Vibrations...

roman99

Synopsis

Une mystérieuse jeune femme. Des morts suspectes. Le monde de la nuit et ses excès. Tout commence à Glasgow et se termine à Paris semble-t-il. Des hasards de rencontres en enquêtes minutieuses, les pièces du puzzle s’assemblent peu à peu pour former un tableau percutant comme un beat électro, noir comme un polar et excitant comme une capsule de caféine ! 

Texte

 Quartier interlope. Midland Street. Entrée improbable. Il s’approche. Programmation alléchante. Il entre. Accueil décontracté. 6h30 du matin : touffeur torride. Briques rouges, salles voûtées, canapés clubs, parquet sombre, plantes vertes.

Milo porte à ses lèvres son verre de soda. Frais. Terriblement amer. Grimace. Le niveau sonore soulève ses entrailles. Quelques minutes s’étirent dans la clameur. Immobile, il observe. Glisse machinalement sa main droite dans la poche intérieure gauche de sa veste cuir. Effleure le métal de son arme.

Les lasers colorés et la violente montée de basses ravivent la frénésie électronique de la foule en folie. Battements. Le mouvement collectif l’appelle dans l’arène. Il ne bouge pas. Son sang bouillonne, son corps secoué se meut soudain dans une harmonie diabolique. Milo ne s’affole pas. Il connaît par coeur les effets du breuvage. Son cerveau, foudroyé par une explosion sensorielle, le propulse en souplesse vers le centre de la piste de danse. Le puissant « condor » déploie ses ailes avec élégance pour prendre son envol synthétique. Enfin. Une délicieuse chaleur irradie sa nuque, ses épaules. Mâchoires légères. Subtil attrait du contact.

Frissons dans la multitude. La communion entre les danseurs se répand, totale, extraordinaire, enivrante. Il ferme les yeux un instant, bascule sa tête en arrière. Savoure. Habité par chaque variation sonore. Les rouvre.

C’est là qu’elle apparaît : dos nu, sourire abyssal. Féline-métisse.

Au milieu du dance-floor elle se déhanche en rythme, lascive, sauvage.

Il détaille sa silhouette fine et puissante. Jambes longues, mains délicates, seins presque nus.

Le tuyau du vieux Zoran était bon. « Glasgow, The Arches,  petit. C’est là que tu la trouveras . Mais cette fois, elle ne doit pas t’échapper. »

Milo s’approche. Elle incline doucement la tête. Pas la moindre marque d’étonnement. Lui sourit. L’effleure. Ses yeux gris plantés dans les siens semblent lui dire : “Tiens, déjà de retour ? Tu m’as retrouvée ?” Il se glisse tout près d’elle. Elle se colle à lui. Très lentement, ils  se mettent à bouger ensemble. Prisonniers d’une attirance exclusive. Irréversible. Leurs corps s’enroulent peu à peu sur l’hypnotique pulsation. Ne faire qu’un.

Bottes de cuir. Robe bleue-cobalt, moulante, courte, sur un corps et une peau d’indienne. Chevelure noire, remontée en queue de cheval serrée. Port de tête altier. Ses lèvres à peine luisantes. Un diamant brille à sa narine gauche. Il se met à bander. Elle se rapproche encore. Vertiges.

Soudain, elle s’extirpe de leur étreinte et s’enfonce dans le dédale voûté. Il la suit du regard. Hésite un instant, surpris. Tétanisé. “Peux pas la louper encore”, maugrée-t-il.

Se lance à sa poursuite. Trop tard. Happé par la masse humaine qui se referme sur elle, par saccades, il perd sa trace. Illusion stroboscopique.

  

Sous la bâche luisante, sombre. / Une voisine. / Défenestrée, corps désarticulé. /  Choc létal /  Sciure sur le bitume. / Absorbe le sang. Efface la trace. /

Hasard de rencontre. / Dégorge. Caniveau. / Nuit errante. Solitaire. / Papier froissé. Prénom adresse griffonnés. / Sent la mort, pue le sang.

