25 septembre.

Camille Baril

T'as toutes tes chances Camille, sauf que tu n'es pas heureuse dans la vie que tu mènes. Tu as beaucoup d'atouts tu sais, beaucoup de points forts, qui pourront t'aider dans ton entreprise. Tu rêves de devenir écrivain, c'est bien ça ? mais alors prends ta vie en main, fonce, tente aujourd'hui d'y parvenir, parce que ce n'est pas à 60 ans que tu le pourras. Tu vivras avec des remords et des regrets durant toute ta vie si tu n'essaies pas. Regarde moi, vieux comme je suis, et tout rabougri. J'ai bien la gueule de celui qui a tout raté, celui qui est passé à côté de sa vie justement, et qui n'a pas tenté de réaliser son rêve. Regarde moi bien ma chérie, et dis moi ce que tu penses de moi à cet instant. Tu le sais très bien, jamais tu ne voudras me ressembler, moi au fond de ce lit d'hôpital, le teint gris, les mains tremblantes et le regard absolument vide. J'me suis laissé mourir et je sais qu'aujourd'hui, la fin approche. Ma maladie m'a bouffé, m'a empêché de continuer à jouer. Parce que je te le dis ma chérie, la seule chose qui m'a vraiment intéressé dans la vie, ce ne sont pas les sorties en vélo avec ta grand-mère, ni les balades au musée, encore moins les repas de famille le dimanche midi. La seule chose qui m'ait réellement donné l'envie de me lever chaque matin, c'était le soleil. Le soleil et ses milles éclats, le soleil et sa chaleur sur mon corps lors d'un bel après-midi d'automne, le soleil et le bonheur qu'il me procurait. Mais mes mains ont commencé à trembler, mon pinceau ne tenait plus entre elles, je suis devenu fébrile, j'étais incapable de continuer à le peindre. Et quand tu perds la seule chose qui te rattache à ce monde, quand physiquement, tu deviens incapable de faire quoi que ce soit seul, tu te poses beaucoup de questions. La question de savoir pourquoi tu vis encore reste bien souvent sans réponse. Aujourd'hui, j'ai envie de partir. Je sais que ma fin approche, mais ça ne me fait peur. Je vais laisser derrière moi bien des souvenirs, des instants de bonheur, et beaucoup de tristesse envers ceux qui m'auront aimé. J'en suis désolé. Mais l'idée de partir me rend heureux, bien plus que celle de continuer la vie que j'ai mené jusqu'ici. Alors je sais que ce que je te dis doit te paraitre absolument triste, et ce n'est vraiment pas mon but. Tu vas croire que peu importe ce que l'on tente, ou ce que l'on ne tente pas, la fin reste la même. Alors à quoi bon essayer de s'en sortir. Mais justement Camille, si je te dis tout ça, c'est parce que je n'ai pas envie que tu reproduises les mêmes erreurs que moi. Je n'ai pas envie que tu vives avec mes regrets, je n'ai pas envie que cela te préoccupe tant que tu seras incapable de ne penser à rien d'autre qu'à cela. J'ai envie que tu vives la vie dont tu rêves, que tu sois heureuse et épanouie dans ton travail, que tu fasses uniquement ce que tu aimes. J'ai toujours eu un dicton, auquel je croyais mais que j'ai toujours été trop faible pour le réaliser. « ne fais que ce dont tu as envie ». j'aurais du m'y tenir, peut être aurais-je été plus heureux. Et je repars encore dans d'éternels regrets. Mais voila Camille, j'espère que ce que je te dis te fait réfléchir, et te fait prendre conscience que la vie est bien éphémère. Profite de tout, des tristes comme des heureux instants de ta vie. Ne tire que le meilleur de tout ce que tu entreprends, et n'entreprends que ce qui te semble être le meilleur. Je veux que tu prennes ton courage à deux mains et que tu ailles parler à tes parents. Que tu sois courageuse et que tu leur dises ce dont tu as réellement envie pour ton avenir. Après tout, ce ne sont pas eux qui endureront les conséquences de tes choix, alors à toi d'être forte et de leur faire comprendre ce que tu espères pour ton futur. Voilà, je pense avoir fait tout ce dont j'étais capable pour te faire ouvrir les yeux, maintenant c'est à toi d'en décider. Ne regrette jamais tes choix, ma chérie. On se reverra…

 

Se furent ses derniers mots, les dernières paroles que nous n'échangerons jamais. Il est mort dans mes bras, allongé sur ce lit d'hôpital. Un sourire sur le visage, un sourire que je ne lui avais jamais vu, comme s'il venait d'accomplir ce qu'il avait toujours voulu. Et c'est à cet instant que je compris. J'allais donner à ma vie son véritable sens. Et je ne l'en remercierai jamais assez. Alors une dernière fois ; Merci papi. 

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