30 - La Conférence de Cancún
Christian
Julien et Iliéna se présentent a l'accueil du Centre de Congrès de Cancún qui abrite la Conférence Mondiale
— Bonjour M.Saval, dit l'hôtesse au vu du badge de conférencier de Julien. Votre délégation vous attend de toute urgence, mon assistante va vous accompagner.
— Mademoiselle, dit-elle à l'adresse d'Iliéna, le centre de presse se tient au fond de la salle, face à la tribune officielle.
Lou/Iliéna décontenancée par une aussi rapide séparation ne peut qu'exprimer spontanément sa surprise :
— Que vais-je faire toute seule, Julien ?
— Votre travail de journaliste ! Vous êtes bien venue ici pour couvrir la Conférence ? S'étonne le glaciologue qui déjà emboite le pas d'une charmante jeune fille vers la délégation Française.
— Avance dans la direction que l'on t'indique, lui susurre Line sur l'interface bionique, sinon tu vas susciter des questions.
Lou/Iliéna reprend ses esprits et repère le fléchage du Centre de Presse en plusieurs langues où elle reconnait l'anglais.
Dès qu'elle se met en mouvement, l'assistance nombreuse, composée en majorité d'hommes, s'écarte sur son passage.
Le corps d'Iliéna, moulé par une splendide robe bleue qui laisse ressortir sa chevelure flamboyante typique des slaves, impressionne, pour le moins.
La foule des participants s'ouvre sur son passage, plus pour l'admirer que par galanterie masculine.
Lou/Iliéna ne perçoit en rien le trouble qu'elle laisse dans les yeux des hommes.
Elle arrive ainsi rapidement au Centre de Presse.
— Bonjour mademoiselle s'entendit-elle dire pour la seconde fois.
— Iliéna répond-elle, ne comprenant pas pourquoi ces personnes s'évertuaient à l'appeler mademoiselle.
— Voici le dossier de presse de la Conférence Mondiale, avec le programme de la journée. A l'intérieur vous trouverez un bloc notes.
— Désirez-vous un casque pour la traduction? Lui demande l'hôtesse d'accueil du Centre de Presse.
— C'est nécessaire si vous ne comprenez pas l'anglais, car toutes les interventions sont dans cette langue
— Merci, j'ai reçue une formation accélérée il y a trois jours ! Lui répond Iliéna.
— Comme vous le souhaitez! Je vous conseillerai quand même de le prendre, car il n'en reste que très peu, lui conseille l'hôtesse, persuadée qu'elle en aurait certainement l'utilité.
— Prend le, va t'assoir et ne te fais pas remarquer! Suggère Line sur l'interface bionique.
— Lou/Iliéna pris rapidement place dans un fauteuil en bout de rangée.
C'est bien la formation accélérée en Anglais, se dit-elle ! Mais Réa ne lui a pas appris à écrire, et ce bloc notes et stylo ne vont me servir à rien.
Elle en est là de ses réflexions quand elle entend sur les hauts parleurs :
-Ladies and Gentlemen your attention please !
La délégation française va vous présenter ses dernières conclusions sur l'impact du réchauffement planétaire sur les glaciers, avec M. Julien Saval, Glaciologue.
Iliéna est sidérée. Elle découvre soudain qu'elle a sauvé la vie d'une personne visiblement importante dans cette Conférence.
— On dirait que tu as tapé dans le mille avec ce beau mâle terrien, lui souffle Line, qui bien sur ne rate rien de ce que voit et entend Iliéna.
— Tu as raison, ma petite sœur, nous sommes intervenues au bon moment, la conférence aurait perdu une contribution importante, mais chut il monte à la tribune pour parler.
— Bonjour à toutes les délégations et merci à tous et toutes pour les contributions déjà apportées. Je m'appelle Julien Saval. Ces cinq dernières années j'ai consacré mes recherches à l'étude de nombreux glaciers sur la planète et notamment au Groenland.
