Voyager la tête vide est un art

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LU : “Vintage car in Cuba” (cf photo ci-dessus), ou bien “I literally cannot wait to be in the sunshine with a cocktail in Cuba, excited is not the word, (well actually it is)”.

Sérieux ?

Pendant que tu te prélasseras sur un transat au bord de la piscine du 5 étoiles réservé au ClubMed, que ton mojito se réchauffera sur les plages interdites il y a encore 2 ans aux cubains du coin pense-y…

Pendant que tu shopperas “un must have” totalement “vintage” au marché de la Havane que tu dégaineras au premier coup de sang dès ton retour, tandis que tes dollars cubains se perdront dans le short DIY préalablement conçu avant ton départ en pensant que la vie est un “streetstyle”, pense a los cubanos qui monnayent encore avec le pesos communo/local - utile de préciser qu’il ne vaut rien ? -. Préfère les Etats-Unis, là au moins, tu te batteras à armes égales.

Pendant que tu étofferas ton dossier Images “Cuba, été 2012” avec les photos typiques de la Cadillac ou des murs peints à l’effigie du Che et de la revolución, évite le gamin à côté, parce que lui, même si la photo te propulse au rang de la descendance directe de Doisneau, lui ne pourra rouler qu’en Cadillac-brouette toute sa vie, dont il n’aura pas la propriété au même titre que sa cahute “typiquement cubaine” qu’il vendra au marché noir pour une poignée de pesos. Oui médite ça.

Réfléchis lorsque tu boucleras ta valise. Évite de dégueuler dedans lorsque tu te diras que ton bonheur est d’utiliser ton argent dans un pays où ta monnaie vaut de l’or genre “là-bas je suis le roi d’Arabie Saoudite!”. Évite aussi de crier haut et fort que toi tu voyages, tu t’enrichis l’âme en parcourant le globe, alors que ta carte d’identité reste bien au chaud dans ton cuir.

Appréhendant ce qui pour toi est le bonheur, alors que d’autres payent au prix fort ta définition de la liberté. Cette dernière capitale! -à tes yeux-, capitalise plus de capitaux que d’idées capiteuses. Tu te sens pousser des ailes à utiliser ton TEMPS LIBRE pour voler au-dessus de l’océan vers une destination vendue au prix du rêve. Pourquoi pas! , si tu es prêt à lâcher tes économies dans des poignées d’Hommes corrompus [ quoi ? tu pensais vraiment faire marcher l’économie interne, celle à but non-lucratif ?! … ]

Dis toi bien que tu n’es pas plus libre que LUI. Plus tyrannique, tu lui enseignes les méfaits d’une orgie de consommation, de recherche du bonheur par l’acquisition. Tu crée la convoitise. Alors oui sur le tableau de la comparaison, tu vis bien pour un Homme, mais dans ta tête tu te disperses et un jour tu te perdras. Tu n’as que peu d’idée de ce qu’est son sacrifice. Le tien a été d’épargner pour ce fabuleux voyage au paradis, le sien -par exemple-, est de ne manger que du porc et ce, une fois par mois à raison d’un seul ticket de ration ( le bœuf t’es réservé au resto de l’hôtel, t’inquiète pas ). 

Il est souvent bien plus facile d’écrire ou de décrier plutôt que d’agir et d’affronter, je te le concède. Mais par pitié, craque pas et n’inonde pas ton Facebook avec tes photos carte-postale, parce que là je risque de sortir de mes gonds. Vraiment, fais gaffe.

Et pourtant, j’t’aime bien, je suis comme toi, on ne m’a pas donné tous les outils indispensables pour préserver ma santé mentale. Je bave devant l’inaccessible et parle souvent du tiers-monde à table. Je suis vulnérable quant à la question de la liberté parce que parfois-souvent je me fais happer par la vague consumériste, elle-même supplée par mes hormones - c’est scientifiquement prouvé : t’achètes, t’es content, tu le ressens -déclic hormonal-, t’aimes bien ce sentiment, tu recommenceras… -. 

Alors s’il-te-plait, use ta dite liberté à bon escient. Fais ce que tu veux mais fais-le bien, avec conviction en n’oubliant pas de te libérer des griffes de ta pire ennemie : la liberté. Ne fonce pas, c’est bien plus compliqué que le simple fait de dénoncer. Voyage pas pour les autres, fais-le pour toi. Tout le monde s’en fou de voir tes photos d’éclate en vacances surtout quand ta grille de lecture -sociale- se réduit à une Cadillac so vintage. Surement n’aurions-nous pas les mêmes clichés polaroids que toi. Peu importe.

Au fond, tu peux aussi voyager dans ta tête, tu sais ? pas en mode raëlien, non, mais en mode “je réfléchis”.

Allez pense-y…

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