Wicked smile : Partie 1

aliceindiscoland

Mes intentions, lorsque je mis les pieds pour la première fois dans ma nouvelle ville, étaient des plus sincères. Comme tout étudiante universitaire qui se respecte, j'avais fait cette résolution- que je ne soupçonnais pas éphémère à l'époque- de travailler dur. Mes bouquins, sur mon bureau, je les regardais presque avec amour. J'me faisais des plans de travail dans ma tête. Vous savez, ces plans cons et irréalisables mais auxquels on croit naïvement au tout début: s'asseoir devant en cours, prendre des notes…

Déjà qu'en bonne fillette éduquée, j'étais conçue pour réussir. N'étais ce pas ce que j'avais toujours fait ? Mes résultats, depuis que je mis les pieds dans ma première institution, étaient une fierté dont mes parents se paraient avec dédain. Même qu'a force de répétition, leurs petites spéculations s'étaient transformées en certitude. Échouer, moi ? Non, la nature ne marchait pas comme ça.

Tous les moyens étaient présents pour que mes premiers pas dans une université, que j'avais choisie de bonne volonté, soient faits sur un tapis royal. Mon appartement sentait le luxe et les détergents, ma garde robe aurait fait envier Zooey Deschanel en personne, et mon compte bancaire était bien garni.

J'étais un train lancé sur des rails solidement allemands, sur une vitesse prévisible et exponentielle. Ma route était dénuée d'embuches, et le ciel limpide. De plus ça sentait le printemps autour…

Mais je déraillais; malgré tout.

Par un brusque virage, je tombais tête la première dans un gouffre, qui était bien généreux d'être assez grand pour m'engloutir entière. Dans toute ma grandeur, je m'écrasais. De train, j'étais reléguée à la fonction de débris, de déception, et de l'autre mot, là, que ma grosse tête ne m'avait jamais fait redouter : d'échec.

Le début de ma déchéance ? Je le situerais au début d'un octobre, qui ne pouvait donner confiance tellement qu'il était ensoleillé. Dans les rires et la cohue de fin de cours, il a fallut que je croise mon bourreau : Debout au milieu de la foule fébrile, il allumait une marquise achetée au détaillant, le regard morne et apathique et les yeux traversés de veinules rouges.

Même aujourd'hui, je ne comprends pas ce qui s'est réellement passé quand mes yeux croisèrent les siens. Mais mon instinct le plus méprisable, pour une certaine raison, se réveilla de sa torpeur. Mes pupilles perdirent de leur dignité,et se fixèrent sur cet objet de curiosité. Elles le mémorisèrent avec méticulosité.

Même aujourd'hui, il est toujours présent dans mes neurones. Sauf que là, il n'as plus rien de cet Adonis au yeux gris, incarnant le poète perdu au sein d'une populace de communs mortels. Son souvenir aujourd'hui n'est qu'une image floue et insignifiante, qui se balade de temps à autres dans mon esprit disjoncté, pour me rappeler que c'est le moment d'allumer une autre cigarette, et de me perdre dans la contemplation des moisissures de mon plafond écaillé.

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