11. Un proviseur arrogant
Marie Weil
Les réactions ne s'étaient pas fait attendre. Dès le lendemain tout le monde était au courant pour Lucas et moi. Quand on passait dans les couloirs, on avait droit à des regards de mépris, des murmures, des rires. Je faisais tout pour garder la tête haute en leur lançant des regards froids.
Les rumeurs n'avaient pas tardé à fuser comme quoi mon compagnon et moi avions déjà couché ensemble ou qu'il s'était tapé d'autres gars avant moi. Mais je savais que ces rumeurs étaient fausses et je prenais plaisir à les contredire.
Rebecca s'était jointe à notre combat, elle nous défendait farouchement, sans avoir peur de ce que l'on pouvait dire d'elle. Je dois dire que cette fille m'épatait de plus en plus par son courage, elle était un vrai exemple pour moi.
Tandis que les rumeurs grossissaient partout dans le lycée, je n'avais pas pensé que tout cela pouvait arriver aux oreilles du principal et qu'il en tiendrait compte. C'est d'ailleurs par une convocation remise par l'un de mes profs que Lucas et moi nous retrouvâmes dans le bureau du principal. Même si nous n'avions rien fait de mal, j'étais tout de même inquiet d'être ici, dans ce bureau. Et vu la tête de mon compagnon, il pensait la même chose que moi.
Quand le principal entra dans son bureau, il nous toisa d'un regard que je qualifierais d'arrogant. Puis il prit place derrière son bureau en nous regardant fixement sans dire un mot, les mains croisées devant lui. Les secondes défilaient et le silence devenait presque assourdissant. Je décidai de le rompre :
-« Monsieur, on peut savoir pourquoi nous sommes ici ? Vous n'avez pas précisé le motif de notre convocation.
- C'était le but, Monsieur Smith, essayez de deviner pourquoi, me répondit-il d'une voix grave.
- On essaye depuis tout à l'heure, mon ami et moi, et on ne comprend pas.
- Votre « ami », lança-t-il en laissant échapper un rire qui ne me plut pas du tout.
C'est là que je compris la motif de notre convocation. Cela me mit dans une colère noire que j'essayais de contenir tant bien que mal.
-« Alors c'est ça ? C'est à cause des rumeurs que vous nous avez convoqués ?
- Exactement, Monsieur Smith, et aussi parce que vous avez offensé et menacé un groupe d'élèves qui sont venus se plaindre de vous deux, me répondit le principal.
- Lucas n'a rien à voir avec ça, et je ne vois pas ce qu'il y a d'offensant dans cette histoire.
- Mais si, vous voyez très bien. »
J'avais juste envie de me lever et de cogner ce type qui, clairement, nous méprisait pour ce que nous étions à ces yeux. Lucas ne disait rien, mais je voyais qu'il était rouge de honte.
-« Quoi ? Le fait qu'on s'est embrassés, c'est ça ? Il n'y a rien d'offensant là-dedans, c'est juste vous et cette bande de connards qui trouvez ça « offensant », comme vous le dites.
- Monsieur Smith, je ne tolère pas ce genre d'agissements dans mon lycée, et encore moins que quelqu'un comme vous puisse menacer mes élèves, dit le principal d'une voix ferme.
- Monsieur le principal, je vais vous raconter les faits tels qui se sont vraiment déroulés : je sortais du cours de science, lorsque j'ai vu cette bande d'attardés tourner autour de Lucas qui leur demandait de le laisser tranquille. Vu qu'ils ne l'écoutaient pas et qu'en plus ils posaient des questions très intimes, j'ai décidé d'intervenir pour défendre mon camarade, qui est aussi – et ça je l'assume à cent pour cent – mon compagnon. Alors oui, je les ai peut-être menacés et offensés, mais que se serait-il passé si je n'étais pas intervenu ? Est-ce que j'aurais retrouvé Lucas en sang parce qu'il ne voulait pas répondre à leurs questions osées ? Ou juste parce qu'ils le considèrent différent d'eux ? Apprenez, monsieur le principal, que nous ne sommes plus dans votre époque que vous chérissez tant. Lucas et moi avons aujourd'hui le droit de nous aimer librement sans être menacés d'aller en prison, et ceux depuis cette année même. »
Ces mots étaient sortis si naturellement de ma bouche que j'en fus le premier surpris. Le principal me regardait fixement, gardant le silence, mais ses yeux en disaient long sur ce qu'il pensait. S'ils avaient été des flèches, je serais déjà mort.
Sans un mot, je me levai de ma chaise, mon compagnon en fit de même, et nous sortîmes du bureau sans un au revoir.
Plus tard nous sommes allés au bar où Rebecca nous attendait. Nous lui avons tout raconté, et si elle fut d'abord choquée, elle n'en fut pas moins admirative lorsque Lucas lui raconta ce que j'avais balancé à la face du principal.
-« Alors là, Eric, tu m'épates ! me dit-elle
- J'allais pas laisser ce salopard nous rabaisser ! Sérieusement, qu'est-ce qu'il en a à foutre de ces rumeurs ? Et puis, en disant que j'ai offensé cette bande de connards, franchement…
- Je remarque que ton petit ami devient vulgaire quand il est énervé, me coupa Rebecca.
- Oui, je remarque aussi ! » répondit Lucas en me regardant.
On a ri de bon cœur et avons oublié cette histoire pour le reste de la soirée. Lorsque nous sommes rentrés chacun de notre côté, le sourire aux lèvres, je ne parvenais pas à me débarrasser de cette pensée qui me trottait dans la tête depuis plusieurs jours.
Je voulais tout dire à ma mère, et après ce qui s'était passé avec le principal, je me sentais enfin prêt.