voisins
Camille Catelan
Autour des maisons étaient disposés des jardins aux angles étranges, à la manière de tapis recouvrant les sols. Chaque demeure avait décidé du revêtement appliqué à son territoire. Certains semblaient collectionner les teintes de vert et arrosaient leurs pelouses d'eaux parfumées. D'autres optaient pour des planches en bois à l'entretien plus commode et qui leur permettait d'occuper leurs vastes terrasses comme le pont d'un navire, avec des colonies de chaises longues rayées. L'ordre établi à terre était cependant moins facile à maintenir dans les airs, où mêmes les haies et cloisons les plus hautes ne servaient plus à rien. C'est avec appréhension que l'on levait les yeux au ciel, furieux dans le fond de ne pas pouvoir décider de sa parcelle de territoire aérien. Les lourdes fumées qui venaient obscurcir les altitudes, en plus de priver les familles du bleu habituel, étaient chargées d'odeurs et maudites comme des actes de terrorisme climatique de la part des voisins. Bien souvent, ce que l'on avait pris pour un signe du destin se révélait ainsi être le barbecue du voisin. La différence cela dit n'était pas flagrante, les deux n'étaient-ils pas susceptibles, un jour, de venir frapper à la porte? Les fumées montaient en colonnes puis pliaient sous l'effet du vent pour venir se coucher au dessus des terrains comme un couvercle opaque. Ces imperturbables et fréquentes poussées constituaient la respiration de la petite ville, aussi asphyxiantes qu'elles pouvaient paraître à ceux qui en faisaient les frais.