C’est là que Callaham déboule de nulle part. « Milo, Mais qu’est-ce que tu fais là !  ? »

Disparue.

«  Il fait chaud ici, non, tu ne trouves pas ? Allez, c’est la mienne ! »

Rictus. Milo, abasourdit, ne pipe mot.

Soudain une nouvelle vague, énorme, surgit. Il plisse front et sourcils, fait signe à son acolyte qu’il reste pour surfer celle-là.

Sa tête bat la mesure. Puis ses membres inférieurs remuent en rythme. Puis son torse. Ses bras. Une terrible bouffée de plaisir envahit ses neurones. La musique syncopée l’enveloppe. Et lui susurre des mots doux durant de longues minutes.

Mais la soif, inextinguible, le taraude.  Il rejoint Callaham devant l’immense bar en forme de serpent. Epuisé, transpirant, il s’accoude et vide machinalement les verres qui sont posés devant lui. Quatre shots de vodka plus tard, il se demande bien comment il va pouvoir se sortir de cette merde… Il se tourne vers Callaham : « On est bien ici. La musique est excellente, « deep » et sautillante à la fois ! »

A ce moment là, il intercepte le sourire gourmand d’une jolie blonde qui danse juste à côté d’eux. Impudique. Elle passe lentement sa langue sur sa lèvre supérieure tout en le dévisageant. Milo ne cille pas. 

- « Et en plus les gens sont beaux, souriants et sexy » lui souffle Callaham. « C’est ça l’Ecosse : humide mais fascinant ! Alors qu’est-ce qui t’amène à Glasgow, Milo ? »

- «  Je travaille sur un article, un truc sur Le renouveau du Design en Europe. Et j’ai pensé que cette ville serait un bon point de départ. Son dynamisme en la matière est assez important. Non ? »

 - « Mouais… » Callaham regarde droit dans les yeux son ancien comparse.

« Pas mal essayé Milo. Mais… te fous pas de moi. Je suis pas d’humeur, la nuit a été longue. Et puis t’es pas très crédible en passionné du Design ! »

 Il sourit, tourne la tête vers le flot des danseurs et laisse aller un instant son regard dans le vague.

- « Bon écoute, je vais te faire gagner du temps. Ca fait trente ans que je vis ici. Je connais beaucoup de monde. Oiseaux de nuit comme belles de jour. J’ai arpenté les moindres recoins de cette ville…et elle n’a plus beaucoup de secret pour moi. Alors si t’es là, c’est que tu as quelque chose en tête. Et puis, j’ai bien vu ton petit manège avec Anoushka… »

Milo écarquille les yeux.

- « Tu la connais ? »

- « Et un peu oui. Une fille pareille...quand tu la croises, tu cherches à la retenir.

Je l’ai engagée il y a cinq ans comme consultante, officiellement. Et depuis quand elle passe par Glasgow, elle vient nous prêter main forte.

- Quoi elle bosse pour toi ? Non, là, tu plaisantes !!!

- J’ai l’air ?!! Alors, qu’est-ce que tu lui veux à cette fille ? »

***

Anoushka, calée à l’arrière d’un taxi, file vers l’aéroport alors que le ciel laisse perler ses premières couleurs. Elle reprend avec peine son souffle. Sa poitrine se soulève malgré elle à intervalles réguliers sous le cachemire de son manteau. Louve perdue, elle doit fuir la meute, de nouveau.

« Mais comment a-t-il fait ? C’est impossible. Le hasard ne peut pas faire une chose pareille. Il savait, il savait que j’étais là. Et il m’attendait. Quelqu’un l’a prévenu de mon arrivée à Glasgow. Et de mes habitudes dans ce club. »

Elle décide d’envoyer un sms pour modifier son programme. Se saisit de son smartphone… Puis se ravise.

Finalement, elle compose directement le numéro de la Cellule.

- Oui j’écoute Anoushka.

