Zone Rouge
morrison
Le son Virus X, berce ses tympans. La voix de Daho glisse sur l'ensemble de son corps, comme une caresse délicate d'un amant imaginaire.
Devant lui, posée sur son bureau, une feuille vide traîne depuis trop longtemps. Il ne sait pas par où commencer. Il n'a jamais su commencer, ni finir quoi que ce soit, pour être tout à fait exact.
Depuis un certain temps, il ne porte plus que des lunettes noires et ne sort plus que la nuit. Malgré les lunettes noires, il voit la vie pourprée. Il ne voit plus que les contours de la vie et cela lui convient très bien comme cela.
Autre chose, aussi, les instants de son existence, n'ont plus aucun rapport entre eux. C'est à la fois grisant, excitant et terriblement effrayant. Comme de se tenir en haut d'une falaise, avec la mer adriatique vous attirant vers le sol de par ses petits scintillements de fin d'après-midi ensoleillé.
C'est ainsi qu'il se retrouve à errer dans les rues d'une ville qu'il ne connaît pas. Il n'y a pas un bruit au-dehors. L'heure doit-être relativement tardive, se dit-il. Pas qu'il en est quelque chose à faire, mais il aime essayer de se donner quelques repères quand même.
D'un coup, il est stoppé dans sa marche. Stoppé par une intuition. Stoppé physiquement.
Il tourne son visage sur sa gauche. Il est au numéro 59. Le numéro se démarque en rouge sur la façade du bâtiment. C'est un petit immeuble, avec au rez-de chaussé, une grande baie vitrée opaque. Il s'approche de la vitre et passe tout simplement au travers de celle-ci, faisantcomme une cerise entière qui disparaîtrait si on la plongeait dans un pot de fromage blanc.
Il remarque de la lumière dans ce qui semble être la salle de bain.
Il passe près de la table de la cuisine et fait tomber un bocal en verre, qui se brise sur le sol.
Une ombre bouge dans l'appartement.
Il projette son corps à l'étage, au travers du plancher.
Il reste contre le mur faisant face à l'escalier.
Des pas sur les marches se rapprochent très vite.
Une drôle de filleentièrement nue et semblant être couverte entièrement de gouache rouge, apparaît. Elle s'approche lentement, chaque pas laissant une trace déformée de ses pieds sur le sol.
Elle ne peut pas le voir. Il en est convaincu. Mais elle peut le sentir. Elle s'approche encore et encore et l'embrasse doucement, délicatement,le plaquant contre le mur blanc, derrière lui. Puis, elle recule et fait glisser ses doigts le long de son corps, jusqu'à son nombril.
Il la regarde, elle le regarde. Il lui semble qu'elle chuchote : nous sommes trois.
Les instants de son existence, n'ont plus aucun rapport entre eux.
C'est ainsi qu'il est retourné à son bureau, où il doit finir cette nouvelle qu'il aurait dû commencer.