Les vers de rage

khole

Il y a ce que l'on vomi et il y a ce que l'on est. Difficile de distinguer si c'est ce que l'on degueule qui nous forge ou si c'est ce que l'on est qui nous file la gerbe.  


Dans mes boyaux se battent des vers, des larves, et de la chair.  Ils grouillent, ils s'amassent, ils s'amoncellent à l'intérieur. 


Ils pullulent, se dévorent entre eux, et petit à petit ne restent que les plus forts et les plus dégueulasses. Les faibles, les estropiés, les ersatzs, eux ils se font bouffer et chier par les vainqueurs. Mes boyaux sont un charnier. Du sang, de la merde et des larves. 


Tantôt on m'aime -ou on me baise, c'est tout comme-, et les larves s'apaisent, se figent, et peu à peu, avec douceur, elles crèvent. 


Tantôt on me scrute, on m'accule, on s'approche trop pres et ils se reveillent, ils coppulent, ils se multiplient jusqu'à m'en sentir pleine et grasse comme une reine mère qui pond sa colonie. 


Certains vers remontent la trachée jusqu'à se tortiller au bout de mes lèvres. Et la puanteur s'installe ; haleine de chiottes et paroles de merde  giclent alors dans un flot ininterrompu.  On est bien loin des saccades nacrées du foutre libérateur. Je préfère me taire que de vomir. Mais un jour ils seront trop nombreux.

Un jour je les vomirai. 

Ce jour me fait peur. 

Ce jour sera peut-être enfin le premier de ma vie. 

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