Une pause

Elle se réveille, le corps couvert de mousse. Une belle mousse allant du vert intense le long de ses jambes au gris bleuté sur le bout de son nez, plus exposé aux éléments. Des nuances tendres couvraient ses parties intimes ainsi que l'intérieur de ses coudes et des ses doigts. Des fourmis, des coccinelles et quelques champignons poussaient çà et là, et une famille de souris avait élu domicile dans sa chevelure longue, fournie et très emmêlée à présent. La forêt l'avait protégée à la manière d'une mère possessive (ou plutôt d'un père autoritaire dans son cas), en l'assimilant. La forêt l'avait digérée en quelque sorte.

« J'ai dormi vraiment longtemps » s'étonne-t'elle, s'asseillant, le corps souple, malgré un sommeil de deux années. Un vrai miracle. Elle s'affaire tout d'abord à déplacer l'écosystème, prenant garde de ne blesser aucun des habitants qui n'auraient pas encore fui. Délicatement, elle décolle des pans entiers de mousse, et les dépose à terre. Elle a l'impression de décoller des morceaux de croûte terrestre. Lorsque le dernier de ses ongles est débarrassé, elle se met à la recherche d'une source d'eau. Elle connait cette forêt même sans s'y être baladée. Les arbres lui ont murmuré à l'oreille durant sa latence, bougeant leurs feuilles pour l'abreuver de la rosée du matin et la protéger des averses.Les oiseaux l'ont nourrie de vers et de baies, et les animaux se sont relayés pour qu'elle n'ait pas froid durant les deux hivers.
Elle connaît cette forêt si bien qu'elle n'en a même pas conscience. Comme on connait sa main.

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