2-Jenny ou l'Impensable Réchauffement

Christian

La main glacée de Jenny vient de le transpercer tel un poignard en plein cœur.

Deep Blue

 

Jenny émerge d'une longue nuit de beuverie. L'heure de son réveil s'affiche en grosses lettres rouges au plafond, c'est le moyen le plus simple qu'elle a trouvé pour savoir l'heure sans rien faire d'autre que de soulever les paupières.

— Merde déjà midi, Ralph m'attend à son bureau. J'en ai au moins pur une heure de bus pour aller au Trinity College, j'aurai mieux fait de coucher au pied du bar, j'aurai été sur place. Allez vite prendre une douche, tu pues la bière ma cocotte, autant être présentable si je veux faire bonne impression à ce Deep Blue dont il m'a parlé.

J'espère que je n'ai pas réveillé Sonia ma coloc adorée. Elle aussi adore les bières, mais elle bosse tôt le matin, peut-être était-elle déjà partie quand je suis rentrée !

Jenny ressort toute fumante de la salle d'eau tout en s'appliquant une bonne dose de gel sur le cheveux pour reconstituer sa coupe iroquoise bleu et rouge. A peine sèche elle saute dans son jean et enfile son perfecto de motard.

 

— Une motarde sans moto tu est nulle ma fille ! Bon allez on y va - Ah oui si je prenais l'ordi je pourrai lui montrer que je ne suis pas complètement nulle avec mon process.

 Après quelques loupés de correspondance de bus, Jenny frappe à la porte du bureau de Ralph elle a bien 30 minutes de retard, pas moyen de le prévenir, elle n'a plus de forfait.


Ralph vient lui ouvrir en personne.

— Entrez Jenny! Ne restez pas plantée sur le pas de la porte. Je commençais de mettre en forme les résultats des travaux de Deep Blue en vous attendant.

— Il est déjà reparti votre Deep Blue, je croyais que tu devais me le présenter.

— Hou la là ! Vous deviez en tenir une bien bonne hier soir ! Vous pensiez vraiment que Deep Blue était une personne.

— Ben Oui, je suis désolé Ralph mais la façon dont tu m'en as parlé je ne voyais qu'une personne.

— Tu vas être déçue alors !

— Oui ben, dis moi et arrête de tourner autour du pot !

— Deep Blue c'est la grosse bécane d'IBM un des plus puissants calculateurs au monde.

— Je comprends qu'il ne soit pas là, ça ne doit pas rentrer dans ton bureau.

— Le Trinity College ne pourrait même pas s'en payer un !

— Ben comment t'a fait alors, tu l'as piraté ?

— Tu voudrais, tu ne pourrais même pas il est aussi utilisé pour casser les virus informatiques dans la cyberguerre. Non c'est le privilège de bosser pour le GIEC.

J'ai obtenu deux heures de calcul par jour sur trois jours uniquement pour mon projet c'est énorme.

— C'est quoi ton projet Ralph ?

— Mettre en parallèle les augmentations de températures dues au CO2 avec la consommation de pétrole depuis qu'on en produit et en utilise de façon significative.

— Ok mais ce n'est pas nouveau ça, le GIEC nous le sort chaque année !

 

— C'est bien pour ça que j'ai demandé à Deep BLUE de m'extraire les données pays par pays depuis 70 ans ( alors que le GIEC n'a que 30 ans ) et d'en faire des tableaux graphiques aisément compréhensibles par les décideurs.

Avec le matériel du Trinity College cela m'aurait pris des mois et encore sans possibilité de lancer des boucles de vérification de données ce que fait automatiquement Deep BLUE

— D'accord mais ça avance à quoi tout ça ? Même si tu fournis des données hyper détaillées, le résultat global du corollaire entre augmentation de CO2 et température ne change pas.

— Heureusement d'ailleurs mon objectif n'est pas là ! Vous allez comprendre tout de suite à l'affichage du résultat des travaux de Deep Blue

Ralph descend les volets roulants de son bureau et démarre un projecteur vidéo.

— J'ai demandé à Deep Blue de me faire un classement par pays Leader de consommation et production de Pétrole qui comme vous le savez est lui aussi leader dans les gaz à effet de serre. Vous allez comprendre immédiatement ce que fait ressortir cette présentation. C'est facile dites-moi quel le pays Leader en production et consommation de pétrole depuis 1949 pratiquement sans discontinuer.

