« La larme »

Rémi Bisson

Tu as fait briller tes lèvres, lissé tes longs cils noirs, mis du baume au cœur, mais une larme coule sur ta joue rougie par cet air salin d'août arraché aux vagues mourantes.
Ce n'est pas une larme de rien, de celle qui apitoie. C'est une larme de tout, qui protège d'une matrice invisible, ce ressenti que l'on nomme compassion.
Elle te brûle le cœur comme elle te brûle la peau. À elle seule, elle contient plus de sel que la mer d'Aral.

C'était pourtant translucide qu'il allait partir. Tout le monde le savait, personne ne le disait, comme pour ne pas aggraver son état.
Même l'horloge de l'église sonnait à rebours.
Jamais vous ne vous étiez quittés. Vos repas, vos jeux, vous partagiez tout, jusqu'à dormir dans le même petit lit.
Il embellissait chaque jour de ta vie de cette joie angélique qu'on imagine être le paradis. Tu ne pensais pas, du haut de tes treize ans, que la vie était si éphémère, que nos corps étaient des sabliers qu'on ne peut tourner, que la maladie et la vieillesse un jour se rejoignent pour ne faire plus qu'une, comme si elles avaient signé un pacte mortuaire.

Il n'a pas souffert. D'ailleurs, tu te serais saignée aux quatre veines pour que cela se passe ainsi.  
Tu as tenu à lui faire honneur en revêtant tes beaux habits, ceux que tu ne voulais pas qu'il abîme. La cérémonie t'a paru longue à retenir tes larmes. Sauf une, celle des souvenirs.
Tu as récupéré l'urne des mains du vétérinaire de celui que tu appelais frérot.

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