~ The Black Lotus ~
kayla_dreams
Jasper
Dix ans plus tôt.
Je suis dans la cuisine avec ma mère. Nous sommes en train de boire un café, accompagné de madeleines. Nous discutons de mon tyran de paternel,et de mon frère aîné Lissandro. La seule personne que j'admire après ma mère : c'est lui. Il est mon modèle et mon héros,à l'instar de notre père que je hais au plus haut point.Contrairement à moi, Lissandro ne s'est pas laissé corrompre par la noirceur et le despotisme * de notre parâtre. Pourtant avec tout ce qu'il a enduré, il aurait pu sombrer mais non. Il est resté fidèle à lui-même. Son corps et son âme ont gardé leur pureté.
J'ignore comment Lissandro fait pour lui résister et lui tenir tête, moi je n'y arrive pas. Tel un bon petit soldat, j'exécute ses ordres sans broncher. Je suis tétanisé face à lui. Je n'ai pas la force mentale et la ténacité de mon frère. Je suis faible et impuissant et notre patriarche me le répète depuis que je suis en âge de marcher. À force, j'ai fini par m'en convaincre. Sans ma mère et mon aîné, je serais plus que l'ombre de moi-même, à l'heure qu'il est. Je leur dois beaucoup, et je n'aurais pas assez de mot pour les remercier.
— Dis maman pourquoi tu restes avec lui ? Il n'a aucun respect pour toi, et tu n'as aucune valeur propre à ses yeux.
— Il vous apporte une sécurité financière et un toit que je ne pourrais vous offrir, si j'étais seule. Grâce à lui, vous ne manquez de rien et c'est tout ce qui m'importe. Je n'ai pas besoin de rien d'autre pour être heureuse. En dehors de ta présence et celle de Lissandro à mes côtés.
L'humilité,la générosité et le courage dont elle fait preuve au quotidien me fascinent et force mon respect. Je ne comprendrais jamais pourquoi elle s'est mariée avec lui. Cette enflure ne mérite pas une femme comme elle. De plus, ils n'ont rien en commun. Ma mère est issue d'une famille agricultrice et fermière et lui vient d'un milieu opposé, particulier et dangereux. Sans ces détails - important –et en apparence leur histoire apparaît comme un conte de fées, mais la réalité en est tout autre.
— Est-ce que tu as vu Lissandro aujourd'hui ?
— Oui, ce matin entre deux portes. Il m'a dit qu'il avait des choses à faire, mais qu'il reviendrait pour notre rituel de l'après-midi l'informé-je en sortant de mes pensées.
— J'espère qu'il n'a pas de soucis particuliers ... Il est souvent absent ces derniers temps et tête en l'air aussi.
— Ne t'inquiète pas si c'était le cas, il t'en aurait parlé. Sa liberté, il a bien méritée ... Alors je suis heureux qu'il en profite.
Ma mère esquisse un sourire à l'entente de mes mots. Elle tend sa main vers ma joue et la caresse. Sa douceur, son amour et sa tendresse sont l'une des choses qui me font tenir dans l'Enfer qu'il me fait vivre. Lorsqu'il a réalisé que Lissandro ne deviendrait pas son successeur, sa seule option restante c'était moi. Bien quel'idée ne l'enchantait guère. Malgré ça, il savait que son totalitarisme * et ses humiliations m'avaient détruit. Donc en tirer profit pour me confier sa sale besogne et me mettre à l'épreuve au quotidien lui est apparu comme une évidence.
À côté de ça, j'assiste à des atrocités et à du blanchiment d'argent toute la journée. Ce qui me permet de voir toutes les ficelles de son monde. La façon dont il le contrôle, le domine et obtient le respect par la terreur. Si ma faiblesse et ma soumission n'étaient pas aussi contraignantes, je n'aurais aucune difficulté à l'évincer. Cependant, je n'ai aucune intention de suivre cette voie.
— Je sais que tu ne veux pas devenir son héritier ni faire partie de ce monde. Mais n'oublie pas, peu importe les ténèbres qui t'envahiront et t'habiteront, ton frère et moi nous serons ton phare pour t'empêcher de sombrer. Je te le promets.
