Une terrible beauté est née

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Backstage.

Devant le miroir, elle regarde son visage. Elle a apprivoisé ce visage qui l'a longtemps répugné. Elle ausculte sa peau. Une frise de dentelle traverse sa joue, frontière délicate entre un avant et un après. Son regard abyssal est habité: la noirceur de son iris se confond avec le vertige de sa pupille. Elle sourit.

Elle prend le fond de teint, et avec ses doigts enduit son visage. La pâte uniformise sa peau, le grain s'estompe. Sfumato cosmétique, elle rayonne, prête à affronter les projecteurs de la scène, à dompter la foule qui l'attend. Quelques lignes de mascara, deux trois tours avec sa chevelure de sirène, elle est prête à gravir les marches vers les projecteurs. La clameur monte, la pression grandit. Le stress est un aspirateur intérieur qui commence par dépouiller ses jambes de leur énergie, vide son ventre et oppresse ses poumons, sa tête est un désert. Les quelques pas qui la guident vers le public, font monter une vague indicible d'énergie. Elle s'avance dans la pénombre habitée de cris et hurlements. La vague est là, monte en elle. Obscurité. Silence. LUMIERE! Inondée de force, habitée de l'amour des fans, elle explose: MUSIQUE!

Sa voix est profonde et grave, un timbre singulier roule sur le gravier des nodules qui façonnent ses cordes vocales. Lorsqu'il y a dix ans, après avoir chanté Hôtel California, l'ORL avait introduit dans sa bouche une caméra, l'image étrange de cet organe magique avait montré des cordes vocales épaissies et irrégulières. Le feu était venu visiter l'intérieur de son corps. Pendant quelques instants, alors que les vapeurs d'essence consumaient son visage, le cri qu'elle avait voulu poussé s'était noyé dans son corps. Cri pétrifié par le feu, cri silencieux de l'horreur. Celle de la mort qui étreint votre source de vie: le souffle. A l'inspiration, les vapeurs et leurs flammes démoniaques, avaient exploré son appareil respiratoire. En passant par les cordes vocales, elles avaient balayé ses espoirs de chanteuse... Elle avait 17 ans.

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