Une vie de rêve
gabielle
Ce matin, je me suis réveillée le cœur léger, avec le pressentiment que quelque chose de bien allait arriver. Pourtant, c’est un jour comme un autre, rien de spécial n’est programmé aujourd’hui.
On est en plein milieu du mois de Novembre. En sortant de chez moi pour me rendre à l’école, mes épaules se sont contractées automatiquement à cause de la fraîcheur d’une matinée automnale. Malgré le froid glacial qui me fouette le visage, le lever de soleil est magnifique, les quelques rayons qui percent le ciel paraissent caresser ma peau particulièrement douce aujourd’hui. Je descends tranquillement la rue qui mène au lycée. La ville est paisible, j’entends au loin le vrombissement des voitures, comme un écho. Je me félicite d’avoir pris ce chemin pour marcher loin de la foule et de la circulation.
L’autre avantage d’avoir emprunté cette route, c’est que d’ici, on peut admirer un panorama du ciel. Devant moi s’étend l’horizon. Les nuages aux teintes roses et jaune orangé semblent scintiller derrière les bâtiments grisâtres du centre-ville. Je profite de cette vue pour me remplir au maximum les mirettes avant de plonger dans le travail. La voûte céleste m’émerveillera toujours. Ce cadre sensationnel couplé à une musique de fond pleine d’entrain (celle de mon baladeur mp3) me donne une telle confiance en moi que je me sens prête à déplacer des montagnes et bien plus encore, j’ai presque l’impression d’être l’héroïne d’un livre. Tout cela m’insuffle une énergie qui me fait positiver.
J’arrive à mon établissement et trace mon chemin pour retrouver mes amis qui doivent sûrement attendre au même endroit que d’habitude. Un rare sentiment de joie flotte dans l’air, des couples se tiennent la main et s’embrassent fougueusement, des bandes de copains rient ensemble, de vieilles connaissances se sourient.
Je vois au loin les silhouettes de mes meilleures amies qui se détachent dans la foule. Elles discutent avec d’autres gens de ma classe avec qui on est en train de se lier d’amitié. Juste à côté, il y a quelqu’un d’autre, quelqu’un de très important. Cette personne est assise, de dos et à semi-cachée par un groupe de filles aux tenues affriolantes mais elle est celle dont je discerne le mieux les contours, celle dont je sens l’aura même de loin, comme si les gens autour s’écartaient, de la même façon que le ferait l’eau sous les pieds de Moïse, et que le monde autour de nous s’évaporait. De cette manière, il ne resterait plus que nous deux, face-à-face…Boum…Boum
Cette personne, c’est Nathan. Une fois que je pose mon regard sur lui, il est difficile de m’en détourner, mes pupilles sont vissées à sa personne. Tant et si bien que, parfois, j’en oublie même de respirer.
Il m’a vue et me fixe de son regard intense, profond et ravageur. Mon cœur flanche. Je ne sais plus où poser mes yeux alors je regarder droit devant moi…à droite…le ciel, puis je me décide finalement de le poser sur mes amies. Les vingt mètres qui me séparent du groupe m’apparaissent comme des kilomètres. Quinze mètres. Je fais de mon mieux sur mes petits talons pour adopter une démarche de top-modèle, l’allure pleine d’assurance. Dix mètres. J’ai bien fait de mettre du gloss ce matin, j’en profite pour entrouvrir très légèrement les lèvres, comme si de rien n’était, pour me donner un air sensuel. Cinq mètres. J’essaie de battre des cils de la manière la plus naturelle du monde afin de faire plus « féminine ». Deux mètres. Je rejette mes cheveux en arrière.
J’atteins enfin la place. Je débarque avec un grand sourire, enthousiaste, respirant la joie de vivre. J’embrasse tout le monde machinalement comme chaque jour. De même pour Nathan, car il y a quelque chose qu’il faut savoir à son sujet : Nathan a beau être celui que j’aime, il est avant tout mon meilleur ami. Il ne fait pas partie de ces gars stéréotypés habillés comme les dernières célébrités en vogue du moment, avec leurs coiffures digne des grandes stars hollywoodiennes qu’ils se vantent d’avoir fait à la va-vite alors qu’ils mettent des heures à se coiffer devant leur miroir, pire que des filles. Non, il n’est pas comme ça Nathan. Il est plutôt banal d’un point de vue physique. Il est vrai que si on le parcourait rapidement du regard, on ne s’y attarderait pas. Cependant, il a ce charme mystérieux qui, quand on le connait bien, fait fondre les cœurs.
