wannabe or not to be
marika
Wannabe or not to be
C’est l’histoire d’un homme, un de ces individus qui s’installent en couple par convention, par commodité. Simple formalité qui ne modifie pas vraiment la vie puisque tout restera centré autour de sa personne. Cela pourrait être aussi l’histoire d’elle, tant ils sont semblables. Ces deux là se sont rencontrés et chacun va tenter de vivre son rêve, chacun dans son coin.
François Palleau s’est longtemps cru beau, mais il a été obligé de mettre en adéquation son physique et ses conquêtes. Finalement, qu’est ce que le physique ? De l’éphémère ! Une véritable personnalité marque les interlocuteurs de manière bien plus indélébile. Encore faut-il en avoir une ou, à défaut, s’en créer une. Guichetier dans une banque, il tenta l’humour mais ne réussit qu’à faire rire les jeunes filles ou les personnes âgées. Il s’essaya alors au mystère, à la confidence, distillant ses conseils au compte-gouttes, parlant en phrases sybillines avec force mimique et sous-entendu. Pas avec tout le monde toutefois. Pas avec les hommes qui avaient l’assurance qui lui faisait défaut. Ses cibles étaient les gens ordinaires à qui il laissait entendre qu’il pouvait leurs problèmes. En fait, la procédure suivait son cours, il n’y avait rien à arranger et il n’avait aucun moyen d’intervenir. Il arrivait ainsi à impressionner quelques clients crédules ou quelques femmes solitaires qui cherchaient, comme lui, à plaire. C’est ainsi qu’il rencontra Sylvie Coignard, divorcée vivant seule avec son fils. Elle était incomprise, cela tombait bien, lui aussi ! Ils se rapprochèrent pour parler d’eux et en parlèrent si bien qu’ils en arrivèrent à se comprendre. Ils ne pouvaient que se plaire, chacun voyant en l’autre ce qui lui plaisait chez lui : l’apitoiement. Sylvie était visiteuse médicale, après moult autres tentatives professionnelles. Elle ne tombait que sur des patrons qui ne savaient pas reconnaître sa valeur. Elle avait également misé sur son physique, mais s’était rendu compte que cela ne suffisait pas ou qu’il n’était pas suffisant. Elle aussi tenta de se faire remarquer par d’autres moyens. Les rires soudains, la voix trop forte, les phrases assénées à tout va peuvent parfois être acceptables mais sont le plus souvent insupportables et mettent les gens mal à l’aise. Sylvie, elle, prenait les regards gênés pour de l’admiration et de l’envie.
Ils s’étaient bien trouvés. Lui cultivait le mystère, elle, l’exubérance. Ils se plurent tant, chacun dans le regard de l’autre qu’ils s’installèrent ensemble. Peut-être éprouvaient-ils aussi des sentiments l’un pour l’autre ? Et puis, ils approchaient la trentaine, l’âge où il commence à être difficile de trouver des partenaires disponibles, l’âge où l’on devient moins exigeant, où l'on se contente parfois du raisin que l’on aurait trouvé trop vert un peu plus tôt.
François fut nommé " chargé de clientèle " d’une manière inopinée, peut-être reconnaissait-on enfin sa valeur ? Il était ravi, de son nouveau statut, de son bureau et des entretiens avec les clients qu’il ponctuait de mots chuchotés, de regards éloquents et de sourires condescendants. Il avait trouvé son vivier pour cultiver son mystère. Peu de clients étaient dupes, mais certains, certaines surtout, le trouvaient prévenant.
Pendant ce temps, Sylvie faisait des projets. Pas de vie de couple, celle-là elle pensait l’avoir enfin trouvée, mais de vie professionnelle. Elle tenta sa chance dans l’immobilier, mais ses effets de manche ne suffisaient pas, les clients souhaitaient des arguments plus convaincants que son avis sur le bien " génial " qu’elle leur proposait. Elle arrêta très vite, son patron ne lui confiant, conclua t-elle, que des produits inintéressants à vendre, et passa quelques semaines à s’apitoyer sur son sort. Quelques semaines pendant lesquelles François s’apitoya avec elle. Puis, il en eut assez de l’entendre pleurnicher. Après tout il vivait assez bien et ne comptait pas se laisser gâcher son plaisir. Elle commençait à l’agacer, il commençait à se lasser, d’autant que, loin de la calmer, ses échecs exacerbaient son exubérance. Finalement elle retrouva une place de visiteuse médicale. Là, il ne lui était pas possible d’en faire trop, elle avait dix minutes pour présenter ses petites pilules, elle ne pouvait qu’aller à l’essentiel, sans effet superflu. Elle en avait rabattu mais elle attendait son heure.
François était comme un poisson dans l’eau entre son boulot et ses petites virées dans les bars. Il gagnait en assurance et fit la conquête de deux ou trois jeunes filles impressionnées par ses costumes et ses cravates voyantes. Ayant fait ses armes, il décida de passer dans la cour des grands et de s’intéresser à des femmes plus âgées, des femmes esseulées qui cherchaient l’aventure et plus si affinités. Il ne proposait que l’aventure mais laissait entrevoir tous les possibles. Sans doute flattées qu’un homme jeune les aborde, plus d’une lui fit les yeux doux. Elles plaisaient encore et se voyaient en sa compagnie à quelque dîner en ville. Erreur ! Pas de liaison visible dans les plans de François. Durable, éventuellement, mais discrète pour cause de famille à épargner : une compagne fragile avec un petit garçon qui le considérait comme son père. Mais il allait changer tout cela ! Il allait se libérer de ces poids morts qui l’empêchaient d’avancer ! Il fut suffisamment convaincant pendant un certain temps. Le temps que ces dames se rendent compte de la supercherie et qu’elles voient leur baudruche se dégonfler. Le temps qu’elles prennent la mesure du personnage. Il fut remercié, mais sans en être vraiment affecté, il y avait tellement de femmes à conquérir. Il lui fallait juste trouver un autre terrain de chasse. Il sentait qu’il pouvait impunément rapporter encore quelques cornes à la maison ! Sylvie les accrochera dans le salon, c’est tellement chic !