Une vie pour une rose

Molly Dreams

...Les fleurs souffrent sous le ciseau, Et se ferment ainsi que des paupières closes ; Toutes les femmes sont teintes du sang des roses ; La vierge au bal, qui danse, ange aux fraîches couleurs...

Dans la mythologie gréco-romaine, nous devons la naissance de la rose à Flore, déesse des fleurs et du printemps. Quant à la naissance de sa couleur rouge, de nombreux mystères subsistent.      

Une légende veut que sa teinte soit née des joues rougissantes de Vénus, déesse de l'amour, de la séduction et de la beauté. Surprise dans son bain par Jupiter, dieu de la Terre et du ciel, c'est alors qu'elle rougit et que la rose l'imita. Sa couleur pourrait aussi être le fruit d'une histoire dramatique entre Vénus et son amant Adonis. C'est lorsque ce dernier fut menacé par Mars, dieu de la guerre, que Vénus vola à son secours et s'écorcha sur les épines d'un rosier blanc, colorant les roses de son sang.

Et si nous devions cette légende à Cupidon, dieu de l'amour ? Ce serait en renversant malencontreusement son verre de vin sur elle que la rose prit sa couleur rouge passion, rouge sang.


Sept…

Certains y verront les sept jours de la semaine ou bien les sept nains dans le conte Blanche-Neige, le nombre de tomes d'Harry Potter,le jeu des 7 familles, les sept ans de malheur auxquels nous devons faire face lorsque l'on casse un miroir. D'autres y verront les sept péchés capitaux, les sept signes du zodiaque, les sept planètes, les sept couleurs de l'arc-en-ciel, les sept notes de musique, les sept merveilles du monde, les sept étapes du deuil, le septième ciel, le septième art.

 

Moi, je vois avant tout la rose et ses sept pétales, signe de perfection, d'ordre, et d'accomplissement. Elle est avant tout, beauté, mais rappelle aussi le temps qui s'écoule et qui s'égraine, cette beauté qui se fane tout en laissant tomber ses pétales.           
 
Un chiffre. Quatre lettres. Des symboliques.

Sept…

 

~ Lorsque le blanc rencontre le noir ~


13 mai 2013.  

J'erre dans la ville. Laval est bien trop grand pour les âmes esseulées et pourtant le soleil est au rendez-vous. Je peine à me déplacer,  je m'aventure alors dans une toute petite ruelle située à quelques mètres de la gare. Il n'est jamais bon de se faire licencier en cette période des plus rudes. Je distingue un nouveau lieu, que cela peut-il bien être ? un magasin ? un hôtel ? L'éclairage extérieur est tamisé rendant cet endroit à la fois mystique et secret. J'entends de la musique parvenir à mes oreilles, du jazz. En m'approchant, je distingue un nom gravé sur cette façade : La vie en rose, cela est de plus en plus mystérieux, je me décide à entrer, fébrilement, craintivement. La porte extérieure est ouverte, je pénètre dans un sas d'entrée qui n'est pas des plus chaleureux. La pièce est très étroite, dotée d'un carrelage blanc m'évoquant ces cuisines scolaires, un lieu à la fois froid et glacial. L'intérieur est cosy, quelques tables bordeaux 

y sont disposées et sur ma gauche se trouve un bar en marbre blanc. Au centre, se tient un piano majestueux couleur crème, la lumière rosâtre rend l'endroit accueillant et intime. Je perçois sous les combles un second étage, une mezzanine où d'autres tables ont pris place, me voici dans un autre monde, hors du temps. Je suis accueillie les bras grands ouverts par un homme d'une cinquantaine d'années. Une silhouette athlétique, environ un mètre quatre-vingt, légèrement dégarni, sa voix rauque et cassée me fait instantanément frémir. Je comprends tout de suite que cet homme est le gérant des lieux. Mon instinct m'amène à penser que derrière ce physique robuste doit se cacher une personnalité des plus attendrissantes.

 

Intriguée par ce décor doux et harmonieux, je prends place au bar. Un jeune serveur se présente à moi puis prend ma commande. Mojito commandé, j'observe le monde qui m'entoure, je suis en fascination devant cet univers convivial. Ce décor est digne d'un théâtre, la mise en scène est précise, méticuleuse et le piano est la pièce maîtresse. Chaque scène a son importance, chaque être a un rôle bien défini, sans le savoir, le public est bien plus que spectateur, il est acteur. Je viens subitement de retrouver mes yeux d'enfant, mes rêves de petite fille. Je pourrais passer des heures à regarder ce spectacle, des heures le regard figé vers la lumière, mais au moment le plus inattendu une péripétie vient me sortir de mes songes.

 

Un homme mystérieux pénètre dans le bar. Il salue personnellement le patron ainsi que les serveurs, il doit être un habitué des lieux, son physique me rappelle celui d'un acteur américain très célèbre ; Joaquin Phoenix. Acteur dans : L'homme irrationnel de Woody Allen, Walk the line de James Mangold ou bien dans La nuit nous appartient de James gray. Je suis marquée par cette gueule d'ange déchue, par ce regard ténébreux, par cette balafre qui lui parcourt la lèvre, par ses cheveux poivre et sel. Que dire de ses habits ? Les couleurs sont inexistantes lui ajoutant d'autant plus de charisme et d'aplomb. Il prend place sur le tabouret se trouvant à côté du mien. Je ne sais pourquoi, mais je suis intimidée, je n'ose à peine lever les yeux et encore moins l'aborder, quelque chose d'étrange fait que je perds mes mots, il m'impressionne. Timidement, je l'écoute échanger avec ce jeune serveur, je le vois rayonner, rire aux éclats. D'un regard rapide, je sillonne son visage, ses yeux sont couleurs noisette, son regard est étincelant et vif. Son large sourire dissimule sa cicatrice et en l'espace de quelques secondes, son visage se transforme, passant d'un visage d'ange déchu à un visage d'ange tombé du ciel. Malgré tout, les discussions sont dignes des brèves de comptoir ; routinières, banales, impersonnelles. Je termine à peine mon Mojito que cet homme termine déjà sa première pinte, je suis surprise par la vitesse à laquelle il a terminé sa bière. L'homme me décroche enfin un sourire puis m'interpelle.
—­­­ Dites-moi jeune demoiselle, que faites-vous dans un bar, seule à cette heure-ci ?           
— Je marchais et j'ai été intriguée par ce lieu.