Evidemment, je l’aime surtout pour ce qu’il est et non pour ce qu’il paraît être. Je le connais depuis seulement quelques années mais je tiens énormément à lui. Auparavant, si on m’avait posé cette question embarrassante que n’importe qui poserait en nous voyant si proche, j’aurai bien ri. A force de le côtoyer, j’ai pu prendre conscience à quel point il est spécial.
Le décrire ? C’est probablement impossible de citer toutes ses qualités mais il y a bien quelques points sur lesquels tout le monde s’entend. Il est le seul gars que je connais à me parler aussi librement et sans préjugé sur le sexe opposé, et c’est aussi réciproque, je peux lui parler et me confier comme à l’une de mes amies sans être perplexe quant à son interprétation, je sais qu’il comprend et qu’il le prend au sérieux. Son « plus » par rapport aux autres, c’est qu’il a des principes et des valeurs très honorables que je respecte profondément. Je l’admire énormément pour ça, c’est presque un exemple pour moi. De plus, il se soucie des autres, choses rares chez les garçons. Il est à l’écoute, il sait se mettre à la place des autres. Enfin, il a de nombreux talents cachés que l’on ne pourrait même pas imaginer dont l’un est de me faire rire en toutes circonstances, et encore, c’est sûrement le moins surprenant de tous. Je pourrai encore disserter sur ce sujet pendant des heures mais j’ai bien peur de faire du bourrage de crâne et je préfère lui laisser une part de mystère. En bref, il n’est peut-être pas parfait mais il est idéal.
Je lui fais donc la bise en feignant l’indifférence alors qu’au fond, je m’enflamme littéralement de l’intérieur.
On se dirige tous ensemble vers les bâtiments de cours en parlant des événements de la veille et du nombre excessif de devoirs donné par notre professeur.
On commence par un peu d’histoire. Pendant une heure, le professeur parle, mais pour une fois, je parviens à l’écouter car, étonnamment, je suis captivée par ce chapitre. D’habitude, même en y mettant la meilleure volonté du monde, il y a toujours un moment où je décroche et où je vagabonde dans mes pensées. Puis je redescends sur Terre et je n’ai de cesse de regarder ma montre en souhaitant que le temps passe plus vite. Toujours est-il qu’aujourd’hui, je suis réellement passionnée et je m’imagine la scène que le prof raconte, comme quand je lis un livre. Il me tient en haleine.
Lors de la deuxième heure, il nous met un contrôle surprise sur ce qu’il vient de dire précédemment. Une ampoule s’illumine au-dessus de ma tête, il faut croire que c’est mon jour de chance, pile le jour où je suis absorbée par le cours. Dès que les feuilles nous sont distribuées, on les retourne tous simultanément, le compte à rebours peut commencer. Je lis d’abord les questions et je souris intérieurement en pensant à la bonne note qui m’attend. Sans même avoir à me creuser la cervelle, les réponses coulent de source et je réponds facilement à toutes les questions. Vite fait, bien fait. Je termine dix minutes avant la fin, je mets un point final à ma copie et je lève la tête pour me situer par rapport au reste de la classe. Je suis la première à finir. Le prof l’a remarqué et m’autorise à sortir. J’attends patiemment les autres dans le couloir en jubilant intérieurement à la perspective que cela remonte grandement ma moyenne.
Pendant ce laps de temps à attendre, je me perds dans mes pensées. Je me dis que la journée commence bien. Qui dit, c’est peut-être un signe !
La sonnerie retentit, mes camarades de classe défilent un à un jusqu’à ce qu’il n’en reste plus. L’heure de manger est venue. Nos estomacs crient famine. Tout le monde se précipite comme un vers l’entrée du réfectoire. Aujourd’hui, j’ai la chance de pouvoir déjeuner avec tous mes principaux amis car c’est le seul jour où l’on est tous réuni. Nous sommes une petite dizaine donc cela sera sûrement dur de trouver assez de place pour nous tous. Par chance, cette heure-ci est une heure creuse où il n’y a quasiment personne. On peut ainsi accéder rapidement à la cantine et s’assoir à une grande table, on fait d’une pierre deux coups.
