« Qu’attendait-il de moi ? »

Julien Guyot

Son éternel sourire restera désormais énigmatique figé sur une photographie, adoptant une posture naturellement  bienveillante. Mais quelle solution se cache derrière cette énigme. La trouverais-je un jour où l’ai-je déjà trouvée ?

Aujourd’hui, je cherche, je pense je réfléchis, je rêve dans un seul but répondre à cette question : qu’attendait-il de moi ? Que voulait-il pour moi ? Avait-il des ambitions pour moi ?

En me baladant dans un coin de forêt, je cherche la solitude. Le vent dans les feuilles voulait imiter le bruit des vagues de la mer. Un saule pleureur agitait ses branches comme pour attirer mon attention et me séduire. Ses racines biscornues sorties de terre lui faisaient des pieds. L’herbe était d’un vert vif parsemée de pâquerettes. L’arbre triste dansait au loin dans une balade de séduction. Je le regarde avec des yeux d’enfant émerveillé.

Culbuté dans le décor d’un conte, j’allais peut être enfin trouver réponse à ce qui devenait une obsession, mon obsession : qu’attendait-il de moi ?

Malgré ses mouvements de danses, des oiseaux venaient se poser sur ses branches en sifflant. L’arbre se calmait pour accueillir ses amis volants comme s’ils faisaient ni plus ni moins partie de la parade et de la réponse.

Un arbre massif et tordu fit son apparition et m’appelait doucement. Comment puis-je vivre de telles choses ? Serais-je en train de déraisonner ?

Je m’approche de lui sans méfiance, il m’appelle et je sens que je peux lui faire confiance. Timidement sans trouver de logique à ce qu’il se passe, je touche l’écorce pleines de sillons qui à n’en pas douter ont dû laisser ruisseler  pas mal de litres de pluie, ou ne serait-ce pas plutôt des larmes ?

Tendrement j’enlace le tronc. Ma joue en contact de l’écorce friable, j’ai l’impression de sentir à travers la sève circuler, chargée d’énergie tout aussi mystérieuse. Je me laisse séduire par l’environnement en m’adossant. Une rivière peuplée de poissons semble se dessiner parmi les collines en laissant passer devant mes pieds un petit ruisseau où coulait une eau claire.

Le saule pleureur avait disparu laissant place à une boule lumineuse. C’est lui, il est là. Il ne parle pas mais il est là. Sous l’arbre tordu je m’imagine dans sa lumière souriante, tiède et rassurante. Il semble m’envoyer des centaines de décibels d’une symphonie wagnérienne dans une atmosphère pleine de sérénité.

La boule se déplace en suivant la voie faite par le ruisseau et s’élève dans les airs en m’envoyant de puissants rayons d’énergie. Puis elle vient virevolter autour de moi accompagnée de quelques hirondelles pendant quelques instants. Dans le halo de lumière, je vois mon père sourire et éclater de rire. Les rayons produisaient une musique apaisante et relaxante. J’aimerai lui parler, le toucher, lui avouer mais je n’y arrive pas.

Dans un effort, je m’adressais enfin à lui.

« Pourquoi ? ». C’est là seule chose que j’ai su dire. La question n’a eu que son eternel sourire en réponse dans une musique légère et cristalline.

Pourquoi nous a tu laissé si vite ? Qu’espérais-tu pour moi ? Que dois-je faire pour que tu sois fier de moi ?

Il ne me répondait que par son sourire. Pendant quelques instants encore il tournait autour de moi. Après une dernière figure, il marqua un dernier arrêt devant mon visage, toujours souriant. Doucement d’abord il s’éloigna en rejoignant un groupe d’oiseau qui se regroupait.

Mais non ! Ne t’en va pas ! Reste avec moi, répond moi, qu’espérais-tu pour moi ?

Tout en me regardant il s’éloignait de plus en plus et moi courant après lui, hurlant ma question demeurée sans réponse, que devais-je faire ?

Reste avec moi j’ai tant de choses encore à te dire ! Ne me laisse pas…

Mais sa lumière s’éloigne sans pouvoir le retenir. L’environnement autour de moi se modifie petit à petit. Je me réveille doucement adossé à un arbre tordu. Les feuilles des arbres filtraient la lumière du soleil laissant passer quelques rayons dans lesquels dansait de la poussière.

En m’étirant doucement je me remémore ce rêve. Ce n’était que l’interprétation de ce qui me tourmentait depuis plusieurs semaines. Que dois-je faire de ma vie alors que les autres sont déjà bien engagés dans la leur ?

Depuis son départ je ne peux m’empêcher de me poser cette question. Mais est-ce vraiment son départ qui me fait poser sans cesse cette question où le fait que dans une nouvelle clarté je me rends finalement compte que, jusqu’à aujourd’hui, je n’avais encore pas vécu ?

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