— Vous n'êtes peut-être pas d'ici ?  

— Si, j'habite pas très loin, mais je passe très rarement par là.    
— En effet, ça aurait été dommage que vous passiez à côté de ce bar, on est comme à la maison ici. Le hasard fait bien les choses parfois vous ne trouvez pas ?
— Le hasard je ne sais pas, mais le destin, oui, j'en suis persuadée.         

 

Au fil des minutes, son faciès s'altère, un air dramatique se dessine sur son visage, malgré tout, nos discussions se poursuivent et nous faisons plus ample connaissance. Je découvre que cet homme fait plus jeune que son âge, il a entre cinquante et cinquante-cinq ans, qu'il est célibataire et sans enfant. Tout le monde le prénomme John, je suppose que cela est le diminutif de Jonathan ou bien de Johnny. Je rentre dans son intimité, je me pose beaucoup de questions et je m'aperçois très rapidement que nous avons plus en commun que quiconque ne pourrait le croire. Tous deux, nous sommes des passionnés, des écorchés vifs. Tout nous touche, tout nous transporte. Nous brûlons, nous nous enflammons, nous sommes à fleur de peau. Je suis très surprise par sa vision de la vie, par son désir de ne pas se créer d'attache, par son choix de ne pas fonder de famille, par son indépendance, tout ça pour seule amie, la solitude. D'où peut venir cette résistance ? Est-ce réellement un choix de sa part ou bien une fatalité ? Mon regard se fige sur ce piano, sur ces notes de musique, sur cette mélodie. Mes pensées sont interrompues par cette chanson, les paroles me touchent en plein cœur. Barbara.


Nos saisons ne sont plus les mêmes.
Tu es printemps
Je suis hiver
Et la saison de nos je t'aime
Pourrait nous mener en Enfer. 

J'suis plus d'ton âge
Mais j'ai bonheur à t'regarder.
On fait voyage
Dans une vie
Recommencée.


Notre saison est la même,
Toi le printemps
De mes hivers

Et sans mémoire, plus rien savoir
Mais vivre
Juste l'instant, de ce présent,
Le vivre,
Aux sables mouvants
De nos amours condamnées

 

Les heures passent et je dois me résoudre à rentrer, la nuit est déjà tombée et je suis moi-même en train de tomber de fatigue. Verre réglé, je salue cet homme et les salariés, Franck le patron du bar m'accompagne jusqu'à la sortie. Nous parlons à n'en plus finir, il semble heureux d'avoir fait ma connaissance et sans arrière-pensée aucune, nous échangeons nos numéros afin de nous revoir autour d'un verre dans les jours à venir. Je quitte ce lieu des plusapaisée avec pour promesse d'y revenir très prochainement. Je rejoins mon appartement situé à quelques kilomètres d'ici et la fatigue me gagne, quelques instants auront suffi pour que je tombe dans les bras de Morphée.          

Six jours viennent de s'écouler, six jours durant lesquels je vogue entre mes recherches d'emploi et mes impératifs administratifs. Des journées entières coupée du monde où plus rien n'existe, où plus personne n'existe. Je cherche un sens à ma vie, je cherche cette étincelle, ce grain de folie que j'ai connu autrefois, mes rêves d'enfant que j'ai dû abandonner en grandissant. Je m'isole un peu plus de jour en jour lorsque soudain, je reçois un message vocal. Un message de Franck m'invitant à le rejoindre ce soir même pour une soirée des plus particulières. Une soirée piano/voix.        


19 mai 2013.


Vingt et une heures trente, maquillée et apprêtée, je prends la route pour me rendre au bar. Ce n'est que la deuxième fois que je viens, mais à peine arrivée, à peine le temps d'enlever mon manteau, je me sens déjà chez moi. Très naturellement, le patron ainsi que les serveurs me font la bise et me tutoient, je fais de même, je me sens plus intégrée que jamais. Mes yeux se dirigent vers ce pianiste, la musique lui parcourt le corps, les notes de musique s'échappent par tous les pores de sa peau. Il est en transe, ses gestes sont rapides, amples, mais pleins d'assurance. Il vit la musique avec une émotion qui me paralyse, je suis émue face à tant de passion.

 

Je m'assieds à côté de l'homme que j'identifie au premier regard, l'homme à la balafre. Je m'installe, commande une bière, mais pour la première fois, je sens une atmosphère pesante. Il me jette un regard furtif puis replonge son regard dans son verre, je me demande s'il a vraiment vu que je venais de m'asseoir à ses côtés. Les sujets évoqués sont sombres, je vois les bières défiler à la vitesse de la lumière. Ce soir, il est aigri, quelque chose le chagrine, il est empli de haine, nous sommes là, tous, l'écoutant se plaindre de son travail, du monde entier, de son âge, de la vieillesse, de sa vie, de la vie en général. Son visage se referme de plus en plus.

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