22 décembre 2012
johnnel-ferrary
22 DECEMBRE 2012
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Debout, me crie une petite voix. Réveilles toi afin que tu jouisses de ta résurrection ! J’ouvre les yeux. Qui me parle ? Pourtant, je suis seul dans ma chambre et j’ai bien fermé la porte en double tour de clef ? Le plafond, toujours présent, il commence à vieillir à cause de la fumée de mes cigares. Et je me lève d’un bond. Punaise, j’avais oublié que le 21 c’était la fin du monde, et me voilà tout nu sur le lit. J’ai même une érection, c’est vous dire combien je suis vivant ! J’enfile un pantalon, chemise et mes vieilles baskets qui elles aussi, ont souffert d’une marche forcée pendant la révolte contre les homophobes. J’ai un pote à moi qui est pédé, mais çà ne me gène pas, et ce sont des gens sympas alors que ceux d’en face, ils vous chient de la bibloche à tout va, aimes ton prochain sauf si jamais il ne te ressemble pas ! Bref, je ne suis pas là ce matin pour me concocter des souvenirs. Debout, je le suis, et me voilà prêt pour un bon café. Tiens, bizarre, je sais que la veille, j’eus droit à ma biture hebdomadaire, mais tout de même, où ai-je encore foutu ma machine à écrire, le transistor et le percolateur ? Impossible de les retrouver les uns et les autres ? Où sont-ils bordel, je n’étais pas aussi sou que je le pense, ou alors c’est à cause des martiens verts de terre qui sont venus s’installer chez moi ? Non, je plaisante, comme si les martiens existaient… Plus de café non plus, et seulement trois tasses ébréchées qui meurent dans l’évier. Pas non plus d’assiette, et encore moins de couvert ? Et Ruby, mon chien, où es-tu mon Ruby ? Mince, il n’est pas là non plus ? Du coup, je m’inquiète, je flippe. Comme j’ai une formidable envie de pisser, je fonce dans les chiottes, et là, stupeur, un mur à la place du lieu d’aisances ? Où suis-je donc, me dis-je à haute voix. Tu es pourtant bien chez toi, une chambre d’hôtel avenue d’Italie n’est-ce pas ? Je regarde par la fenêtre, et ce que je vois me glace d’horreur. Rien, il n’y a rien, plus rien dans le paysage alors que d’habitude, les immeubles, l’asphalte, les véhicules qui se croisent, les piétons qui vont et viennent ? Et là, rien, comme si ce paysage venait tout bonnement disparaître d’un coup de gomme magique ! Non, ce n’est pas possible voyons, ou alors je suis en train de cauchemarder plutôt ? Plus de percolateur, de transistor, de café, encore moins de machine à écrire. Et pour terminer l’horrifiante réalité, de l’autre coté de la vitre le paysage à disparu. Et nous sommes bien le vingt deux décembre de l’année deux mille douze ! Mais alors, les Mayas avaient raison, la fin du monde allait bel et bien survenir la veille d’aujourd’hui qui lui, est le lendemain de cette fin mondiale ? Du coup, abasourdi par ce phénomène dont je suis l’exclu, je décide de me recoucher pour me rendormir et ne plus me réveiller. Sauf si je reviens dans le monde qui est le mien et non celui d’un odieux cauchemar. Pourtant, tout cela me trotte dans la tête comme le ferait un manège habillé de petits lutins moqueurs. Allons, je laisse le sommeil m’envahir, on verra plus tard !