- On a problème. J’ai été repérée. J’ai dû me replier.

- Je comprends. Sais-tu qui et comment ?

- J’ai peut-être une piste. Mais pour l’instant rien de concret. 

- OK. On modifie ton programme, tes contacts et tes points de chute. Tu nous retrouves à Paris. Tu as 48h pour faire le ménage.

- Bien reçu.

Elle raccroche. Garde un instant son téléphone dans la main. Et comprend soudain.

« Merde !!! J’ai été piraté. Agenda, adresses et notes. Ma position : géo-localisée en temps réel. Voilà comment il m’a trouvée.  Je suis foutue. »

Anoushka se met à trembler imperceptiblement. Ses lèvres se rétractent et se colorent d’un bleu sombre. Elle vide ses poumons puis les remplit complètement en une inspiration profonde. Son cœur ralentit. Sa température corporelle commence à baisser. Elle se fait serpent. Sa langue s’assèche. Ses pupilles se dilatent.

« A moins que... »

Elle dégage en un geste précis et assuré la carte sim de son logement et la glisse dans la minuscule poche intérieure de sa botte droite. Ouvre sa fenêtre et balance son téléphone au soleil levant. Il s’écrase sur le bord de la route entre la bande de bitume lacérée et la lande couverte de rosée.

Le chauffeur de taxi lui décoche dans le rétroviseur un regard interrogatif. Elle lui répond d’un signe de la main rassurant.

***

Sous la bâche luisante, sombre / Un corps gît / Défenestré, désarticulé /  Sciure sur le bitume / Absorbe le sang. Efface la trace. /

Dégorge. Caniveau Eclats noirs / Tâches rouges / Sent la mort, pue le sang / Vengeance. Trahison.

 

Dans le fracas des sirènes hurlantes des services de police et du SAMU 75, à la lueur des gyrophares, rouges, bleus, deux enquêteurs échangent leurs premières informations.

 - « Pauvre vieux. Etat civil ?

- Zoranovic Rutamol, 69 ans, veuf. Né à Belgrade. Deux filles. Informaticien.

- Des témoins ?

- Aucun pour l’instant.

- Qu’est-ce qu’on a ?

- Pas grand chose. La victime a fait une chute de sept étages aux alentours de 5h. Mais on n’est pas sûr que ce soit ça qui l’ait tué. 

- Que voulez-vous dire lieutenant ?

- Il était peut-être mort avant d’arriver en bas… »

Devant la moue dubitative du commissaire divisionnaire Delian, le lieutenant Suroc précise :

- « Il a peut-être été jeté dans le vide après sa mort.

- mmh. Autre chose ?

  - Selon nos sources, il aurait joué un rôle important dans l’arrestation de criminels de guerre serbes entre 1990 et 1995. C’était devenu un proche de la DST jusqu’en 2008.  Et depuis, il naviguait en eaux troubles…

- C’est à dire ?

-Trafiquants, braqueurs, receleurs… Ils faisaient tous appel à ses services. Piratage de données numériques, officielles et personnelles. On a trouvé un véritable arsenal informatique, là-haut.

Ah, une autre de ses spécialités : ‘Internet cleaner’. Il effaçait toutes les traces laissées sur le web. »

***

-       « Bon ok, Call. De toute façon, je vais certainement avoir besoin de toi pour lui remettre la main dessus très vite. A l’heure qu’il est, elle a peut-être déjà quitté la ville.

-       Possible, en effet.

-       J’ai toutes les raisons de penser qu’elle trempe dans une sale histoire. En fait, une série de suicides suspects… Trois, pour l’instant. Le lien n’est pas établi avec certitude. Mais je pense qu’il s’agit d’un gros coup.

Quelque chose de grave se trame derrière cette histoire. Je le sens, je le sais. Et cette fille en est la clé. »

« Son histoire tient la route. Et la manière dont il en parle sent la sincérité à plein nez. » se dit Callaham. 

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