Vert Printemps. Vert de Mai. Pour un Temps... Décimé.

Aurore Dupin

Scène Unique. Acte Un.

      Dans un parc, au mois de mai. Il fait beau temps, la verdure est au rendez-vous. Ils sont debout.


ELLE

Regardes.


LUI

Regardes quoi ?


ELLE

Regardes cette terre dévoilée, ce ciel dénudé.


LUI

Dévoilé ? Dénudé ? (hausse les sourcils)


ELLE

Tu ne le vois pas, ce corps nu, froid, tremblant ?


LUI

Non. Car les arbres sont habillés de feuilles chlorophylles. Car le ciel est du bleu le plus lumineux que je n'ai jamais vu. Car les fleurs multicolores parsèment la terre pour la vêtir d'un manteau aux mille couleurs.


ELLE

Tu ne vois pas. Regardes. Regardes à quel point le ciel pleure silencieusement. À quel point le sol triste se cache sous un masque joyeux.


LUI

Nous sommes en mai. (Lui montre le paysage de la main) Le printemps est là. Tout est vert ou en fleur. Il n'y a pas une once de mélancolie dans ce paysage fantastique.

ELLE

Fantasmatique.Tes yeux sont recouvert d'un voile. Un voile qui te protège des malheurs. Un voile qui te fait vivre dans un monde illusoire. Fantasmatique.


LUI

Peut-être est-ce toi qui t'imagines une Terre délabrée ?


ELLE

Non.


LUI

           Si.


ELLE

            (hausse la voix) Non. (parle doucement) Tu me perturbes. Tais-toi, donc. Pourquoi te persuader d'un bonheur qui n'existe pas ? Ou qui n'existera plus ? Parce que moi, je le sais. Je le vois. Ce monde qui pleure pour son avenir. Qui pleure parce qu'il périt à petit feu. Parce que les êtres vivants l'usent jusqu'à l'os. Jusqu'à ce qu'il ne reste rien d'autre qu'un morceau de terre pollué par l'aveuglement humain. Nous sommes en mai. C'est le printemps. C'est vert. Mais demain, il pleurera la déchéance qu'il n'a pas pu que subir.


LUI

Tu ne racontes que des balivernes. (hurle) Foutaises ! Le monde va bien. (la pointe du doigt) Peut-être devrais-tu partir, je n'ai plus rien à faire avec toi.


ELLE

Tu es le plus aveugle de tous. Tu es la cause de notre mort. Je pars. Mais je sais que demain, le ciel sera gris et que le printemps sera fini. (part)

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