Une gentille dame
eskimonaute
La petite fille tenait très fort sa poupée, elle représentait désormais le seul lien qui la retenait au monde qu'elle connaissait. Dans ce salon personne ne la regardait, ne prêtait attention à elle. La vieille dame lui caressait cependant les cheveux tout en continuant à donner des ordres aux adultes qui s'affairaient en cuisine. La petite fille se souvenait du marché dans lequel elle marchait sans crainte avec son père. Les bibelots flottaient tout autour des têtes, sa poupée virevoltant entre ses mains. Ne prenant garde, elle perd de vue les siens, la vieille dame arrive lui promettant de lui trouver ses parents. Pourquoi alors prendre la camionnette? Mais elle est si gentille, c'est une grand-mère, et les grands-mères ne font pas de mal. C'est un pays inconnu ici, pour elle. La petite fille caressa les cheveux de la poupée quand elle entendit les voitures tonitruantes. Les fusils chargés, aucun mot ne sortit de la bouche des hommes, la petite fille se dirigea calmement vers son père.
C'est que la vieille dame est connue, elle et les siens. La petite fille grandit hantés par les non dits de cette histoire qui plus jamais ne furent abordés. Pays lointain aux coutumes étranges se dit-elle, une campagne démunie. Comme un pèlerinage, une incantation contre ses peurs, la petite fille retrouva la maison. Ravagée par les flammes, plusieurs fois comme pour être sûr que rien n'ait survécu.
Plusieurs symboles aux nombres de quatre à différents endroits de la maison. Les souvenirs remontant à la surface, soudain la mémoire et les détails de cette journée se firent plus précis. Les sons, l'odeur lui frappant au visage. Regardant autour d'elle apeurée, elle prononça le mot que chacun dans la région redoutait et qui faisait que la gentille vieille et sa maison était si connue. Tellement connue, que lorsque les enfants disparaissaient c'étaient là qu'on cherchait en premier.
"cannibales" dit-elle dans un souffle.