Une envie de voyage

Magguie Loquitur

Jeunesse, rêve et grand saut vers l'inconnu et l'aventure ...

Le visage de M. Gonfin était cramoisi. Il continuait de hurler, quand la cloche de cette journée bien trop longue à mon goût sonna. Je ramassais rapidement mes affaires tout en saluant mes amis et courrais attraper mon bus. M. Gonfin hurlait toujours alors que je m'éloignais.

Une fois assise, je pris une profonde inspiration. Ce cher professeur venait de nous rendre une autre interrogation de sa composition et évidemment ce n'était pas bon pour moi. Vraiment pas bon. Cela signifiait un nouveau sermon de mon père.

Ce fût instantané.

-       Tu te moques de moi ? Encore un 7 en sciences physiques ?

-       Oui, mais …

-       Tu te rends compte qu'une telle note peut anéantir ton dossier pour l'école de médecine ? C'est juste impossible pour toi. Tu es censée voir plus loin que caissière je te rappelle !

-       Evidemment que ce n'est pas mon objectif ! Mais je ne veux pas faire médecine ! C'est ton idée pas la mienne. Je veux partir d'ici et voir d'autres choses ! Je n'ai pas envie de finir ma vie sans avoir rien vu d'autres que l'herbe desséchée de notre jardin !

-       Nous avons déjà eu cette discussion jeune fille. Tu connais ma position. Si ta mère était là tu ne discuterais pas mon autorité.

-       N'inclus pas maman dans cette conversation ! Elle savait ce que je souhaitais et le respectait !

-       Ca suffit ! Cette conversation est terminée. Monte dans a chambre, tu n'en sortiras que lorsque tu te seras calmée.

Ce que je fis, sans demander mon reste. Ces petites scènes étaient presque devenues habituelles depuis la rentrée et l'enjeu qui entourait cette année.

Je soupirais en poussant la porte de mon domaine. Immédiatement, je me sentis bien mieux. Une bonne dose de dessins et de photos sur les murs, des cartes postales, des livres de cours sur mon bureau, une pile de romans de SF à côté de mon lit et quelques peluches dessus. Ainsi se définissait mon petit monde. J'ouvrais la fenêtre et m'asseyais. Une légère brise de ce début de printemps agita mes cheveux.

Je pris un instant pour considérer mes rêves de voyages, que je ferai ou non. Se lever dans un endroit et se coucher dans un autre, rencontrer de nouvelles personnes et qui sait, peut être l'amour ? J'avais toujours pensé qu'un jour je quitterai la maison pour un ailleurs. Avant, je comptais rentrer mais depuis que maman est morte, papa et moi nous éloignions de plus en plus. La boîte sous mon lit, pleine d'argent rassemblé au fil du temps, attendait depuis le début.

Je restais là jusqu'au couché du soleil.

En enfilant mon pyjama, une idée me frappa. Et si le moment était venu ? S'il était temps que je prenne mon courage et parte ? Pourquoi pas demain après tout ? C'était le début du weekend et j'avais toujours aimé le samedi. Personne ne souhaitait savoir ce que je faisais et mon père allait être absent toute la journée. Après notre dispute, je doutais qu'il veuille me reparler de si tôt. Et si jamais je décidais de faire demi-tour, je pouvais rentrer sans que personne n'en sache rien.

A 8h45, je ne voulais pas me confronter à mon père. J'allais directement me coucher et rêvais de mes prochaines aventures.

 

Le bruit d'une porte qui claque me réveilla. Mon réveille indiquait 7h17. C'était certainement mon père partant au travail. Je mangeais un rapide petit déjeuner pour préparer mon sac. Après quelques minutes de réflexion, je choisis de prendre la plus grosse valise à roulette que je pouvais trouver, ainsi qu'un sac de voyage et un plus petit sac à main. N'ayant aucun idée de l'endroit où j'allais me rendre, je pris beaucoup de vêtements tous très différents : sweatshirt, pullover, pantalon, cape, bottes, sandales, etc. Pour voyager aisément, je m'habillais d'un jean, d'un t-shirt en dessous d'un sweatshirt à capuche, une veste en jean et chaussais mes bottes. Lorsque la valise et le sac furent remplis, je mis dans mon petit sac le contenu de ma tirelire, mon téléphone, une boîte de mes biscuits préférés et un épais carnet vide.

Je ne vivais pas très loin de la gare de ma ville. J'y arrivais donc en quelques minutes après avoir dit au revoir à ma maison, prenant mes clés.

 

Derrière sa vitre d'hôtesse de caisse, une vieille femme avec de petites lunettes sur le bout du nez me demanda finalement où je souhaitais me rendre. A cet instant, je réalisais que je n'en avais aucune idée. Je ne dis rien et la vieille dame sembla comprendre.

-       Vous savez jeune fille, ma mère fut une grande devineresse/voyante de son temps et j'ai en quelque sorte hérité de ses capacités. Donc, si vous le souhaitez, je pourrais vous aider à trouver votre destination …

Et sans attendre ma réponse, elle attrapa ma main entre les siennes. Elle se mit à fredonner une mélodie, les yeux fermés.

-       Hum … Oui … Ca explique tout …

Soudain, elle ouvrit les yeux et me fixa comme si je n'étais plus la même personne qu'un instant plus tôt. Elle se détourna de moi aussi vite pour taper frénétiquement sur le clavier de son vieil ordinateur.

-       Voici votre ticket mademoiselle Félicity, dit-elle en plaçant dans ma main un ticket avec un grand sourire.