Je souris. Touché par ses mots et pose ma main sur la sienne. Je frotte ma joue contre sa paume et dépose un baiser sur son poignet.
— Je sais, ne t'inquiète pas.
Rassurée, elle intensifie ses caresses et je profite de ce moment avec elle. Celui-ci me fait un bien fou et soulage mes souffrances.
Bientôt mon frère entre dans la cuisine.
— Je suis désolé, je suis en retard s'excuse-t-il.
Il referme la porte derrière lui. Comme à son habitude il est élégant et raffiné. À l'instar de notre paternel, Lissandro est gagne sa vie honnêtement. Il est le PDG de son entreprise et il travaille dur pour la faire fructifier. Des valeurs qu'il tient de notre mère.
— Ce n'est pas grave le plus important, c'est que tu sois là le rassure-t-elle.
Notre mère s'approche de lui et le prend dans ses bras. Lissandro lui retourne son étreinte. Ils restent dans les bras, l'un de l'autre quelques minutes avant de se séparer.
— Tu m'as l'air épuisé ... Tu es sûr que tu vas bien ?s'inquiète-t-elle en posant sa main sur sa joue.
— Oui. Pour être honnête, je n'ai jamais été aussi heureux de toute ma vie.
— Oh ... Et puis-je savoir ce qui rend mio amato figlio * aussi heureux ?
— Je vais me marier mamma *
Surpris, j'avale ma gorgée de café de travers et m'étouffe à moitié.Je frappe mon torse avec des petits coups pour la faire passer. Je tousse encore quelques instants avant de réagir à cette nouvelle.
— Pardon ?... Comment ça tu vas te marier ? m'étonne-je.
— Gaïa m'a demandé de l'épouser et j'ai accepté.
— Gaïa ? Tu veux dire ... commencé-je à rétorquer, abasourdi.
— Oui, c'est lui termine-t-il en devinant.
— Mais je ... Vous êtes ensemble depuis combien de temps ?
— Depuis deux ans et demi, bientôt.
— Pourquoi tu ne m'as rien dit ?
— Parce que je ne voulais pas que cela arrive à ses oreilles. Même si, je sais que tu n'aurais rien dit.
— Alors tu es gay ? C'est pour ça que tu n'as jamais répondu aux avances de Ludmilla ?
— C'est la principale raison, mais pas seulement ... Ludmilla avait été choisi par ses soins pour devenir ma femme dans un mariage de convenance *, et il était hors de question que je l'épouse pour servir ses intérêts. De plus, elle était déjà fiancée,officieusement. Elle n'a fait que ce que son père attendait d'elle a contre cœur.
J'écoute sa réponse avec attention. Bien qu'elle ne m'étonne pas de lui. Lissandro n'a jamais cédé à son oppression. Avec ou sans ce mariage de convenance et son orientation sexuelle, il n'aurait pas épousé Ludmilla. D'un parce qu'elle est amoureuse de quelqu'un d'autre, et de deux parce que sa personnalité ne correspond pas a ses goûts ou à ce qu'il recherche. Je connais mon aîné par cœur. Bien que je ne m'attende pas à ce qu'il soit gay. Enfin presque ... Certaines choses m'avaient mis ma puce a l'oreille,mais je n'y avais pas prêté attention plus que ça.
Savoir que Lissandro m'a caché sa relation avec Gaïa me vexe, un peu.Cependant j'en comprends la raison. Même si Lissandro avait conscience que je n'aurais rien dis, côtoyer son petit ami au quotidien m'aurait – peut-être – amené à commettre une erreur – involontaire –. Donc, ignorer leur relation était une bonne chose en soi. Surtout quand son compagnon est son garde du corps, et qu'il est chargé de faire un rapport sur ses activité sa notre patriarche trois a quatre fois par jour.
— Je suis heureuse pour toi, figlio mio *. Tu le mérites le félicite notre mère. Même si, j'aurais préféré que tu m'en parles avant.
