Vil brequin

Guillaume Bailly

C'était pendant la fermeture du cercueil. La famille avait pris les devants, et était déjà parti vers l'église : il était compliqué de se garer, dans le quartier. Les Croque-Morts avaient donc recouvert le défunt de son linceul, posé le couvercle, inséré les vis, la boîte était donc désormais close, et tout était prêt à partir.

Sauf que les gars, désespérés, cherchaient partout leur vilebrequin.

« 'Tain, il est ou ? »

« Mais c'est toi qui l'avait ! »

« Pas question qu'on parte sans, je vais encore prendre une soufflante » ajoutait le maître de cérémonies. La semaine précédente, il avait oublié des tréteaux au cimetière, et la semaine d'avant, il avait égaré un bénitier.

L'un dit : « Bon, reconstituons les faits : qui a fait quoi ? »

« Ben moi, je l'ai amené. »

« Oui, et ? »

« Ben y'avait des fleurs partout, alors je l'ai posé dans le cercueil. »

Palabres, palabres, il fut décidé d'aller chercher dans le corbillard le tournevis de secours, qu'on eut du mal à trouver, dans une vieille boîte sous le siège, et d'ouvrir le cercueil afin de voir si le vil' y était.

Il y gisait, en effet, de tout son long.

Les gars se congratulèrent, mais dignement, on était en présence d'un mort, tout de même, refermèrent la boîte, et s’apprêtaient à partir, lorsqu'ils s'avisèrent de l'un d'entre eux, pâle et l'air soucieux dans un coin. Ils s'enquirent de ce qui le préoccupait ainsi. Il demanda qui avait fermé le cercueil la première fois. Personne ne s'en rappelait avec exactitude. Ils lui demandèrent pourquoi.

« Pourquoi ? Ben, tout simplement, parce que J'AIMERAI SAVOIR COMMENT IL A FAIT SANS CE PUTAIN DE VILEBREQUIN !?! »

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