-       Mais … Comment connaissez vous mon nom ? Où m'envoyez vous ? Et combien je vous dois ? m'exclamais-je éberluée.

-       Arrêtez de poser des questions et partez prendre ce train : il part bientôt !

Le nom de ma destination n'était pas écrit sur le billet, seulement un numéro de quai et une heure de départ. Je relevais la tête vers le guichet mais la vieille femme avait déjà disparue derrière un rideau métallique. Un regard sur la grande horloge du hall de gare et je m'aperçus que mon train allait partir dans moins de 30 minutes. J'attrapais tous mes sacs et commençais à marcher aussi vite que mon paquetage me le permettait.

Le contrôleur appelait les derniers passagers, quand j'arrivais finalement à ma voiture le souffle court. Mon compartiment était d'une taille raisonnable avec deux canapés face à face. Je m'installais et demeurais seule, tranquille au moment du départ.

 

Tandis que les bâtiments de la gare rétrécissaient à vue d'œil, une pointe d'anxiété et d'excitation apparue dans mon esprit. Je l'avais fait ! C'était fou comme une simple mauvaise note et une nouvelle dispute avec mon père avaient été l'élément qui allait me pousser à sauter le pas ! Quelques heures plus tôt, j'étais dans mon lit en train de rêver et maintenant j'étais dans ce train, en route pour une destination inconnue.

Après une petite heure à admirer le paysage, je réalisais que ma boîte de biscuits était vide et que j'avais plutôt faim. Je décidais donc d'aller explorer le train pour trouver le wagon-restaurant. Chacun était d'une taille assez impressionnante et il y en avait tellement : la plupart étaient des wagons-couchettes, un autre était un genre de bibliothèque roulante, une papeterie combinée à une échoppe où trouver tout le nécessaire au voyage, … et beaucoup d'autres. Lorsque j'arrivais finalement au wagon restaurant j'étais affamée.

Cet endroit était similaire au reste du train : simple mais très beau et confortable. Le menu affichait une carte qui mettait l ‘eau à la bouche et aux prix convenables. Je décidais de commander un wrap au poulet et une bouteille d'eau.

De retour dans ma cabine, je pris mon carnet vierge et commençais une liste de choses que je souhaitais faire maintenant, lorsque quelqu'un frappa. Un jeune homme passa sa tête dans l'entrebâillement de la porte.

-       Excusez moi, le train est complet … Est qu'on pourrait se joindre à vous ? il hésita un instant avant de compléter. Je suis avec mon grand-père.

J'hésitais. Il semblait avoir à peu près le même âge que moi, plutôt grand avec les cheveux en bataille. Cependant, la plupart des gens attaqués décrivent leur agresseur comme quelqu'un de sympathique. D'un autre côté, accompagné d'un petit grand-père cela paraît peu probable.

-       On ne vous dérangera pas, promit une voix derrière lui.

Après tout ce voyage vers l'inconnu allait peut-être être un peu long. Un peu de compagnie serait la bienvenue. Et puis je n'étais pas horrible au point de les laisser à la rue dans ce train bondé.

-       Je vous en prie, fis-je en désignant la banquette face à moi.

La porte du compartiment s'ouvrit davantage pour laisser entrer le jeune homme suivit d'un petit monsieur, plutôt ridé et dégarni. Il me salua d'un signe de tête et me sourit gentiment.

-       Merci de nous laisser vous accompagner, me dit-il. Mon nom est Marius et voici mon petit-fils, si on peut dire, Owen.

-       Enchantée, je m'appelle Félicity.

-       Joli prénom, remarqua Owen avec un sourire.

Marius acquiesça en souriant à son tour. Je ne savais pas trop quoi répondre, alors je souris aussi.

-       Savez-vous vers où roule ce train ? demandais-je finalement.

-       Parce que tu ne sais pas ? demanda le jeune homme avec un regard mi-amusé mi-ahuri.

-       Non, avouais-je. J'ai acheté mon ticket au hasard à vrai dire …

-       C'est une drôle de façon de voyager, rièrent-ils. Vous faites ça souvent ?

-       En fait, je me suis enfuie de chez moi, dis-je d'une voix gênée.

Et voilà ! Je racontais ma vie. A coup sûr ils allaient croire que j'étais une fille à problèmes. Au lieu de ça, Marius ferma les yeux et hocha la tête, tandis que Owen me sourit et que ses yeux s'illuminèrent.

-       Ca explique tout dans ce cas, murmura le vieil homme.

-       Qu'est-ce que ça explique ? Où va ce train ?

-       Trop de questions d'un coup, sourit Owen en s'installant confortablement dans son siège. Les réponses viendront en temps voulu. Et si on profitait du paysage en attendant ?

Marius ria doucement et ouvrit un livre qui semblait ancien d'après les pages écornées et de la couverture de cuir usée. Frustrée, je m'enfonçais un peu plus dans mon siège et ne dis plus rien.

 

Je ne réalisais que je m'étais assoupie que lorsque j'ouvris les yeux. Il faisait noir et une paire d'yeux émeraudes se tenaient face à moi. Owen venait de me réveiller. Il se rassit aux côtés de Marius et je réalisais que le train était à l'arrêt.

Le vieil homme tourna ses yeux vers moi et essaya de me dire quelque chose, mais le train sifflet du train noya ses mots. Je tentais de me concentrer mais ne compris rien. Le sifflet continuait, plus fort et plus strident à mes oreilles.

Je clignais des yeux et soudain je me retrouvais dans la salle de M. Gonfin.

 

 

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