— Ben oui ce sont les USA, mais on s'en doutait un peu non ?

— Oui et non car ce résultat est contre intuitif.

Au sortir de la deuxième guerre Mondiale la planète comportait 3,5 Milliards d'habitants et comme vous pouvez le voir, certains à l'époque ne consommaient aucune goutte de pétrole. Aujourd'hui nous sommes un peu plus de 7 milliards, donc un doublement, mais la population des USA elle n'a pas doublée elle a pris tout au plus 50% d'habitants. Elle reste encore cette année et de loin Leader en volume de la production et de la  consommation et ce même devant la chine qui a connu le boom de croissance que l'on connaît depuis 30 ans.

— Ok je comprends pourquoi Trump a voulu se retirer des accords de Paris, les USA ont le plus gros business de pétrole du Monde.

— Merci Jenny, vous venez de faire là la brillante démonstration de l'utilité de cette présentation pays par pays en mettant l'accent sur les pays qui doivent faire les plus gros effort au niveau des émissions de gaz à effet de serre.

— Super Ralph merci pour la présentation, en avant première si je comprend bien, j'en suis flattée, mais ça me déprime encore plus !

— Pourquoi, sur les engagements que devront prendre les pays pour se sevrer du pétrole le plus rapidement possible ?

— Franchement Ralph ça me dépasse un peu tout ça, non ça me déprime car on ne bosse pas dans la même catégorie, moi aussi j'ai des tonnes de données à traiter et en plus je sais comment faire, mon process marche je l'ai vérifié sur des extraits statistiques aléatoires, mais je n'ai pas de copain Deep Blue pour me filer un coup de main.

— Jenny, j'ai bien compris l'ampleur de la tâche dans laquelle vous êtes lancée mais ce n'est pas en se noyant dans la bière que vous allez avancer !

— T'en vois une autre de solution, je ne suis qu'une petite thésarde géniale certainement mais sans le sou ni relation ! Comment veux-tu que j'y arrive faut être réaliste ?

— Justement perso, sans m'envoyer des fleurs, je pense l'être aussi. Voilà ce que je vous propose. Au vu des résultats fournis par Deep Blue, je ne pense pas utiliser les 3 jours qui m'ont été accordé, j'en utiliserai tout au plus un autre pour compléter mes tableaux avec le charbon qui est la deuxième sourde de CO2 sur terre.

— Parfait Ralph vous allez être couvert de lauriers, mais en quoi cela me concerne ?

— Vous allez me laisser finir ! Ce n'est pas possible cette attitude défaitiste à la fin. Comme je viens de le dire je n'utiliserai pas la totalité des heures de calcul qui me sont attribuées, je vous fais donc cadeau d'une journée sur Deep Blue.

Jenny regarde Ralph le regard vide comme si elle ne réalisait pas complètement la proposition qu'il vient de lui faire, et, sans prévenir, elle lui saute au cou.


— Ralph merci merci ! Jenny déborde d'effusion en embrassant son directeur de recherche et en le renversant presque sur son bureau.

 

— Ah ouais, c'est presque comme gagner au loto, c'est génial mais c'est bref, comment on va faire, t'as une idée, parce que là je n'ai pas les idées très claires là, ton deep Blue comment je vais y avoir accès ? il ne me connaît pas.

— Ton logiciel d'exploration de données est opérationnel d'après ce que tu viens de me dire ?

— Répètes Ralph je rève !

— Tu veux que je répète quoi !

— Non c'est bon ! J'ai bien entendu on se tutoie c'est super !

Ralph qui ce n'était même pas aperçu du changement continue en rougissant comme jamais.

— Je vois que tu as ton Portable avec toi, ton logiciel est dessus.

— Yes Mec, et il tourne comme un moteur de Ferrari, j'en suis assez fière.

— Bon, je te propose de le télécharger sur Deep Blue, maintenant c'est possible ?

Jenny est un peu décontenancée par la proposition sachant qu'il sera installé sous le Code de Ralph obligatoirement.

— Ne t'inquiètes pas ! A l'installation j'indique le nom du concepteur du Logiciel, du coup le résultat des travaux comporteront ton nom, ça te va ?

