UNE FEMME..UNE VIE

Jalal Eddine Montassar

Pourquoi racontai-je cette histoire, une histoire vraie ?Elle s’appelait Zahra. Elle était belle et coquette. Elle mettait le feu dans tous les cœurs ! Elle jalousait toutes les femmes du village par ses longues tresses qui cascadaient sur le dos et descendaient jusqu’en bas des fesses, par sa voix qui chantait les meilleures chansons andalouses et par sa démarche affriolante qui ressemblait à celle de la perdrix.Zahra, ceci est son nom. Et ce nom signifie Mars. Elle fut une étoile qui brillait là où elle passait. Notre village s’appelle “la porte de la lune” (Bab Al Kamra).Elle a épousé deux hommes. Cinq enfants sont le fruit de ces deux mariages. Le premier mari fut un savant, pieux, littérateur et discret.Le soir, chaque soir que Dieu a créé, elle était fière de lui laver ses petits pieds à l’eau tiède.Assise à ses pieds, l’oreille prêtée à sa belle et harmonieuse lecture coranique quotidienne, elle méditait sur ses traits et sur ses mains laiteuses comme une toile rare.Jour après jour, la tête enfouie dans les livres, le savant s’est emmuré dans son silence de plomb.Zahra ne brille plus. Puis l’étoile s’est éteinte, ou presque.La séparation.Le deuxième mari fut un commerçant de soie ambulant. Il passait ses jours en voyage, d’un village à un autre. D’un conte à un autre !Et le soir, à son retour, il lui racontait des histoires et des anecdotes de voyage. C’était lui qui lavait les petits pieds de Zahra à l’eau tiède.Zahra re-brille. Doucement, l’étoile a repris sa place dans le ciel d’Allah, là-bas, très haut avec les belles histoires des perdrix. Les tresses re-cascadent le dos,  le sourire s’installe dans les yeux, la voix redonne vie aux chansons et le village se réveille dans la soie de la joie.Un jour, c’était la fête, et il n’y a pas de fête sans Zahra. On célébrait le mariage d’un enfant du village.La fête c’est Zahra. Zahra c’est la fête.Le cortège de la mariée avançait, dans les brouhahas, la poussière, le baroud des cavaliers, les klaxons des voitures et des tracteurs, et les youyous de Zahra.Le cortège avançait. Soudain un malaise a secoué le cœur de Zahra. La foule avançait, dans le bruit de la fête. Zahra s’évanouit, agrippée à son long youyou.La fête cheminait dans l’allégresse et la liesse. Sur la langue de Zahra, les youyous se sont éteints. Le cortège avançait, dans la canicule, le baroud et la poussière soulevée par les chevaux, les voitures et les tracteurs.Avant de se retirer de la vie, Zahra a supplié ceux qui étaient avec elle dans la même voiture de ne pas divulguer sa mort afin de ne pas déranger la joie. On ne dérange pas la fête !Même dans sa mort Zahra voulait vaincre le silence, le chagrin et la grisaille. Et parce qu’il faisait chaud, caniculaire, discrètement, on a entreposé le corps de Zahra dans la chambre froide de la boucherie du village. Ainsi, le corps de Zahra est resté dans le froid sept jours et sept nuits. Les jours et les nuits que comptait la fête. Et au huitième jour, ils l’on fait sortir de la chambre froide. Comme dans la fête, dans le brouhaha et dans la poussière des villageois, elle fut enterrée. Le soir, triste, abattu, le petit commerçant ambulant n’avait pas trouvé les petits pieds de sa femme pour les tremper dans la bassine d’eau tiède ni ses oreilles attentives pour relater ses nouvelles histoires.

Pourquoi racontai-je cette histoire, une histoire vraie ?Elle s’appelait Zahra. Elle était belle et coquette. Elle mettait le feu dans tous les cœurs ! Elle jalousait toutes les femmes du village par ses longues tresses qui cascadaient sur le dos et descendaient jusqu’en bas des fesses, par sa voix qui chantait les meilleures chansons andalouses et par sa démarche affriolante qui ressemblait à celle de la perdrix.Zahra, ceci est son nom. Et ce nom signifie Mars. Elle fut une étoile qui brillait là où elle passait. Notre village s’appelle “la porte de la lune” (Bab Al Kamra).Elle a épousé deux hommes. Cinq enfants sont le fruit de ces deux mariages. Le premier mari fut un savant, pieux, littérateur et discret.Le soir, chaque soir que Dieu a créé, elle était fière de lui laver ses petits pieds à l’eau tiède.Assise à ses pieds, l’oreille prêtée à sa belle et harmonieuse lecture coranique quotidienne, elle méditait sur ses traits et sur ses mains laiteuses comme une toile rare.Jour après jour, la tête enfouie dans les livres, le savant s’est emmuré dans son silence de plomb.Zahra ne brille plus. Puis l’étoile s’est éteinte, ou presque.La séparation.Le deuxième mari fut un commerçant de soie ambulant. Il passait ses jours en voyage, d’un village à un autre. D’un conte à un autre !Et le soir, à son retour, il lui racontait des histoires et des anecdotes de voyage. C’était lui qui lavait les petits pieds de Zahra à l’eau tiède.Zahra re-brille. Doucement, l’étoile a repris sa place dans le ciel d’Allah, là-bas, très haut avec les belles histoires des perdrix. Les tresses re-cascadent le dos,  le sourire s’installe dans les yeux, la voix redonne vie aux chansons et le village se réveille dans la soie de la joie.Un jour, c’était la fête, et il n’y a pas de fête sans Zahra. On célébrait le mariage d’un enfant du village.La fête c’est Zahra. Zahra c’est la fête.Le cortège de la mariée avançait, dans les brouhahas, la poussière, le baroud des cavaliers, les klaxons des voitures et des tracteurs, et les youyous de Zahra.Le cortège avançait. Soudain un malaise a secoué le cœur de Zahra. La foule avançait, dans le bruit de la fête. Zahra s’évanouit, agrippée à son long youyou.La fête cheminait dans l’allégresse et la liesse. Sur la langue de Zahra, les youyous se sont éteints. Le cortège avançait, dans la canicule, le baroud et la poussière soulevée par les chevaux, les voitures et les tracteurs.Avant de se retirer de la vie, Zahra a supplié ceux qui étaient avec elle dans la même voiture de ne pas divulguer sa mort afin de ne pas déranger la joie. On ne dérange pas la fête !Même dans sa mort Zahra voulait vaincre le silence, le chagrin et la grisaille. Et parce qu’il faisait chaud, caniculaire, discrètement, on a entreposé le corps de Zahra dans la chambre froide de la boucherie du village. Ainsi, le corps de Zahra est resté dans le froid sept jours et sept nuits. Les jours et les nuits que comptait la fête. Et au huitième jour, ils l’on fait sortir de la chambre froide. Comme dans la fête, dans le brouhaha et dans la poussière des villageois, elle fut enterrée. Le soir, triste, abattu, le petit commerçant ambulant n’avait pas trouvé les petits pieds de sa femme pour les tremper dans la bassine d’eau tiède ni ses oreilles attentives pour relater ses nouvelles histoires..

Signaler ce texte