— Nous avons constaté, comme vous tous, le recul des glaciers sur l'ensemble de la planète. Nous ne connaissions pas exactement les processus à l'œuvre dans ce recul.
— En effet les glaciers ne fondent pas comme de vulgaires glaçons dans un verre d'eau.
Leur masse de millions de tonnes de glace devrait les mettre à l'abri des variations de température et pourtant ils reculent.
— Les recherches que nous avons réalisées avec le Laboratoire de Physique du Globe de l'Université de Grenoble, nous ont permis de démontrer que l'élévation moyenne de température du globe se traduit, en montagne, et au-delà du cercle polaire, par des augmentations 4 à 5 fois supérieures à cette moyenne
— Cette montée en température provoque l'été, mais aussi sur des durées de plus en plus longues, l'apparition de rivières qui vont s'engouffrer dans les failles naturelles du glacier pour se retrouver sous le manteau glaciaire.
Ces rivières sous-glaciaires font office de tapis roulant qui propulse les glaciers de plus en plus rapidement vers l'aval. Nous avons découvert que l'accélération de ce phénomène naturel de rivières provoque et amplifie de façon spectaculaire la fonte des glaciers.
— Grâce aux prévisions d'augmentation du réchauffement planétaire, du GIEC, nous avons modélisé la disparition quasi certaine, d'ici une trentaine d'années, de nombreux glaciers dans les massifs importants de la planète, de l'Europe, aux USA et même sur les hauts plateaux d' Asie.
— Je vous remercie de votre attention. Nous tenons l'ensemble de nos conclusions à disposition de toutes les délégations ici présentes, ainsi qu'un power-point synthétique à destination de nos amis journalistes.
Bien que la présentation de Julien soit applaudie par les délégations, elle jette, pour ainsi dire, un certain froid dans l'assistance.
— Nous avons eu le « Nez, » comme disent les terriens, en assistant à cette conférence, indique Line sur l'interface bionique d'Iliéna.
— Oui Line, ce Julien me surprend. Décidément les hommes détiennent plus de connaissances sur leur planète que nous ne le pensions.
— Par contre les prédictions de Julien sur la disparition des glaciers de la Terre m'inquiètent, lui dit Line. Trente années ce n'est rien, au regard de l'évolution normal des glaciers qui se font sur des millénaires. A la dernière fonte des glaces sur Terre les hommes vivaient encore dans des cavernes. Trente ans c'est comme un gigantesque tremblement de terre à l'échelle de la planète.
Iliéna entreprend de se diriger vers la délégation Française et demande à l'hôtesse où elle se situe.
— Suivez moi mademoiselle ! Je vais essayer d'interviewer ce français, entend-t-elle derrière elle.
— Iliéna, répond-t-elle, ne comprenant toujours pas cette appellation, volontiers je suis arrivée ce matin, et je ne pourrais pas me repérer ici et il faut que je retrouve Julien.
— Whao ! Vous connaissez ce Français, lui demande le journaliste afro-américain qui l'a abordé.
— Euh, pas vraiment, je viens d'apprendre qu'il est glaciologue, nous sommes arrivés ensemble, mais il n'est pas très bavard.
— Peut-être, mais il vient de lâcher un bombe ! Il va devoir nous expliquer ces prévisions.
— Une bombe ? Lou/Iliéna reste interloquée par le terme
— Laisse tomber, Lou, ce n'est pas important c'est une expression « Terrienne », je ne suis pas sur dans saisir tout le sens.
Lou/Iliéna s'aperçoit très vite qu'ils ne sont pas que deux à vouloir rencontrer Julien Saval. Cela l'affole un peu.
— M.Saval, votre présentation, que je connaissais puisque vous me l'aviez adressé, vient de faire sensation. En fait c'est surtout la prédiction que vous avez donnée. Vous ne m'en aviez pas parlé, c'est fâcheux ! Précise le Directeur de Cabinet du Ministre.
