"J'en ai besoin."

hortensiane

J'aime à penser que l'humain, dans cette moralité déformée qu'on nous apprend dès notre plus jeune âge, est encore capable de tomber amoureux d'une personne est non d'un sexe.

"Hey, Chris.

-Oh, Bradley. Salut."

Chris, assise à la table de la salle à manger derrière le comptoir me sourit. Elle écrivait quelque chose sur un cahier quadrillé, un article, ou une dissertation, ou une nouvelle. Chris écrivait beaucoup.  Elle m'indiqua la porte derrière elle d'un signe de tête, en prenant une gorgée de ce qu'elle buvait dans sa tasse verte kaki. 

"Dans sa chambre.

-Merci."

Lui répondais-je tapant mon point contre le sien. Je m'éloignai d'elle me dirigeant vers la porte et en pénétrant dans sa chambre. Cette endroit m'était devenu si familier. Je laissai mon sac glisser le long de mon bras et tomber par terre, près du coin. Aucun signe de vie dans la pièce, complètement en désordre. Je soupirai longuement, avant de me diriger vers la salle de bain.

Il était allongé dans la baignoire, ses cheveux complètement bataillés et en désordre, il portait un vieux short de sport noir et un gros pull tout aussi sombre. Il tenait une cigarette à moitié fumée dans sa main pendante dans l'air et tenait le paquet dans l'autre. Mon cœur se serra, il me regarda longuement avant d'afficher un sourire maladroit.

"-T'es là...

-Oui.

-Je suis content."

Il baissa le regard et tourna la tête vers le mur, comme si voir ma présence lui faisait mal. Il apporta la cigarette à sa bouche avant de tirer une latte, et de recracher la fumée blanchâtre aussitôt. Je restai quelques instants debout devant lui, perdu, à le regarder et à essayer de trouver quelque chose à dire ou à faire. Je ne savais même pas ce qu'il fallait que je fasse, lui dire bonjour ? Je ne sais pas. Avec lui c'est toujours bizarre, il m'intimide et me fais perdre tous mes moyens.  J'étais juste entrain de m'enterrer tout seul. Il s'impatienta devant mon manque de réaction et décida d'abréger mes souffrances.

"-T'es toujours là ?"

Je ne réfléchi pas. J'enlevai mes chaussures et m'approchai de lui pour lui prendre sa cigarette de la main et sauter dans la baignoire avec lui. Il approcha ses jambes de sa poitrine et entoura ses genoux de ses bras, me laissant de la place, puis me regarda, ses yeux sombres emplis d'espoir et d'inquiétude. Je tirai une latte, profitant du bien fait que me faisait la fumée pénétrant dans mes poumons avant de la recracher  et d'écraser la cigarette contre le rebord. Le noir des cendres se mariait parfaitement avec le blanc de la céramique, je trouvai ça magnifique. Il grimaça, sourit en observant la fumée que je venais de recracher puis fit disparaître son si beau sourire. Son regard se perdait, il était pensif, il allait mal et moi je ne le permettrais pas. Quelque chose le tracasse, je le comprend à chaque que fois que son regard se voile, et qu'il y'a cette lueur d'incertitude qui apparaît dans ses yeux. Il se perd. Mais il n'ose pas en parler. 

"-Melvin..."

Il releva brusquement la tête vers moi, quelque chose était ancrée dans ses traits. Il me scruta un instant et devina rapidement ce à quoi je pensais. Je pensais qu'il allait se renfermer, baisser la tête et détourner le regard, ou carrément s'en aller, mais en fait non.

"-Est-ce que tu penses qu'on se sent si vide parce qu'on laisse des morceaux de nous-mêmes dans tout ce qu'on avait l'habitude d'aimer ?"

A la place, il me regarda intensément et me sortit ça. Putain. Je compris ce qu'il voulait que je sache. Comment le vide peut être si lourd ? Je  me sentait impuissant, je me sentait mal, coupable. Je réalisai à quel point il se sentait seul. Vraiment seul, entouré de gens. 

"-De quoi t'a peur ?

-J'ai peur de tout en ce moment. Tu m'aimes ?"

A mon tour de grimacer. On aurait jamais cru qu'un jour il aurait l'air aussi innocent, aussi fragile. Il est un bébé, un bébé qui a grandit trop vite, mais un bébé quand même. On aurait jamais cru que j'aimerais un garçon un jour, on n'aurait jamais cru que cette simple question me ferait autant de mal.

Je m'en était rendu compte, que je l'aimais, autant que n'importe qui. Je l'aimais tellement, je l'aimais trop. J'ai toujours pensé que ça finirait par détruire ma vie. 

Je sortais mon ipod de ma poche et vissai un des écouteurs dans son oreille, puis l'autre dans la mienne. Mon cœur battait à tout rompre, mes mains tremblaient tellement que j'eu du mal à l'allumer et à la lancer la playlist. Je me sentais comme si j'allais tomber dans un vide profond à chaque seconde, pendant que lui me regardait faire, sans rien dire ou réagir. La première chanson commença à jouer, c'était Do I Wanna Know des Arctic Monkeys.

Je me lançais dans la contemplation de mes phalanges, essayant de trouver les bons mots, le bon moyen de lui dire ce que ça me faisait. Je respirais difficilement et je remarquais que lui aussi. Je me triturais le cerveau pour rien, je devais juste me lancer.

"-Je ne suis pas gay. Je t'aime."

Je passais ma main sur son visage, si mon cœur continuait de cogner contre ma cage thoracique il allait carrément s'échapper de mon corps. Je ne m'attendais pas à une réponse de sa part, "je ne suis pas gay. Je t'aime" non mais sérieusement ? J'ai envie de disparaître carrément. A vrai dire je me sentais mal, j'avais chaud, j'avais l'impression que mon cœur lâcherait à tout moment.  Je trouvais ça horriblement niais, on aurait dit une fille à son premier rendez-vous. Bordel. Je m'éloignai un peu de lui et enfui mon visage dans mes mains.

"-Tu voudrais m'embrasser s'il te plait ? J'en ai besoin..."

Je relevai la tête vers lui complètement dépassé. C'était une blague ? Son expression  innocente et sincère était toujours scotchée au visage. Il me regardait avec envie, ses yeux humides, mordant sa lèvre inférieure. Je ferais tout pour lui.

Je pose mes mains sur ses joues et l'embrasse, pressant mes lèvres contre les siennes. Doucement, lentement, j'ai peur que ce moment ne m'échappe, que cet instant ne disparaisse alors je m'y accroche. Ses lèvres douces, chaudes et agréables. Il ne me brusque pas et me laisse faire, comme si il avait senti à quel point j'en avais besoin aussi. J'aime son haleine mentholée, son parfum, ses lèvres sur les miennes. J'aime sentir ses mains sur mon visage et son corps qui se rapproche du mien.  Il sourit contre ma peau et se détache, pose son front contre le mien et fait courir ses doigts sur ma peau. Je ne l'avais jamais aussi serin, et peut être même, aussi heureux.

Je m'allongeais sur lui passant mes bras derrière son dos, glissant mes mains sous son pull pour frôler sa peau et je sens le bout de mes doigts brûler à ce simple contact. Je pose ma tête contre son torse et j'écoute les battement de son cœur, en harmonie avec la musique. Il joue délicatement avec ses doigts, ailleurs, paisible. Et moi, je me sentais juste à ma place.

"-Je sais que tu m'aimes aussi."



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