— ça serait un peu mal venu de refuser un gain au loto, t'en pense quoi Ralph ? Jenny part d'un grand rire, en posant sa main sur son bras, ce qui accentue encore plus son fard qui vire au feu rouge.

— Bon un peu de sérieux quand même car tu vas avoir un timing à respecter, une fois le logiciel installé ce qui va prendre grand maxi une dizaine de minutes, connexion comprise, il faut indiquer une heure précise pour l'introduction des données à traiter. A la suite de celle-ci les calculs débutent automatiquement.

 

— Ok mais je n'ai pas mon disque dur avec moi, il faut que je retourne le chercher j'en ai pour deux heures au minimum.

 

— Je ne serai pas là Jenny, J'ai une vidéo conférence avec des collègues du Giec mais ce n'est pas grave j'ai deux clefs d'accès à Deep Blue je t'en confie une donne moi ton poignet.

— Whao c'est chouette en plus, c'est quoi.

— C'est un bracelet avec une clé USB intégrée elle n'est valide que pour la durée que je t'ai indiqué il te suffira de la brancher sur mon poste de travail à ton retour et tu auras toute la procédure à suivre à l'écran . Une fois les données téléchargées tu peux retirer ton disque dur et repasser demain matin récupérer les données traitées avec ton process.

— Je n'en reviens toujours pas ! Ralph merci mille fois mon ticket gagnant. !

Elle s'accroche une nouvelle fois à son cou mais pour lui déposer le percing de sa bouche sur ses lèvres. Un contact électrique auquel ne s'attendait pas Ralph, surpris mais ravi d'être le ticket gagnant.

— Ah oui une dernière chose ! Le code de mon bureau R1996

— C'est ton année de naissance J'y crois pas !

— Autre chose si Deep Blue te demande le nom de ma mère c'est "JEN" en majuscule.

Cette fois c'est Ralph qui vient mordiller le percing buccal de Jenny

— A demain matin au café pour découvrir ces escadrilles d'Ovnis (en français dans le texte)

— Si tu savais comme je suis impatiente de...

— Prendre un café avec moi, s'esclaffe Ralph

— Entre autre…, allez je file je te laisse l'ordi je ne veux pas m'encombrer dans les transports et le disque dur tient dans mon blouson c'est plus discret.

Jenny, une fois dans son Bus, n'en revient toujours pas c'est comme si un grand soleil était venu balayer comme par magie la grisaille du ciel de Dublin. Elle commençait par penser que sa thèse sociologique de recherche sur le développement du phénomène UFO était maudite

Au départ tout avait fonctionné comme sur des roulettes, la collecte des données, avec les entrées du 'Trinity College, les contacts, avec les archives des renseignements sur des affaires suivies par la police voir l'armée. Elle dispose au final d'une palette d'observation allant des affaires relatées par les médias, à des enquêtes menées par des ufologues, ainsi qu'aux enquêtes officielles ou mieux officieuses. Le tout avec des entrées sur plusieurs pays en Europe, aux USA, en Amérique du Sud, moins en Asie, mais beaucoup en Europe de l'Est.

 

Jenny avait au beaucoup de mal à comprendre qu'elle ait pu avoir accès à une masse très importante d'informations sur une période assez étendue, plus de 70 ans, sans qu'on lui donne la possibilité technique et financière de les traiter, alors qu'elle possède toute la méthodologie pour le faire. C'est comme si elle avait les plans d'un super bateau pour traverser les océans mais qu'aucun armateur ne soit intéressé à le construire.

Désormais l'avenir s'annonce radieux dans quelques heures elle aura le résultat de ses nombreuses années de travail, le tout grâce au prince charmant qu'elle avait ignoré jusqu'à hier. Le ticket gagnant avec Bonus en plus. Sa vie pourrait s'arrêter là elle en serait heureuse, jusque là elle avait toujours réussi à vivre ses passions et aujourd'hui c'est l'apothéose !

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L'enfer sur Terre c'est pour aujourd'hui.


Ralph est assez matinal et encore plus ce matin, pour préparer un vrai café à Jenny, il a bien pensé à passer au Starbuck en arrivant au bureau mais il s'est ravisé que réchauffer le café au micro ondes ce n'était pas montrer toute l'attention au plaisir qu'il éprouvait désormais dans la compagnie de Jenny.