— Désolé M. le Directeur, cette conclusion est inscrite dans le document que je vous ai remis puisqu'elle est simplement basée sur les prévisions du GIEC validées par toutes les délégations des pays y compris le notre et que vous avez approuvées de surcroit.
— Oui mais quelle idée de l'annoncer à la tribune, maintenant il y a tellement de journalistes qui veulent vous interviewer que j'ai annoncé une conférence de presse en fin de journée.
— Bonne idée je ne me voyais pas passer tout mon temps à répondre aux journalistes.
— Vous détaillerez vos recherches aux journalistes continue le Directeur, mais vous contenterez d'expliquer que vos prédictions de disparition des glaciers ne sont pas des certitudes, mais de simples spéculations basées sur des prévisions de réchauffement climatique qui sont elles mêmes dans une fourchette très large.
— Vous me demandez de parler la langue de bois, cela ne fait pas partie de mes attributions, je suis payé par l'état pour mes recherches et publier ses résultats.
— Je sais, mais à cause de vos prédictions de disparition de glaciers, le tourisme de montagne est condamné à disparaitre, les professionnels et habitants de ses régions vont demander des indemnités à l'état qu'il ne pourra de toutes façons pas payer.
— C'est sûr, les sports d'hiver vont en prendre un coup à plus ou moins long terme. Mais je n'y suis pour rien !
— Sauf que si vous souhaitez que l'état continue à financer les recherches du laboratoire de Grenoble dont vous dépendez, vous aurez intérêt à suivre mes recommandations.
— Mais c'est du chantage !
— Absolument pas, répond le Directeur, il ne s'agit que d'intérêts croisés bien compris à respecter, pour le développement de votre laboratoire et notre nation.
—Et à qu'elle heure se déroulera cette conférence de presse ?
— 18h, après les présentations des autres délégations. Précise le Directeur.
— Hey, Julien, Julien ! Je suis là ! Vous avez été formidable ! Lui crie Iliéna à l'entrée de la délégation Française en apercevant Julien en conversation avec le Directeur du Cabinet.
— Qui c'est celle la ? Questionne le Directeur. Si c'est une journaliste, elle vient à la conférence de presse comme les autres.
— Je ne sais pas trop, ce que je sais c'est qu'elle m'a sauvée d'une mort certaine après avoir été jeté aux requins par un faux pêcheur.
— C'est quoi cette histoire, encore ! S'irrite le Directeur.
— Pourquoi pensez-vous que j'avais du retard, renseignez-vous à l'hôtel. Ils sont assez embêtés, ce sont eux qui m'ont proposé la balade.
— J'aurai presque préféré les requins se dit cyniquement le Directeur, cela aurait été plus simple, le Mexique nous aurait été redevable.
— Bon ça va faites entrer cette « sirène blonde » dit le directeur à l'attention du garde à l'entrée.
— Avancez, mademoiselle. Dit le garde à Iliéna qui décidément ne comprenait toujours pas pourquoi on continuait à l'appeler ainsi.
— Non pas vous! A l'adresse du journaliste Afro-Américain, revenez à 18h pour la Conférence de Presse.
— Oh ! Cela n'a pas l'air d'aller bien fort ! Demande Iliéna, au vu de la tête de Julien.
— Vous avez pourtant fait une prestation remarquable, toute la presse veut vous interviewer. Je dois avoir de la chance pour avoir passer le barrage du gardien à l'entrée.
— Je leur ai dit que vous n'étiez pas journaliste !
— Ce n'est pas complètement faux lui souffle Line dans l'interface bionique, j'espère qu'il ne se doute de rien.
— Venez allons prendre un verre au bar VIP, puisque je ne peux sortir avant 18h.
— Que se passe-t-il ici, Julien ?
— Tout ça parce que j'ai annoncé la fin prochaine des glaciers !
