157+1

Fabrice Lomon

157 plus 1

« D’après l’Observatoire national de la délinquance, 157 femmes sont mortes sous les coups de leur conjoint l’année dernière, ce qui représente 20% des meurtres commis dans notre pays. »

Il y a donc « urgence » à éradiquer ce fléau, a déclaré Xavier Darcos, ministre chargé de la Famille et de la Solidarité, qui réunissait le 25 novembre, à l’occasion de la Journée internationale de l’élimination de la violence à l’égard des femmes, la Commission nationale …

Notice explicative

 

Vous êtes victime de violences dans votre couple et vous vous adressez à la Police Nationale pour faire valoir vos droits.

 

Vous allez être reçu(e) pour relater les faits qui seront consignés par écrit.

 

Ce document vous est proposé afin de vous aider à récapituler l’ensemble des faits de violence dont vous êtes victime et pour lesquels vous souhaitez déposer plainte ou faire établir une main courante

J’ai traversé le couloir avec la notice explicative à la main, je suis entré dans son bureau, il a dit un truc dans le genre, ça devrait déjà être fait, bon c’était  pas méchant.

Lorsque la jeune femme Turque, - que j’avais pris pour une portugaise, mais c’est toujours comme ça a-t-elle fait en souriant- lorsqu’elle est entrée dans mon bureau avec sa mère, on lisait dans leurs yeux comme une lueur d’espoir noyée dans un océan de désespoir. Si vous ajoutez une effroyable peur, où va-t-on chercher alors la force de vivre, celle de ne pas se laisser emporter sous les coups. Vous savez lorsque la douleur a complètement disparu, qu’il ne vous reste plus qu’à mourir avec un sourire sur les lèvres qui rend fou, qui donne envie de frapper encore et encore.

Vingt deux années que ma mère est terrorisée par mon père, par mon père cet homme si doux, si gentil, et tellement courtois ave les autres ; car vous ne le savez pas, mais qui pourrait nous croire, en voyant mon père, vous voyez Dieu presque.

Qui le sait ? Ma mère le sait, vingt ans qu’elle subit, il a toujours été comme ça, vous savez monsieur, c’est de famille, il a connu ça, il n’a connu que ça.

Mon frère a peur, moi j’ai peur, il nous tuera, il dit qu’il nous tuera.

Il a stoppé ses médicaments, il n’y a plus personne pour l’interner. Quand il en était revenu, la première fois, avec les médicaments, c’était à peu près bon, mais maintenant, il pense que les fous c’est nous, parfois il nous jette dehors, ma mère, mon frère, alors aujourd’hui, c’est trop. Mais il faut nous dire qu’il ne saura pas qu’on est venu, mais je vous fais confiance.

La mère était une femme bien tenue, la fille, une jolie fille moderne, dignes toutes les deux.

Je les ai fait patienter longuement avant qu’on ne prenne leur plainte, car les collègues rassemblés dans le poste de garde étaient entrain de déconner. L’ADS de l’accueil m’a dit d’expliquer rapidement les faits à S, il a soufflé en partant vers son bureau.

Ce type là était tout à fait normal pourtant, il faisait son boulot plutôt correctement je crois, mais tout dans la longueur du temps devient une tâche ordinaire.

J’ai pensé que les deux femmes allaient rentrer chez elles la peur au ventre, avec un peu d’espoir tout de même. J’avais conseillé à la jeune fille de garder son portable sur elle, car sa mère bien sûr n’y avait plus droit, au portable.

La semaine prochaine j’appellerai pour avoir des nouvelles de Madame, on verra bien.

Parfois au fond de moi, je me dis qu’au moins 157 types ne valent pas ce dont le monde les gratifie, non.

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