 

Arrivé à son bureau, il ouvre immédiatement son terminal pour vérifier si Deep Blue avait bien terminer les calculs lancés par jenny et délivré ses résultats.

C'est avec soulagement qu'il constate que tous les fichiers de résultats sont bien arrivés. Il attendra le feu vert de Jenny pour effacer les originaux sur les serveurs de Deep Blue, le protocole impose qu'aucun fichier Externe ne subsiste sur leurs serveurs, une fois les calculs effectués.

il peut désormais se consacrer entièrement à la préparation du café. Lui qui n'en prend presque jamais au bureau vient d'apporter son propre percolateur et son paquet préféré "saveur péruvienne", en espérant qu'elle saura apprécier.

Assez excité à l'idée de découvrir les travaux de Jenny, Ralph espère qu'elle ne va pas trop tarder, il est déjà en place depuis une heure déjà.

Pour passer le temps, il consulte son fil d'infos RSS, ce qu'il ne fait pratiquement jamais d'ailleurs, trop occupé par ses propres travaux. Comme il ne s'en occupe jamais son fil regroupe dans le désordre le plus complet toutes sortes d'articles, revues professionnelles, sorties culturelles, actualité locale ou universitaire.

Comme souvent sur ce type de fil les articles arrivent à suite, si on a n'a pas exigé de classement thématique, par ordre d'arrivée.

Le Daily News de Dublin lui affiche la météo du jour, "pluvieuse les températures vont se refroidir".

Suit la Une du Jour, le corps d'une jeune femme look Punk découvert à moitié carbonisée dans un terrain vague à 2 km de l'Université.

Ralph, le doigt sur la souris, décide de passer à autre chose quand l'image illustrant la une s'affiche sur son écran montrant la jeûne fille en question.

Il clique l'image disparaît mais elle a eu le temps d'atteindre son cerveau.

Pris d'un doute il revient sur son fil RSS et retrouve l'image qui n'a pas encore eu le temps de s'enfoncer en bas de l'écran.

Ses yeux se figent sa mâchoire décroche.

— Ce n'est pas possible on dirait Jenny, ce n'est pas elle c'est une droguée, tous ces punks se ressemblent encore plus sur une photo.

Pour se convaincre que ce n'est pas Jenny, Ralph se force à regarder l'image dans le détail et ce qu'il découvre finit de l'assommer sous l'horreur qui s'affiche sur son écran. le visage de la morte est appuyé sur un bras et au poignet de ce bras le bracelet USB que Ralph a remis à Jenny hier soir.

Ralph voit son univers basculer en un instant, rattrapé par l'horreur de la réalité, son bureau, cet écran, l'odeur du café lui paraît soudain irréel, comme si toutes ces choses se dissolvaient.

La sonnerie de son portable, insistante vient, de redonner corps à son environnement.

Ralph décroche sans regarder qui l'appelle.

— Bonjour Ralph c'est Daisy, j'ai un sergent du District qui cherche à vous joindre, je vous le passe ?

— Un sergent ?

— Oui, il vous a demandé vous personnellement !

— Ok, passez le moi alors !

— Bonjour, Sergent Stevent à l'appareil, vous êtes bien le directeur d'études de Jenny Stoe.

— Oui, comment vous le savez ?

— On vient de découvrir son corps sur un terrain vague, tôt ce matin, on a découvert votre nom dans ses poches ! Elle n'avait que ça d'ailleurs, on l'a identifié par ailleurs car elle avait déjà passé une nuit de dégrisement il y a 3 mois au poste central, proche de l'Université

 

— Oh non ! Alors c'est bien son corps qui est affichée en une du Daily de Dublin. Je ne comprends pas je l'ai quitté hier soir, elle était aux anges.

 

— Je sais que c'est un peu rapide, mais sans papier d'identité, nous avons besoin d'une identification formelle du corps et vous êtes la seule personne susceptible de l'identifier rapidement.

— Que dois-je faire, sergent ?

— Vous rendre à la Morgue, ce n'est pas très loin de l'Université, je les préviens si vous pouvez y passer dans une heure.

— Je vais essayer, vous comprendrez que je ne réalise pas encore complètement, hier elle était là vivante, pleine de joie !

— Oui, je comprends c'est comme avec les accidents de voiture, les proches n'admettent pas.

