'y prenait bien, ce qu'il n'allait pas contredire. Cependant, le fait de penser à la source de ses rêveries produisait un effet plus que prodigieux sur la circonférence de son appendice génital.

Anton l'imaginait parfaitement l'embrasser, glisser sa langue pointue de la base à la pointe pour enfin l'engloutir tout entier et… mon dieu… il se contracta en gémissant, posa la main sur la tête entre ses jambes pour l'encourager à continuer de la même façon, et tout en rêvant de la douce et parfaite femme qui le hantait en train d'accomplir le même acte, il se laissa submerger par la violence de son orgasme. Des frissons contractèrent chaque pore de sa peau, remontèrent le long de sa colonne vertébrale. Son ventre se crispa. La température de son corps atteignit son maximum. Il se pencha en avant, posant les deux mains sur la tête de cette femme. Assis droit, le corps tendu à l'extrême. En quelques jets brûlants, il se retrouva au sommet d'un état extatique qu'il adorait. Il se mordit la lèvre pour ne pas réagir bruyamment. Puis il entrouvrit la bouche pour reprendre son souffle. Elle savait déjà ce qu'il aimait. Contrairement à d'autres hommes, il ne repoussait pas aussitôt sa partenaire pour terminer seul. Il ne ressentait pas particulièrement de gêne ou de chatouillis désagréable. Elle conserva donc sa position à ses pieds quelques secondes, à monter et descendre lentement sur sa verge au rythme du reflux de son plaisir. Ensuite, il s'adossa à nouveau et tendit la main vers la boite de mouchoirs à portée de main, signe qu'elle pouvait désormais se relever. Il lui tendit deux feuilles blanches avant de se servir à nouveau pour s'essuyer lui aussi. Il procéda avec efficacité. Rapidement, il rangea son sexe encore palpitant dans son slip, rajusta son pantalon et retrouva toute la lucidité qu'il venait de perdre au profit de la luxure. Il servit un verre d'eau à la jeune femme pendant qu'il sortait une enveloppe de la poche de sa veste, la posa sur la table près de son sac et lui sourit.

Il payait souvent pour ce genre de gâterie en fin de soirée. Avant de rentrer chez lui, il invitait une call-girl d'une agence réputée, se payait un moment de détente et partait du bureau vidé du stress de la journée. Trois fois par semaine, parfois plus quand il avait une femme dans sa vie. Ses compagnes savaient qu'il appréciait ce genre d'attention et, qu'elles soient douées ou pas, disposées ou non, il se payait ce petit plaisir pour ne pas les importuner trop souvent. De toute façon, en trente ans de vie, il n'avait jamais rencontré de femmes appréciant cette pratique à la mesure de ses attentes. Le peu de fois où il avait été franc, ses copines avaient fini par le traiter de pervers et refuser la cadence imposée. En fait, il n'avait pas vraiment besoin de s'y adonner tous les jours, il pouvait s'en passer mais il n'y arrivait que s'il ne se rendait pas au bureau de son père. C'est à dire quand celui-ci était en vacances ou carrément absent du territoire ; et même dans ce cas, certaines fois, il lui demandait de jeter un œil sur ses affaires ou de gérer un dossier avec sa secrétaire… voilà comment débutait son calvaire. Il devait la rencontrer. Il travaillait forcément avec elle sur ce dossier. Et voir Telma Owens entretenait son addiction. Sa bouche l'enflammait, le rendait fou… durant plusieurs jours. Il était donc obligé de se soulager de multiples façons dont la plus agréable consistait à appeler une amie de longue date, comme ce soir.

         En descendant les escaliers de son immeuble, cette fois, il se sentait parfaitement bien. Pas d'angoisse. Zen. Il allait passer la soirée seul car il profitait de sa troisième semaine de célibat mais il ne le ressentait pas comme un calvaire. Il ne comprenait pas les gens qui le plaignaient de n'être encore pas marié à son âge, de ne pas avoir d'enfants. Pouah ! Comme si cela représentait le summum du bonheur ! Ils ne savaient pas la joie qu'il ressentait de ne devoir faire plaisir à personne, de vivre pour lui sans faire particulièrement attention. Il espérait encore tirer avantage de sa grande maison, de son immense lit, sa piscine et de ses voitures de luxe. C'est en étant célibataire qu'il pouvait vraiment profiter de la vie. Partir en voyage sans argumenter durant des heures. S'acheter une autre montre en série limitée sans se sentir fautif de dépenser l'argent du foyer. Sortir avec des amis sans se justifier. Embrasser une jolie fille. Coucher avec des dizaines de jolies filles !!!