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J’ouvre les yeux. J’ose à peine imaginer ce qui m’attend car j’ai une mémoire à faire pâlir Monsieur Aloïs ALZHEIMER… Je me lève donc et cela pour la seconde fois. Et je mate autour de moi. Bordel de sel sur le bifteck, tout est redevenu comme avant ! Ouf, je me sens mieux, ce n’était qu’un vieux rêve pourrit que je dois à la stupidité des médias qui jouent de la flûte maya. Je me touche, tout est là, le « trois pièces » le torse, la tronche, le pif et les guiboles. Parfait, le bonhomme est tout dans son ensemble. Sur la table, le percolateur, le transistor, la machine à écrire qui me font sourires. Je suis heureux, cette connerie mondialisée me fait sourire. Et j’ai bien failli croire à ces mollusques perversions mentales. Ah, je dois aller me soulager vu que ma vessie est devenue le sanctuaire d’un « au secours » mémorable. Et je passe devant le grand miroir comme chaque fois où je rends visite au confessionnal puisque le mot fesse y joue de la trompette. Mince, je ne me vois pas ? Non, c’est pas vrai, je n’y crois pas ? Personne dans le miroir, ma tronche ne s’y trouve pas, mais où suis-je, qui suis-je, que suis-je devenu ? Oh les questions à la mord moi l’nœud qui viennent me faire sombrer de nouveau ! La folie, vous y croyez vous, amis lecteurs et amies lectrices ? Pourtant, ce sont bien mes mots que vous lisez actuellement, ou ce sont mes maux qui vous fustigent et vous braillent cette horrifiante mascarade à la margoulette ? Et pour parfaire le lot, voilà qu’un téléphone se met à beugler dans la chambre. Pas mon téléphone portable, que nenni, mais un vieux clou en bakélite noire et qui me chatouille les oreilles avec son « dreulin dreulin » spasmodique. Il est là, devant moi, et mon regard peu énamouré, le dévisage comme je le ferais d’une môme à poil aussi moche que mon galure. Oui, j’ai conservé le borsalino de mon oncle et aussi sa Simca mille bleu ciel. Je sais, vous vous en foutez comme de vos premières godasses à trous, n’est-ce pas ? Alors je vous passe les détails et vous narre la suite. Bambolesque elle l’est ! J’ai décroché le combiné, je le porte à mon oreille droite et je dis le mot usité dans un tel cas :
- Allo…
- Monsieur FERRARY, de vaines compréhensions ne vous seront plausibles. Evitez les miroirs, les vitres des vitrines de magasins, vous n’y trouverez point votre infâme silhouette ! Vous êtes mort, Monsieur le faiseur de grandiloquence mortifère, ne bricolez plus les mots, les verbes, vos contemporains. Laissez cela aux professionnels de la littérature. Vendez votre bécane voyelles/consonnes, achetez un lit pneumatique car là où vous irez, la place est succincte. Condoléances à votre ours en peluche.
Qui me parle, qui ose me bafouer d’une telle calomnie ? Anathème que j’ai envie de répondre. Au lieu de cela, je suis là, le combiné dans la main, l’écouteur collé à l’oreille. A l’autre bout, le bip bip accusateur me rend sourdingue et plus dingue que sourd. Je vais à la fenêtre, je regarde dehors. Tout est là, dans sa multitude de substantielles conneries. Des gens qui s’engueulent, des automobilistes récalcitrants face aux deux flics qui semblent vouloir les sermonner. Une fillette vient de jeter des papiers de bombons sur le sol, et sa grand-mère l’oblige à les ramasser pour aller les jeter dans une poubelle de rue. En hauteur, le ciel d’un bleu limpide me montre une machine ronde qui tangue sur son axe. Merde, que je me dis, ils sont donc bien arrivés sur Terre, et j’en suis le coupable puisque c’est moi l’auteur de ce récit ? Mais si je ne me vois pas dans les miroirs de cet espace aussi sonore que physique, c’est donc que je ne suis plus en son sein ? Alors où suis-je passé Mesdames et Messieurs, où suis-je actuellement ? Si cet autre de la téléphonie ancestrale me dit que je suis mort, c’est donc je ne puis me poser près de vous, chers lecteurs et lectrices ? A votre avis, je peux me le permettre, je suis actuellement… Et bien, je n’arrive pas à me souvenir qui je suis et dans quel endroit je me trouve ? Ici, là-bas, ailleurs, nulle part, avec les balaies et les torchons, la bidoche qui se congèle dans un freezer ? D’un geste lent, j’ai mis mes lunettes sur mon nez. Oui, je suis obligé de porter des lunettes vu qu’à mon âge, ce n’est plus la presbytie qui vous guette et encore moins la myopie. Non, c’est une sorte de mélange cacahuètes/pistache, fraises/ marrons, chocolat/café. Voire purée/andouillettes, steak/frites… Et soudain, je me retrouve. Oui, amis des quatre coins de la grande bibliothèque de François deux, je me suis retrouvé, je suis face à moi, et puisque c’est ainsi, je décide de ne plus jamais me quitter. Sauf bien entendu, jusqu’à la prochaine fin du monde. Et ne riez pas, vous risquez, à votre tour, de mourir… de rire !
Johnnel B.FERRARY
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Post-scriptum de la rédaction de Maître FERRARY : Ce texte nous est parvenu par colissimo d’un endroit inconnu. Sans doute au-delà de notre galaxie ? A voir !