J’adore manger en compagnie de ma petite bande d’amis composée de mes meilleures amis, de Nathan et de quelques copains à lui qui se sont bien intégrés à notre cercle. Le midi est sans aucun doute le meilleur moment de la journée. Pouvoir papoter et rigoler autant est tellement revigorant, cela fait vraiment du bien. C’est un peu comme une grande inspiration d’air frais avant de replonger.
A table, on parle de tout et de rien, de la pluie et du beau temps. On crée sans arrêt des délires tous plus originaux les uns que les autres et on en rit jusqu’à avoir mal au ventre, on peut dire que nos cerveaux se mettent en veille pour se reposer. Il n’y a jamais de grands silences pesant, juste de grands éclats de rire. Et puis, c’est vraiment quelque chose de se sentir autant à sa place dans un groupe : chacun est à l’écoute des autres, on se soutient mutuellement, on galère ensemble et on partage notre quotidien. C’est un peu comme une deuxième famille où l’on peut être qui l’on veut. La devise « un pour tous, tous pour un » n’a jamais été aussi vraie.
Après le repas, on va habituellement se reposer sur un banc près du bâtiment abritant notre prochain cours. On se dirige donc vers notre « coin ». Mais avant que je n’ai le temps de m’assoir, Nathan me prie de bien vouloir l’accompagner prendre un café. Folle de joie, je demande à mes amies de bien vouloir garder mon sac en attendant. J’ai tout juste le temps de les voir me faire des clins d’œil avant de m’éloigner.
En trajet, Nathan et moi continuons naturellement le cours de la conversation. Arrivés à la machine, Nathan s’arrête. Il n’y a personne aux alentours et pourtant, il me regarde et attend. Surprise, je lui demande pourquoi il ne prend pas son café. Il ne dit rien et me fixe avec insistance. Je ne sais quoi dire et je tente, en vain, de cacher que le rouge monte à mes joues. Je m’interroge. Ai-je quelque chose sur le visage ? Ai-je fait quelque chose qui ne lui a pas plu ? Après un instant, il brise le silence de sa voix suave : « En fait, aller chercher un café n’était qu’un prétexte pour être seul avec toi ». Les mots jaillissent comme une fontaine et me sont projetés en pleine figure. Il faut dire que je ne m’y attendais pas du tout. Ai-je bien entendu ? Sous-entend-t-il qu’il veut être seul avec moi ? Les questions se bousculent dans ma tête. Je parais l’écouter calmement mais c’est juste le temps qu’il me faut pour digérer l’information et qu’elle passe des oreilles au cerveau. Je réfléchis à cent à l’heure. Rien ne sort de ma bouche. Il continue : « Je pensais que c’était le moment propice pour enfin t’avouer que…je…euh…hum…enfin tu sais…, bredouilla-t-il. » Je suis littéralement pendue à ses lèvres, buvant chaque mot qui en sort. Je n’ose pas prendre la parole car il se pourrait que j’aie mal interprété. Quand bien même, mon esprit est vide et pourtant, dieu sait combien de fois je me suis imaginée cette scène en espérant qu’elle arrive. Cela fait tellement longtemps que j’attends ces mots-là que je ne discerne plus le rêve de la réalité. Il y a mille et une choses que je veux dire mais, rien à faire, aucun son ne sort, craignant que mes mots sonnent faux. Il poursuit en ayant l’air de prendre son courage à deux mains : « Bon voilà…, je voulais juste te dire que…
-Je t’aime…
- Comment ?
-Je t’aime, articulais-je. »
Trois mots, sept lettres et je me sens enfin libérée. C’est un poids en moins sur mon cœur.