— Merci mamma. Ti amo *
— Anche io ti Amo, figlio mio *
Ils s'esquissent un sourire et se prennent dans les bras. Je les laisse savourer de ce moment mère-fils, ravi pour Lissandro. Malheureusement, je ne peux pas nier que j'aie peur. Peur de le voir quitter cette demeure et s'installer avec Gaïa. Peur d'affronter le quotidien sans lui et surtout, peur que notre mère ne supporte pas son absence.
— Tu ne viens pas avec nous ? m'interroge et m'invite-t-il.
— Non. Tu sais bien que les marques d'affection ne sont pas mon truc lui rétorqué-je, gêné en me grattant l'arrière de la tête. Et puis, profite de ce moment avec maman. Elle en a plus besoin que moi.
Mes mots font rire Lissandro. Je déteste lorsqu'il se fiche de moi comme ça. J'ai beau savoir que c'est pour me taquiner, ça m'énerve quand même.
— Tu veux bien arrêter ? Tu es lourd là ... grogné-je, les joues en feu.
Lissandro rigole encore quelques instants avant de se calmer.
— Je suis désolé. Mais ta mauvaise foi flagrante me fera toujours rires'excuse-t-il. Surtout quand tu apprécies, ma marque d'affection.
— La ferme pesté- je, cramoisi.
Ma réaction et mes rougeurs font glousser notre mère. La relation forte, mais de chien et chat que j'entretiens avec Lissandro, lui a toujours mis du baume au cœur. Surtout quand je suis né.Contrairement à mon aîné, ma conception et ma naissance n'étaient pas prévues. Lissandro aurait dû être le seul enfant et héritier de notre paternel. Pourtant et à l'instar de lui, Lissandro m'atout de suite aimé, protégé et pris sous son aile.
Il jouait avec moi, me bordait et me lisait des histoires. Il m'a aussi appris à lire, à écrire et à compter. Il m'emmenait hors de cette demeure pour aller en ville ou me promener dans les bois dans le dos de notre patriarche. Considérer comme un bâtard et un indésirable, je n'étais pas autorisé à quitté les quatre murs de ce manoir. Je devais vivre caché et reclus ici. Cependant ma mère et Lissandro ne partageaient pas son opinion. Grâce à eux mon enfance a été – plus ou moins – heureuse.
— S'il te plaît, Alvaro vient avec nous. Je veux tenir mes deux fils dans mes bras insiste notre mère.
Ne pouvant rien lui refuser, j'accepte à contre cœur en soupirant. Je me lève et me dirige vers eux. Ils m'ouvrent leurs bras. Je m'apprête à me faufiler entre lorsqu'un coup de feu retentit.Nous nous regardons inquiets et décontenancés quelques instants.Chacun de nous se demande ce qui se passe. Bien qu'au fond de nous,nous sachions qu'il vient d'avoir une exécution. Reste à savoir qui est la victime. Nous restons paralysés encore un instant avant que Lissandro et moi, nous quittions la cuisine, après avoir rassuré notre mère.
Nous traversons le couloir en courant. Puis nous pénétrons dans le bureau de notre patriarche en ouvrant la porte avec violence. Elle cogne contre le mur et nous entrons. Nos pas produisent un clapotement, et nous baissons la tête. Nous réalisons que nous marchons dans une mare de sang. Nous la retraçons des yeux et lorsque nous découvrons sa source, mon cœur s'arrête de battre.Je suis horrifié, tétanisé et nauséeux. Quant à Lissandro, il est anéanti. Il s'effondre à genoux sur le sol imbiber d'hémoglobine et de petit morceaux de cerveau.
— NON !!! hurle-t-il de désespoir en larmes.
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* Despotisme : Pouvoir absolue et autoritaire.
* Totalitarisme : Un régime à parti unique, n'admettant aucune opposition.
* Mio amato figlio : « Mon fils bien bien-aimé » en Italien.
* Mamma : « Maman » en Italien.
* Mariage de Convenance : Mariage ayant un intérêt financier ou patrimonial, différent d'un mariage d'amour.
* Figlio mio : « Mon fils » en Italien.
* Ti amo : « Je t'aime » en Italien.
* Anche io ti amo, figlio mio : « Je t'aime aussi, mon fils » en Italien.