Une erreur

Annoncer une triste nouvelle. Une besogne périlleuse pour d'impuissants messagers. Faire part d'une infortune semble d'emblée une histoire complexe. Saisir son téléphone ou confier de vive voix. L'écrire. Déployer prudemment d'ingénieux discours anesthésiants. Parler posément. Tantôt affectueusement. Tantôt fermement.
La diplomatie des rois freine les révoltes. Les tempêtes n'emportent que les arbres légers. Les fleurs repoussent néanmoins sous les cratères.
On m'a annoncé crûment une tumeur au cerveau. Comme un changement météo. Un chancre bénin. L'arrivée glorieuse d'une course hippique. J'attendais fébrilement depuis dix minutes le retour du radiologue dans la cabine exiguë et sombre du dispensaire. L'été médiocre n'envisageait guère de beau temps. J'avais pourtant très chaud.
Tumeur. Mon âme menacée.
J'ai baissé les yeux dans un mutisme déconcertant. Le silence du fou le distance de son crime. Je ne pensais pas que je pouvais mourir. Si…
J'ai arraché mon cathéter. Hurlé à m'érailler la voix. Lancé des coups anarchiques aux murs étroits. Blasphémé contre un diable divin pour conjurer mon sort. Visions soudaines allégoriques.
Ma famille. Ma maison. Mes sacs. Mes voyages. Mes amis. L'ambulance. L'Italie. Mes parents. La neige. L'enterrement. Ma tombe. Tout.
Cette erreur humaine m'a rendu la vie plus docile.