Voilà ...

lysander

Voilà.

Ca y est.

Une fois de plus, il a franchi cette porte, sans se retourner, sans le regarder, sans hésiter. Cela finit toujours par le bruit doux et feutré de la porte qui rafle la moquette.

Il est sorti de son appartement une fois de plus. De sa vie, une fois de plus. C’est à hurler tellement cela devient habituel, rituel, navrant.

Et il reste seul, blessé, humilié dans sa fragilité, dans son orgueil d’homme, à regarder la lumière s’éteindre dans le couloir, à écouter le bruit de pas qui s’éloigne, la porte de l’ascenseur qui s’ouvre et se referme sur lui et qui l’emmène ailleurs, loin de lui.

La banalité du silence qui s’installe ; Le silence qui envahit l’air tout entier, chaque chose qui meuble la pièce, chaque respiration de la vie qui demeure. De cette longue vie qu’il va bien falloir mener sans lui.

Comment lui dire : « Non, ne t’en vas. Reste là, j’ai besoin de toi, j’ai besoin que tu m’aimes, j’ai besoin de t’aimer, j’ai besoin de tes bras » ? Ce n’est pas possible, après le silence qui vaut pour un accord tacite, il ne pourrait pas comprendre. Et c’est peut-être mieux comme ça. C’est sans doute préférable.

A ce moment précis, plusieurs choix se présentent à lui. Il choisit de ne rien faire d’autre que de se pelotonner dans le canapé, comme un chat abandonné, comme un homme meurtri, comme un garçon paumé. C’est bien ce qu’il est. A chaque fois qu’il s’en va, il pense qu’il va mourir et qu’il ne le supportera pas.

            Pourtant le temps continue son œuvre, continue de tourner et les secondes, puis les minutes filent sans qu’il s’en aperçoive … et la nuit va bientôt tomber sur ce jour morne et gris, sur sa petite vie dépouillée à présent d’intérêt, sur sa solitude pénible et tellement lourde à supporter.

            Faut-il le rappeler ? se demande-t-il dans un sursaut inattendu. Faut-il lui dire que j’ai besoin de lui et que je suis prêt à partir avec lui loin d’ici ? Non, cela non plus il ne le comprendrait pas.

            Alors juste un petit message qui s’affichera sur l’écran du téléphone portable, qui résonnera dans le silence un instant et ensuite, lui le lira. Il y accordera peut-être de l’importance, se dira qu’il a peut-être eu tort, qu’il doit peut-être le rappeler … ou alors, il coupera la sonnerie du téléphone et ne le verra pas clignoter, afficher ce message anodin : « Message reçu ». Pourtant, lui, romantique et fleur bleue comme il est, il adore recevoir ses messages. Il adore voir le téléphone s’illuminer ou la sonnerie voleter sur quelques notes et lui signaler qu’il pense à lui, qu’il a écrit quelques mots pour lui, simplement. Quand il arrive à la fin et qu’il lit son « jtm », sa peau se fait l’écho d’un frisson venu du fond de lui-même. Ce serment d’amour, cet aveu de faiblesse qui fait craqueler son apparente froideur le renverse. Il aime sentir qu’on l’aime et il aime aimer.

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