Pour toute réponse, il me prend dans ses bras. A ce moment-là, je ne ressens à la fois plus rien et à la fois tout. Mon esprit s’est vidé d’un coup mais mon cœur s’est rempli de ce sentiment qui le caractérise tant : l’amour. Je suis, comme qui dirait, au sommet suprême du bonheur, mon cœur est sur le point d’exploser tellement je suis heureuse. Aucune phrase ni aucun mot ne pourrait décrire un tel sentiment. Plus fort que lorsque l’on remporte une médaille, plus intense que celui que l’on ressent la première fois qu’on prend l’avion, plus étonnant qu’une surprise de taille, encore plus fabuleux que le plus beau des cadeau de noël, juste indéfini.
Malgré tout, je pleure. Des larmes de joie et de soulagement aussi. A chaque fois que je m’amourachais de quelqu’un, je finissais toujours pas être déçue. Cette fois-ci, je sens que c’est différent. Cet amour-là a fini par se répandre sur tous mes autres sentiments, mon cœur commençait à déborder. Je ne dépendais presque plus que de cela, seul l’espoir me faisait tenir. Rien ne peut décrire ma joie à cet instant précis.
Nous revenons vers les autres en nous tenant la main, rouges comme des pivoines. En nous voyant ainsi, tous nos amis nous félicitent parce qu’ils savent à quel point cela nous tenait à cœur. Ils se réjouissent pour nous.
Retour à la réalité, les cours reprennent. Malgré cela, mon optimisme ne retombe pas et je reste sur mon petit nuage. Je n’ai pas encore bien réalisé ce que tout cela signifie. J’essaie tant bien que mal de me concentrer sur mon travail mais c’est assez compliqué.
Je fais de mon mieux en TP de sciences car je souhaite absolument travailler dans ce secteur plus tard. Je sais que c’est très important de travailler comme il faut. En plus, je suis ultra motivée pour mes futures études car quand on veut, on peut, il ne faut pas partir défaitiste. Je reste très positive pour me donner les moyens d’y arriver. Je sais que je peux y parvenir, après tout, je ne suis pas la plus bête de ma classe. Je me soucie beaucoup de mon avenir car, comme on dit, le futur est incertain, mais je veux faire en sorte de bien préparer le terrain afin de ne jamais manquer de rien.
La fin des cours se passent sans encombre. On se réunit tous une dernière fois à la sortie du lycée pour discuter cinq minutes et si dire au revoir.
Nathan insiste pour me raccompagner, quitte à faire un détour. Je le trouve absolument adorable de faire autant d’efforts, je n’en espérais pas tant, je suis aux anges. Juste avant de se séparer, nous nous embrassons tendrement, comme dans les films : le garçon raccompagne la fille puis ils s’embrassent sur le perron pour se souhaiter bonne nuit.
Je n’ai jamais embrassé personne et j’ai toujours eu peur de ne pas savoir m’y prendre… Finalement, ça s’est fait naturellement, comme si on l’avait déjà fait des centaines de fois. Le contact de ses lèvres et de sa langue me procure un plaisir inégalé. Ce n’est même pas écœurant, c’est plutôt agréable et rassurant de pouvoir être lié à la personne qu’on aime par un simple geste.
On se quitte ainsi, encore tout embarrassés, comme des enfants, mais le cœur léger et le pas sautillant.
Je rentre donc chez moi encore toute chose. Je passe la soirée à ressasser les événements de la journée. Pendant le dîner, je brûle d’envie de crier à tout le monde que je suis la plus heureuse du monde mais je contiens ma joie en sifflotant l’air d’un célèbre film romantique à propos d’un bateau qui heurte un iceberg, assurément la meilleure chanson parlant d’amour au monde.
Même dans mon lit, je ne cesse d’y penser et d’y repenser. Je me tourne et me retourne dans mon lit, ne trouvant pas le sommeil. De temps en temps, je me surprends même à sourire pour rien. Le film de cette journée tourne en boucle dans ma tête. La date de ce jour est à marquer d’une pierre blanche car il est incontestablement le plus beau de ma vie pour le moment. Je nage en plein rêve, oui, un rêve merveilleux qui ne prendrait jamais fin, j’en suis certaine. Sur ce, j’ouvre les yeux.
Je viens de faire un rêve mais je n’en ai plus aucun souvenir. Dommage car c’était plutôt agréable. En tout cas, j’ai un bon pressentiment quant à ce qu’il va m’arriver dans la journée. Pourtant, c’est un jour comme un autre, rien de spécial n’est programmé aujourd’hui.