Une Semaine

coclique-ho

Illustration Sarah Vieille ©

-Lundi-
J’me suis cogné au coin du jour
Comme, étonné du monde autour
Qui s’agitait fin de week-end pour
La semaine qui commençait

J’avais le cœur en bandoulière
Beaucoup d’envies, des tas de souhaits
J’avais des rêves plein les paupières
Qui se tissaient et s’chamaillaient

À tel point que je ne distinguais plus
Dans c’tintamare, cette pagaille
L’agitation, le bruit de la rue
De la clameur de mes entrailles

J’ai donc remis au jour prochain
C’qu’il est préférable de ne pas faire le jour même
Histoire de séparer le grain
De l’ivresse, au matin blême
-Lundi-

-Mardi-
J’me suis levé de bon matin
L’air était pur et si  léger
Que j’ai même effleuré en chemin
Des horizons au goût sucré

J’avais, j’crois, le pied marin
Et j’étais prêt à avaler
Sans sourciller, sans sourciller
Des kilomètres de quotidien

J’ai donc fait quelques escales
Pour m’imprégner à mesure
De l’ambiance estivale
Qui, fleurirait mon futur

Depuis Porte des Lilas
J’ai pris direction plein sud
Je n’ai fait que quelques pas
Mais vers un changement d’attitude
-Mardi-

-Mercredi-
Le vent a soufflé en rafale
Éole a pris son pied à effeuiller un à un chaque pétale
Alors bouche bée, j’ai attendu le diagnostic final:
“Je t’aime, un peu, beaucoup,
Plus du tout, j’ai un amant”...

C’est drôle mais, sur le coup
Je n’ai pu avoir aucune réaction
Comme si la violence du coup
Avait obstrué l’horizon

Pantin écorné, froissé
Vidé  de  toute substance
J’me suis mis en boule pour pleurer
À attendre les jours qui chantent

Depuis, j’regarde d’un air léger
La distance qui nous sépare
Du temps où j’étais accroché
À ton cœur sans amarres
-Mercredi-

-Jeudi-
Le ciel était noir à en craquer
Tu m’as quitté la veille
Et j’peine encore à me relever
De cette absence de soleil

J’ai pourtant continué
À marcher tête nue
Et quand l’orage a éclaté,
J’ai plongé vers les nues.

Les gouttes de pluie étaient grosses, comme des tomates
Qu’un public olympien insatisfait me jetait à la figure
Mais j’avançais dignement, sans trop de hâte
Car derrière le fracas et les cris se dessinait à nouveau, l’azur.

L’azur souriant et gracieux
Chanté sans vague par une sirène
Une sirène de banlieue
Exilée, parmi nous, dans l’arène! “Oh ma reine”!
-Jeudi-

-Vendredi-
Le temps s’est soudain arrêté
-----------------------------------
Elle dormait encore
Je l’écoutais doucement respirer
Caché au creux de son corps

C’était, c’était une explosion
Comme si après tant d’apnée
J’goûtais enfin la profusion
Du bonheur sans gravité

J’étais simplement là
Laissant mon enveloppe explosée
Goûtant entre ses bras
De doux détours improvisés

Elle était mon élan
J’étais sa paresse
Nous glissions lentement
Entre les ombres et les caresses
-Vendredi-

-Samedi-
Notre frêle embarcation
A finalement pris le grand large
Avec comme douce musique de fond
Barbara, nous invitant au voyage

Nous avons essuyé des tempêtes
Mais plus souvent la vaisselle
Et quand nous cassions des assiettes
Nous savions ne pas être trop cruels

Ainsi cahin-caha
Sans y prêter attention
Nous devînmes toi et moi, trois
Éblouis par l’horizon

Nous avions tous deux des rêves
Tellement immenses, qu’ils semblaient lourds à porter
Nous les brodions du bout des lèvres
Afin de ne pas  les apeurer
-Samedi-

-Dimanche-
Nous sommes rentrés au petit jour
A pas feutrés et nous glissions
Enlacés, mon bras autour
De toi, en colimaçon

Chaque marche jusqu’au balcon
Encanaillé par tes soupirs
Nous a surpris le coeur fripon
Subjugués par le désir...

A midi, nous sommes allés en bon soldats
Déjeuner chez tes parents
Tes oncles, tes tantes, toute la famille était là
Pour rencontrer “ton élégant”

Elégant, je ne le fus pas
Car l’oncle Eugène à coups de jaja
M’a terrassé bien malgré moi
Si bien que, je ne me souviens pas
Comment nous sommes rentrés chez toi.
-Lundi-

Signaler ce texte