W comme... Wagon

delfhin

Lundi 07 décembre 2015

« Il a toujours pensé qu'il fallait qu'il parte d'où il se trouvait. Il n'avait jamais vraiment su pourquoi. Et s'il le savait, il ne me l'a jamais dit. Il me disait toujours « Je veux partir loin. Très loin. Prendre le premier train qui arrive en gare, en face de chez moi et m'en aller pour une destination inconnue ». Je ne l'ai jamais pris au sérieux. Je pensais qu'il blaguait. Peut-être que mon amour pour lui me trahissait et que je ne voulais pas voir que j'étais en train de le perdre malgré moi. Il a toujours voulu voyager, faire le tour du monde. C'était sa lubie de tous les jours. Son quotidien lui était insupportable. Il avait besoin de bouger, de voir autre chose que son quartier. Il avait besoin de sentir autre chose que la lassitude de sa vie l'imprégner. C'est vrai que cela n'a jamais été facile pour lui. Mais c'était un jeune homme fort, courageux, qui se donnait à fond pour rendre sa vie exceptionnelle. À chaque train qui partait d'une gare, qu'un avion qui décollait, il enviait les passagers de partir loin de chez eux, sans penser que certains y étaient contraints. Nous nous sommes déjà disputés pour ça d'ailleurs. J'ai toujours voulu savoir le pourquoi du comment. Je l'ai questionné de nombreuses fois. C'est déjà arrivé que je le retienne. Je ne voulais pas qu'il parte. Mais plus je le retenais, plus j'avais l'impression qu'il m'échappait. Je me rassurais en me disant qu'il ne pourrait jamais aller jusqu'au bout de ses envies. Je me trompais sur toute la ligne. Quand j'ai vu sa lettre, postée de la veille, j'ai compris que je l'avais perdu. J'ai mis un moment avant de pouvoir lire ses mots. J'ai compris que, quoique je faisais, ce n'était pas assez pour le garder auprès de moi. Je n'ai jamais su pourquoi il avait fait autant de chemin pour une simple lettre, alors qu'il aurait pu frapper chez moi et puis, me parler. J'aurai aimé qu'il me dise en face qu'il avait l'intention de partir le lendemain. J'aurai aimé qu'il soit franc et non qu'il se cache derrière un bout de papier. Je lui en ai voulu. Beaucoup. Je l'ai tant aimé. Je ne lui ai jamais dit et au fond de moi, je m'en veux. Peut-être que si j'avais fait le premier pas, il sera là, avec moi et je ne serais pas en train de me morfondre de son absence à l'heure qu'il est. Quand il me demandait si je serais triste s'il partait, je lui répondais que oui, sans aller dans les détails. Ce sont peut-être ces détails-là qu'il aurait aimé entendre à la place d'un simple « Oui, tu me manqueras ». Je n'ai pas été courageuse sur ce coup-là. Peut-être que c'était peine perdue et que cela n'aurait fait qu'amplifier ma souffrance. J'ai essayé de renouer contact par téléphone, par mail, par message. En vain. Il n'a jamais décroché à mes appels. Il ne m'a jamais répondu. C'est comme si je parlais dans le vide. Pour rien. Comme si plus rien n'existait entre nous. Parfois, quand je vois un train arriver, je m'imagine des scènes. Il descend du train, son sac sur le dos. Il me regarde et avec ce sourire charmeur, il s'avance vers moi pour m'enlacer. Des rêves qui s'essoufflent très vite, des espoirs qui ne font pas long feu quand je m'aperçois qu'aucune silhouette ne lui ressemble. Maintenant, quand je prends un train, j'espère le voir, assis à la fenêtre en train d'écouter sa musique et puis, de lui dire « Excusez-moi, je peux me mettre là ? ». Il tournerait sa tête, surpris de me voir là, il ne saurait quoi dire mise à part « Oui, bien sûr ». Ou même, juste le voir. Voir qu'il va bien. Voir son sourire qui me faisait tant d'effet. Voir son visage d'ange. Juste ça, j'en serai heureuse. »

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