VOYAGE AU CENTRE DE LA FAMILLE TAIRE
rosaleb
Dans la famille Taire, la communication n'est pas reine. Et lorsqu'il s'agit de décider à qui ira la fortune familiale au décès des parents, c'est une compétition d'escalade qui est organisée, pour départager les trois frères Taire : Alimen Taire, No Taire et Parlemen Taire. Alimen Taire est l'aîné et ne pense qu'à manger, il n'est pas dans les meilleures conditions physiques pour partir à l'ascension du Mont Tuvastetaire ! No Taire, le second, passe son temps dans son bureau à rédiger des actes divers et variés, et à compter son magot. Le sport, pour lui, est loin d'être une priorité. Parlemen Taire n'est pas un grand athlète non plus, mais c'est le plus sympathique des trois frères : il essaie toujours d'arrondir les angles et de mettre tout le monde d'accord. Au matin, les trois candidats se retrouvent au bas d'une immense falaise, fort abrupte. Au sommet, la coupe d'or, symbole de la fortune Taire et le juge de l'épreuve : Graba Taire, le doyen de la famille. Tétanisé par la peur, Alimen grignote nerveusement un dernier biscuit. Au comble de l'angoisse, No se ronge les ongles. Il vient d'apprendre que Graba refuse l'énorme somme d'argent qu'il lui proposait en échange d'une victoire assurée. Parlemen, conscient du danger, propose une dernière fois le partage équitable de la fortune entre ses frères et lui. No lui rit au nez. Le départ est donné. La roche est glissante et nos trois concurrents sont tous en difficulté. Soudain, la corde d'Alimen, pas assez solide pour supporter son poids, commence à donner des signes de faiblesse : elle s'effiloche à toute vitesse. No saisit l'occasion pour dépasser son frère aîné sans un regard de pitié. N'écoutant que son cœur, Parlemen propose à Alimen de s'accrocher à sa corde : il risque pourtant de la voir céder très rapidement. Alors que No prend de l'avance, les deux frères liés recommencent péniblement leur ascension. Au sommet, Graba se frotte les mains. Son espoir secret est que les trois frères Taire disparaissent pour garder la fortune familiale. Cela semble bien parti. Mais ce sacré No s'approche maintenant dangereusement de lui et de la coupe. Il est sans pitié mais déterminé l'affreux ! Discrètement, Graba verse de l'eau savonneuse le long de la montagne et No, malgré des mouvements désespérés dérape, glisse et finit par s'écraser lourdement au sol. Heureusement, le sac de victuailles de son frère Alimen, tel un providentiel coussin, le sauve d'une fin atroce. Mais c'en est fini entre lui et la fortune familiale : No se demande s'il ne valait pas mieux mourir... et décide de partir grignoter tranquillement les biscuits d'Alimen en réfléchissant à la question. Quelques dizaines de mètres au-dessus de lui, ses deux frères, essoufflés et pris de vertige, sont au bord de l'épuisement et de la chute. Une petite aspérité dans la roche permet à Parlemen de prendre quelque repos, même si le poids d'Alimen pèse entièrement sur ses épaules. Graba ricane : le destin lui-même est en train de décider qu'il est seul à pouvoir gérer la fortune Taire... et après lui, le déluge ! Graba exécute, presque malgré lui, une petite danse de la joie ; met le pied dans le seau d'eau savonneuse, vacille et bascule dans le vide. Hélas pour lui, il n'y a plus de petit matelas pour le réceptionner et le bruit de ses os fracturés résonne dans la vallée, CRAAAC ! On ne le regrettera pas. Lentement et péniblement, les deux frères Taire arrivent au sommet et c'est Parlemen qui pose le premier la main sur la coupe. Ce sera donc lui l'héritier de la fortune Taire. Je pense que nous sommes tous d'accord pour dire que c'est mieux comme cela. Peut-être que grâce à lui, on arrêtera de se taire dans la famille Taire...