Une famille redécomposée
scribleruss
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Fin du chapitre précédent
- Ah mademoiselle, oui j'ai vos résultats, j'ai beaucoup été pris ces temps-ci, oui ils sont sur mon bureau, j'allais vous appeler... Venez à mon cabinet ... Oui c'est ça ..
Apolline se rendit à son cabinet. Mais elle savait ce que les mots veulent dire. Le doc avait beaucoup été pris ces temps-ci.
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Chapitre 3 . L'un vit l'autre pas
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Le doc un peu gêné qui depuis huit jours avait le résultat des examens sur son bureau finit par révéler à Apolline son cancer du sein. Apolline avait du cran. Elle encaissa, eut une larme, téléphona à son compagnon, à ses parents.
Ce fut seule qu'elle prit les contacts, l'hôpital était à trois quarts d'heure du petit village où elle résidait, cela allait lui coûter en allers et retours après l'opération.
Il fallut commencer par l'opération. Il fallut poursuivre par les soins préventifs.
Ce sont ses parents qui lui suggérèrent de descendre résider chez eux deux cents kilomètres plus bas le temps des traitement préventifs de chimiothérapie quotidienne pour bénéficier des soins d'une clinique à proximité.
Et parce que la présence de ses parents et de l'une de ses soeurs encore présente au foyer, allait la sortir de la solitude du long congé d'une sombre maladie. Son compagnon n'apprécia pas.
L'opération se passa bien. Le sein fut épargné. L'intervention fut propre. L'incision bien placée et discrète.
Elle annonça les premières pertes de cheveux et informait des séquences. Elle les perdit et son visage déjà gracile devint une tête momifiée, rasée avec ses grands yeux dans leurs orbites... Elle acheta la perruque, elle coiffa le turban, chez elle, chez ses parents elles les abandonnaient et son crâne rasé, si menu paraissait celui des condamnés désespérés des camps de la mort dont à un autre titre, dans un autre registre elle incarnait le visage.
Elle passait de longues journées avec ses livres dans son ancienne chambre, son père passait la voir quelques minutes, ne lui parlait pas, que dire, il déposait un baiser sur son front, il lui pressait une épaule et repartait. Elle esquissait un léger sourire.
Elle parlait peu, échangeait peu mais ne rendait pas pour autant l'atmosphère pesante, chacun continuait de vivre dans une forme de sérénité bienfaisante à défaut d'être heureuse. Elle ne se plaignait pas, jamais.
Et pendant ce temps-là, huit cents kilomètres plus loin le prince charmant déroulait sa vie, mettait au monde deux garçons, enseignant la mathématique dans le sud de la France. A chacun son destin.
Après tout, lui avait une femme, des enfants, sa petite maison, et Apolline son histoire ancienne, avait aussi son Jules, sa petite maison, tout n'était-il pas pour le mieux dans le meilleur des mondes possibles.
Sauf qu'Apolline elle n'était désormais plus apte à avoir des enfants en l'état, elle avait blacklisté ce rêve inextinguible de femme. Pour pouvoir y espérer il lui faudrait attendre impérieusement la fin des traitements, les résultats d'examens complémentaires, et c'étaient quelques années de patience ...
Trente trois ans plus trois ou cinq années lui arrivait-elle de penser, de calculer, si tout évoluait bien elle tangenterait les quarante ans quand elle pourrait repenser maternité, mais la maternité avec ce chimiste, la maternité après ce traumatisme ....
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A suivre
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