— Ce n'est pas vrai ? Interroge naïvement Iliéna.
— Malheureusement, il n'y a que peu de doutes.
— Alors pourquoi prendre une mine aussi sombre ? Iliéna s'étonne elle même d'avoir autant de vocabulaire
— On me demande d'affirmer le contraire, que rien n'est jamais sur, que l'avenir climatique n'est pas écrit.
Que voulez vous boire ? Lui demande Julien en arrivant au bar.
— Un grand verre d'eau cela me conviendra parfaitement,. Iliéna ne connaît bien sur pas le nom des boissons.
— Et pour moi, ce sera un grand verre de vodka glacée ! Commande julien au barman.
— Je vais prendre un remontant de votre pays, j'en ai bien besoin, continue Julien en se tournant vers Iliéna.
— Je ne comprends rien ! Affirme Iliéna. L'objet de cette conférence c'est bien de faire le bilan du réchauffement climatique mondial et de prendre des décisions ? C'est ce que m'a expliqué Réa.
— Qui est Réa ? S'étonne Julien.
— Zut je viens de faire un gaffe ! Se dit mentalement Lou.
— Mon Rédacteur en Chef. S'entend-t-elle dire, terme soufflé par Line in extrémis.
— Oui c'est bien ce qui est affiché dans les objectifs de cette Conférence de L'ONU. Confirme Julien.
— L'ONU ? Répéta Iliéna
— L'Organisation des Nations Unies, répond machinalement Julien, le regard vague posé sur son verre de vodka qu'il vide cul sec.
— Et alors pourquoi vous demande-t-on de ne pas respecter les objectifs ? Lui dit Lou/Iliéna qui ne comprend plus rien.
— Tirer le bilan et conséquences du réchauffement tout le monde le fait, car c'est tellement évident, explique Julien.
— Mais prendre des décisions pour limiter le réchauffement de la planète, sans même parler de l'arrêter, cela met en jeu tellement d'intérêts économiques privés que cela devient impossible à faire.
— Excusez-moi ! Mais là je ne comprends plus le raisonnement des hommes. Tout le monde dit ça brule, tout le monde le voit en plus, mais chacun dit n'éteignez pas le feu car chez moi il va faire froid ! Résume Lou avec tout le bon sens des Gardiennes de la Vie.
— Moi qui pensais les hommes intelligents, avec ce que je vois ici et ce que vous me dites Julien, je ne comprend plus rien confirme Lou/Iliéna.
— Vous, Julien avec votre laboratoire vous êtes un modèle. Vous avez prouvé pourquoi les glaciers progressent aussi vite vers leur disparition.
— On dirait que vous venez d'une autre planète! Lui rétorque Julien.
— En Ukraine d'après ce qui ce dit la corruption est pire qu'ici !
— Ne t'emballe pas trop, Lou, souffle Line sur l'interface bionique qui les relie, propose lui de l'aider sinon il va se braquer et tu vas te retrouver toute seule.
— Julien, n'oubliez pas que je suis journaliste, je peux vous aider à préparer la Conférence de Presse de ce soir, suggère Iliéna.
— Vous feriez ça, Julien soudain relève la tête et vient braquer son regard dans l'océan bleu des yeux d'Iliéna.
— Iliéna troublée par ce regard qui la remercie déjà de sa présence : oui nous pourrions ainsi, tous les deux, trouver des formulations qui conviendraient à votre délégation et donner des pistes aux journalistes pour qu'ils parviennent aux mêmes conclusions que vous. Si bien sur ils souhaitent travailler sur le sujet.
— Iliéna vous me sauvez la vie une deuxième fois !
Et Julien se saisit des mains d'Iliéna pour la remercier.
A nouveau Iliéna sentit une chaleur torride traverser le corps et lui monter aux joues.
— Mettons nous vite au travail répond-elle, pour faire diversion, en retirant ses mains de celles de Julien