Valentine
erikkhuete
C’est moche un mort. Je ne le savais pas. Les morts du cinéma sont toujours resplendissants. Ils luisent et brillent comme s’ils avaient été vernis pour que la mort ne leur arrache pas leur éclat. Leur peau ne s’écaille pas, leurs os ne s’effritent pas et leur beauté froide scintille sous les projecteurs. Ce sont des morts de porcelaine. Des morts à paillettes. Leurs corps ne se couvrent pas de marbrures violacées. Ne gonflent pas non plus. Ces morts ne pètent pas impunément. Et maintenant je le découvre : comme s’il ne suffisait pas de n'être plus, encore faut-il être moche et se montrer peu soucieux des conduites valorisées socialement. Péter l'air de rien. Péter indifféremment et faire fi de l'assistance. Je n’ai pas envie d’être mort. Ni moche. Même saupoudrés de paillettes, vernis et habilement mis en valeur par un jeu de lumières tamisées ou peut-être phosphorescentes, ces morts-là ne sont que des morceaux de viande humaine déprimants et insupportables.
Moi, de toute façon, je n’avais pas l’intention de décortiquer des cadavres, ça non. Ni simplement d’avoir le loisir de les approcher, de voir leurs yeux jaunes ou blancs ou vitreux - je n’ai pas échangé de regard avec les corps, je n’ai pas observé leurs yeux faisandés ou peut-être agglutinés à leurs propres paupières. Moi, j’avais seulement envie d’être avec Valentine, de croiser encore ses yeux bien vivants et désolidarisés de leurs paupières fardées, d’effleurer sa peau imputrescible et d’un blanc angélique.
Ah Valentine. Ah - un interminable ah, comme celui que le docteur réclame en nous reluquant du dedans et en faisant miroiter nos cordes vocales engluées - disait mon père, et est-ce qu’il a un seul autre mot à la bouche, le mouflet ? Non. Ah - un très long ah, en secouant les mâchoires, comme pour un non de la tête, pour le faire onduler musicalement - Valentine Valentine Valentine ! Et est-ce qu’au moins tu la ? Mon père n’a jamais su poser les mots justes sur les choses, il chiade le moins possible - je t’en foutrai des. Dans ta. Mais quand il s’est agi d’aligner les chèques pour me faire entrer dans cette école, il n’a pas bronché. Il a posé son bras sur mon épaule, a appuyé ses paumes ridées contre mes joues moites pour planter ses deux petits yeux avalés par le gras orbital dans mon regard et a articulé, sans voix mais distinctement, son nom. J’ai lu sur ses lèvres. Je n’ai pas eu l’idée de lui mettre le doigt dans l’œil, et puis papa aurait mal réagi. J’ai acquiescé bêtement. Il a cessé de faire pression sur mes maxillaires, a secoué la tête sans voyelle caractéristique, mais en soupirant quand même, et a fait une mine qui signifiait combien tu veux, en haussant les sourcils comme ça et en faisant coulisser son chéquier le long de l’intérieur de sa veste, depuis sa poche, comme un gangster de la vieille école.
Heeeeyyy lovely ! Ben dis, j'avais pas remis les pieds sur ce site depuis quinze cents avant J-C mais here i am ! Je suis entrain de métamorphoser ce texte, je te l'enverrai quand je l'aurai fini si tu veux, il entre dans le cadre d'un petit projet de recueil. Et toi où t'en es ? Tu tourdumondes encore en ce moment non {tes pics sont toujours tri tri belles !} ?? Millebisesmillepattes*
· Il y a plus de 13 ans ·erikkhuete
Bravo miss ! Les pseudonymes n'empêchent pas de ne pas avoir oublier ton style inimitable. Je veux une suite à cet étrange histoire de gorge et de globe oculaire... (Lucille)
· Il y a presque 14 ans ·lea-derode