Anton fit craquer ses doigts sur le cuir du volant de sa Chevrolet Camaro bleu nuit. Il l'appelait Bumblebee même si elle n'était pas jaune et ne portait pas les rayures caractéristiques. Il sourit. Il était heureux. Il avait tout. Son père l'adorait. Il l'avait aidé à monter son entreprise, fêtant avec lui son premier million cette année. Son adorable belle-mère attendait sa petite sœur. Sa mère s'entendait très bien avec cette dernière car elle-même était tombée amoureuse de l'oncle de la jeune fille. Les dîners en famille ressemblaient à une sitcom de Los Angeles. Elle aurait pu s'appeler "Beaux, bronzés et amoureux". De plus, il ne comptait aucune tare physique ou congénitale. Un sportif comme lui, qui mangeait sainement ne tombait jamais malade et ses nombreux amis pouvaient prouver que sa vie sociale ne manquait pas de piquant. Il aurait pu se dire à 100% comblé si Telma n'existait pas. Car alors il n'aurait pas connu le manque, le désir et la douleur de l'amour. Elle était son point faible dans son un parcours sans écueil.

Anton avait rencontré Telma à vingt ans alors qu'il terminait son MBA de Marketing et Communication d'entreprise à New-York. Son père qu'il avait quasiment tous les jours au téléphone et qui lui parlait de tout et de rien, lui avait, bien-sûr, appris son existence. Telma. Une secrétaire jolie et efficace, mais la rencontrer avait rajouté de nombreux adjectifs à ce descriptif succinct. Il aurait pu adjoindre sensuelle, déroutante, souriante, charmante, fascinante. Jamais personne ne lui avait fait un effet pareil et son père l'avait tout de suite surpris en flagrant délit de rêverie. Il lui avait interdit de s'approcher d'elle. Elle n'était pas de son âge, ne correspondait pas au genre de filles qu'il pouvait mettre dans son lit. De plus, à l'époque, elle partageait sa vie avec un autre homme. Il avait souri en assurant vite tourner la page. Vite…tourner… la page… en fait, il avait essayé. Cela avait marché deux ans. Puis il l'avait revue à la garden-party annuelle des employés et il était retombé sous son charme, comme si ces deux ans n'avaient jamais compté, qu'il n'avait pas évolué de son côté et qu'il n'avait pas mûri. Il avait d'abord entendu son rire clair et en faisant le malheur de se tourner vers ce son joyeux, il avait senti la foudre s'abattre irrémédiablement sur lui. Elle était resplendissante avec son afro ondulé et sa robe colorée. Sa peau sombre faisait ressortir la blancheur de ses dents, même si elles l'étaient effectivement. Elle parlait avec vivacité. Elle racontait une histoire en mimant, fronçant les sourcils, écarquillant les yeux. Elle lui plaisait. Il aimait sa douceur, sa prévenance et surtout sa disponibilité. Elle penchait souvent la tête avec un doux sourire et l'observait avec une sorte de tendresse amicale qui lui plaisait. Elle venait d'avoir un bébé à ce moment-là mais il ne doutait pas qu'elle reprendrait vite ses courbes à la Beyoncé. Là, elle ressemblait plus à Jennifer Kate Hudson avant son régime. Il aimait aussi. Il aurait aimé qu'elle soit enceinte de lui. Qu'il ait le droit de lui masser les pieds, de caresser son ventre et de lui dire à quel point elle était belle. Son compagnon ne semblait même plus porter le même regard sur elle alors que ses quelques kilos en trop ne la rendaient que plus charmante, et sa poitrine généreuse lui donnait de nombreuses idées plus sensuelles les unes que les autres. Il aurait aimé glisser les mains dans son décolleté pour soupeser ses seins, les caresser, les embrasser, titiller la pointe et il voyait bien une partie de son corps se glisser dans le creux si tentant pendant que… le téléphone sonna, l'extirpant de sa rêverie érotique. Il tira sur le tissu de son pantalon, pour déplacer son sexe qui quémandait plus de place. Enfer et damnation ! C'était elle.

- Telma, tout va bien ?

Elle répondit par l'affirmative mais son temps de réponse l'inquiéta aussitôt.

- Anton, éluda-t-elle. Ton père te demande de venir signer des documents à sa place. Je lui ai dit que ça pouvait attendre lundi mais…

- Je viens tout de suite, attends-moi.

Il raccrocha et changea de direction en commençant un exercice de relaxation. Il venait de se satisfaire. Il ne pouvait pas se trouver dans un état pareil, rien qu'en pensant à ses seins. C'était totalement incompréhensible. Il était complètement fou.

 

...histoire à suivre en commandant le livre… infos sur www.facebook.com/dorisdumabin

Signaler ce texte