Vie passagère

Rem Bow

 Hier encore, je sautillais de marche en marche sur cet escalier scabreux. Hier encore, il y avait cette odeur de bois et de cigarettes qui empestait, mais que je humais à pleins poumons. Hier oui, il m'attendait pour me donner ma leçon, me souriant avec sa bouche édentée. Aujourd'hui et demain, il ne m'attendra plus. Je lui ai inventé une jolie excuse, une jolie histoire que je me raconterais chaque jour. Il jouera dans un bel orchestre à Paris, ou bien en Russie. Il aura une jolie vie, là bas. Il ne toussera plus à s'en arracher les poumons, parce que l'air est frais, là où il va. Il aura même assez de forces pour combattre cette manie de se noyer dans la fumée à s'en asphyxier. Et lorsque ses doigts habiles caresseront les cordes de son violon, tout le monde se lèvera et écoutera avec émotion ces notes qui valsent dans les airs. Alors seulement il ira se coucher, fière et saint d'esprit et de corps. Il ne rentrera pas se plonger dans son lit exigu et dur aux draps d'un blanc jaunis. Il ne remarquera pas cette odeur infecte du sang mélangée aux médicaments. Il ne sentira pas ses membres s'engourdir et un léger sommeil le gagner. Non, il ne s'endormira pas.   



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