Une femme forte

jerome-giusti

Ce texte un peu sombre est issu d'un exercice d'écriture, une extrapolation extrême sur un sentiment ressenti.

Ca va, il n'y a pas mort d'homme non plus. Ca vaut vraiment la peine de faire tout ce cinéma ? Evidemment que je ne vais pas vous apprendre votre métier, mais quand même, ça va un peu loin, non ?

Et puis d'abord, un homme, un vrai, il ne se comporte pas comme ça. C'est quoi cette façon de pleurnicher et de rapporter ? On n'est plus en maternelle ! Franchement, j'ai jamais voulu lui faire de mal à ce type, au contraire. Et regardez-moi, vous en connaissez beaucoup qui refuseraient ?

D'ailleurs, il avait pas l'air farouche, vu comment il était habillé. On voyait bien qu'il demandait que ça. Bah oui, les autres aussi étaient habillés pareil, mais lui, comment dire… Il cachait pas grand chose. Et j'ai bien vu son regard avant d'aller à l'eau. Ca voulait bien dire qu'il voulait que je le suive. Parce que un homme, un vrai, il sait ce qu'il veut. Comment je pouvais savoir que sa fiancée s'était installée juste derrière moi, et que c'est elle qu'il regardait ?

Et puis, quand la première vague l'a poussé vers moi soi-disant « accidentellement », j'ai compris ce qu'il avait dans la tête. Parce que un homme, un vrai, il reste droit, il trébuche pas dans les rouleaux.

Alors pour lui montrer que j'avais compris, j'ai fait pareil. J'ai attendu la bonne vague moi aussi et je me suis laissée aller sur lui. Après, je l'ai fait tomber à la renverse en mode romantique, comme dans les films. Et j'ai profité d'être sur lui pour glisser ma main… Enfin bon, vous voyez, je vais pas vous faire un dessin, monsieur le lieutenant. Un homme, un vrai, c'est toujours prêt.

Alors j'avoue, j'ai mal réagi quand je l'ai embrassé et qu'il m'a repoussée. J'aurais peut être pas dû le taper avec le galet. Mais bon, ça va, ça saigne facilement, la tête. Avec 3 points de suture ça sera vite réglé. D'ailleurs, il était en état de porter plainte non ? Si j'ai les menottes, c'est bien parce qu'il a cafté. Vous voyez, ça me dégoûte ça. Un homme, un vrai, il a jamais de panne, il fait pas sa vierge effarouchée, et il saisit les bonnes occasions.

Je suis innocente, monsieur le lieutenant. C'est la société qui va mal. Le problème, c'est gens bien-pensants, bien propres, bien lisses, avec des idées pures.

Mais un homme, un vrai, il a des besoins et il est toujours prêt à les satisfaire. Et une femme, elle a les même besoins, même si elle le sait pas. Même si elle croit qu'elle veut pas, elle veut quand même. C'est ça être une femme forte ! C'est comme ça que le directeur de l'orphelinat m'a élevée depuis toute petite, pendant les cours privés dans son bureau.

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