— Merde vous ne pouvez pas comprendre et en plus je suppose que ce n'est pas un accident d'après l'article.

— Ok ne vous emportez pas ! Merci quand même pour votre aide si vous pouvez passer, vous serez attendu.


C'est une autre réalité dans laquelle il vient de pénétrer, sur laquelle il n'a plus aucune prise, ballotté comme un radeau sur l'océan déchaîné des événements.

 

Dans un éclair de lucidité, Ralph vient de réaliser que Jenny, même morte, est toujours en possession du bracelet USB codé permettant l'accès à Deep Blue.

Il doit impérativement le récupérer, ni IBM, ni le GIEC ne lui pardonnerait de retrouver ce sésame ultra confidentiel au bras d'une morte. Il n'ose même pas en imaginer les conséquences.

 

Lui qui n'est pas très imaginatif en temps ordinaire va devoir faire preuve d'audace et de conviction.

La morgue de l'hôpital n'est pas très éloignée des bâtiments où se situe son bureau, il décide de s'y rendre à pied, pour se donner le courtage d'affronter l'horreur qui a décidé de ne plus le quitter.

En franchissant les portes de l'Hôpital, il s'annonce à l'accueil avec l'objet de sa visite, on lui indique les lieux en précisant qu'il sera attendu.

A la sortie de l'Ascenseur il arrive dans ce qui ressemblerait plus à un stockage frigorifique alimentaire qu'une morgue comme il se l'était imaginé.

A la porte des frigos, un homme en blouse.

— Bonjour, vous êtes le professeur d'Université, le Sergent m'a prévenu, c'est pour la nouvelle arrivée de ce matin ?

— Excusez-moi ?

— Oui, pour Mlle Jenny Stoe ! Venez avec moi, vous me confirmerez son identité quand j'aurai sorti son tiroir.

Les mots utilisés et le froid qui règne ici lui font vite comprendre que la vie n'a plus court ici.

— Mettez ces gants et chaussez ses sur-chaussures en papier, nous devons apporter un minimum de pathogènes en cet endroit dans le cas d'éventuelles analyses ADN.

— Voilà ! Tiroir 1999, reconnaissez vous en cette personne Mlle Jenny Stoe étudiante à l'Université de Dublin.

— Mais elle est dans la même position que sur la photo du journal de ce matin, s'étonne Ralph

— Rigidité cadavérique, au vu de son état elle est salement amochée, ceux qui ont fait ça ne l'ont pas raté. Enfin si ! Elle n'a pas brûlé jusqu'en haut ! C'est pour cela que je ne la découvre pas entièrement ce n'est pas beau à voir !

— Vous voulez dire qu'elle a été brûlé.

— Fracassée puis arrosée d'alcool certainement elle en porte encore l'odeur

— C'est un meurtre alors ?

— Il faudra vous adresser à la police les conclusions ce n'est pas mon rayon, uniquement les constatations c'est déjà bien assez.

— Vous reconnaissez donc formellement cette personne.

— Oui, c'est terrible ! Incompréhensible ! Mais oui !

— Parfait ! Signez là !


Soudain le moteur d'une ambulance qui arrive devant les frigos. Le gardien lui tend le registre.

 

— Je vais leur dire de faire la manœuvre et d'arrêter leur moteur on est pas dans un parking ici !

 

Un instant seul avec jenny, Ralph comprend que c'est maintenant ou jamais pour récupérer le bracelet. Surmontant sa répugnance à prendre la main glacée de celle, qui ,hier encore, la troublait comme jamais, il décroche finalement sans effort le bracelet et l'enfourne rapidement dans la poche de son pantalon.

 

Le gardien revenant, il lui rend le registre.

— Vous avez signé ? Parfait, désolé professeur, mais j'ai un nouveau tiroir à ouvrir.

 

Ralph se retrouve seul hébété sous les néons du parking de la morgue, avec le bracelet qui lui glace la jambe. L'ascenseur le ramène à la surface.

 

La main refermée sur le bracelet il reprend la direction de l'Université. Les larmes lui arrivent tel un tsunami, le submergent, le laissant hurler sa douleur. Il s'assoit sur le premier banc venu, secoué par des spasmes il ne peut plus avancer. La main glacée de Jenny vient de le transpercer tel un poignard en plein cœur.


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