5. Des questionnement...
Marie Weil
-« Chéri… réveille-toi ! »
Sentant qu'on le secouait, Max ouvrit difficilement les yeux. Mary était penchée sur lui, les cheveux détachés, une main posée sur son épaule. En découvrant la pièce, il se rendit compte qu'il s'était endormi sur le canapé du salon, la boîte de son père posée sur la table basse. Le ciel bleu lui indiquait que le jour avait remplacé la nuit.
-« Bonjour… il est quelle heure ? demanda-t-il dans un bâillement.
- Dix heures, je t'ai laissé dormir un peu », dit-elle en posant une tasse de café sur la table basse.
L'homme eut à peine le temps de se redresser, que Rebecca sauta dans ses bras, vêtue de son pyjama bleu.
-« Papa ! s'exclama-t-elle.
- Oh là ! Tu es en pleine forme, ma petite souris !
- C'est parce que c'est l'anniversaire de Jane aujourd'hui ! »
Max soupira en se passant la main sur le visage, l'anniversaire de la copine de Rebecca… Il avait complètement oublié. Jane était la fille de Tommy, et il avait invité Max et sa famille, mais avec la nuit qu'il venait de passer, il ne se sentait vraiment pas en forme pour s'y rendre.
Son regard se reporta sur celui de Mary, et cette dernière comprit vite.
-« Ma puce, papa est très fatigué aujourd'hui. Je viendrai avec toi chez parrain et Jane, et si papa retrouve un peu la forme il nous rejoindra un peu plus tard, d'accord ?
- D'accord ! répondit la petite fille, nullement déçue.
- Allez, va te préparer, j'ai mis ta belle robe sur le lit. »
La petite fille descendit du canapé et alla vers l'étage en courant, laissant ses parents seuls. Max prit la main de sa femme.
-« Désolé, j'arrivais pas à dormir, alors je suis descendu… », dit-il.
- Je sais, je t'ai entendu te lever », répondit-elle en s'asseyant sur les genoux de son mari.
Il passa ses bras autour de la taille de Mary.
-« C'est donc ça le contenu de cette mystérieuse boîte ? demanda-t-elle en fixant la boîte sur la table.
- Oui… ce sont des écrits de mon père, et tout ce que j'ai lu cette nuit relate son enfance et sa rencontre avec Lucas, son futur compagnon, et ma mère.
- Tu ressens quelque chose à lire tout ça ?
- Je ne sais pas, répondit son mari en soupirant, c'est étrange, et en même temps j'ai appris certaines choses que mon père ne m'avait jamais dites et également des choses sur ma mère… ça me rend un peu triste.
- Pauvre Max, dit Mary en lui caressant les cheveux.
- Enfin… heureusement que tu es là parce que je crois que je ne pourrais jamais emmener Rebecca à l'anniversaire sans m'endormir au volant.
- Je sais, je suis la femme idéale !
- Oui, et c'est pour ça que je suis un homme très chanceux.
- Humm… oui, très chanceux. »
Avec un petit rire, Mary embrassa Max, avant de quitter ses genoux.
-« Je vais aller préparer la petite, et moi par la même occasion. Quant à toi repose-toi, d'accord ?
- Oui, madame John's ! »
Il la suivit du regard jusqu'à ce qu'elle disparaisse à l'étage, puis, dans un nouveau bâillement, il s'allongea sur le canapé et entreprit de rattraper son manque de sommeil.
Max se réveilla vers une heure de l'après-midi. Il se fit un café, alla prendre une douche et enfila une chemise blanche dont il retroussa les manches jusqu'aux coudes. Puis il descendit dans le vestibule, enfila une veste, sortit de la maison et se dirigea vers sa voiture. Tommy habitait à dix minutes d'ici.
Durant le trajet, les pensées du jeune père de famille allèrent vers les pages qu'il avait lues la nuit dernière. L'enfance qu'avait eu son père lui donnait quelques explications sur sa personnalité si particulière. Il s'était toujours demandé pourquoi Eric avait été aussi mal à l'aise quand il s'agissait de parler à ses professeurs pendant les jours de kermesse ou lors des réunions parents-profs, et aussi pourquoi il n'aimait pas parler de son père lorsque Max lui demandait où il était.
« Dans un endroit très loin d'ici… », lui disait-il, avant de toujours clore la discussion.
Mais ce qui l'attristait davantage était l'histoire de sa mère. Petit, il savait qu'il n'avait pas de papy et de mamie comme les autres. Sa mère lui avait expliqué que ses parents avaient dû l'abandonner parce qu'ils n'avaient pas assez d'argent pour s'occuper d'elle, mais que même s'ils étaient très loin, ils l'aimaient toujours.
Malheureusement la réalité fut plus dure qu'il le pensait.
Max arriva chez Tommy dix minutes plus tard. Il fut chaleureusement accueilli par son ami et l'épouse de celui-ci, Emma. Dans ses bras se blottissait un bébé de six mois prénommé Denise.
-« Je suis sûr qu'une bonne bière bien fraîche va te remettre en forme ! lui dit Tom en se dirigent vers le frigo de la cuisine.
- Je suis pas contre ! » acquiesça son ami.
Puis ils se réunirent dans le jardin verdoyant grâce au talent de jardinier de Tommy et celui de botaniste de son épouse. Rebecca et Jane jouaient dans l'herbe avec les nouveaux jouets que la petite fille avait reçu pour son anniversaire.
-« Mary nous a parlé de ton rendez-vous avec le notaire… ton père t'a vraiment légué une boîte à chaussures ? demanda Tommy.
- Tom ! s'exclama Emma en jetant un regard indigné à son mari.
- Non, Emma, ça n'est pas grave, j'allais justement vous en parler… Effectivement il m'a légué une boîte à chaussures et d'autres choses également, mais elles ne m'intéressent pas. J'avoue que j'ai été très surpris de repartir avec cette boîte, expliqua l'homme tout en sirotant sa bière.
- Qu'est-ce qu'il y a de si important dedans ?
- Des pages remplies de son écriture… des sortes de mémoire qu'il voulait sans doute que je lise. Pour l'instant ce que j'ai lu se rapporte à son enfance, son adolescence et sa rencontre avec son compagnon et ma mère. »
Les yeux de son ami s'agrandirent comme des soucoupes.
-« Son compagnon !? Comment ça ? » s'exclama-t-il.
Max but une gorgée de bière, avant de répondre :
-« J'ai été élevé par un couple d'homosexuels peu après la mort de ma mère, elle avait désigné ma garde par testament, et ça a été approuvé par un juge pour enfants. »
La surprise de Tommy prit encore de l'ampleur. Emma fixait l'homme sans réagir aussi explicitement que son mari. Elle se contenta de dire :
-« C'est surprenant comme quoi on en apprend des choses.
- Oui, j'en ai beaucoup appris dans les pages que j'ai lues, notamment sur ce qu'a vécu ma mère. »
Mary prit la main de Max en voyant la tristesse qui venait d'envahir son mari.
-« Ma mère ne m'avait jamais parlé de son passé, elle ne m'a jamais dit qu'elle avait été ballottée de famille d'accueil en famille d'accueil à cause de certains cons qui profitaient d'elle et étaient violents… Elle s'était fait la promesse que jamais son enfant ne vivrait ce qu'elle avait vécu, et je pense que c'est pour cela qu'elle avait choisi de me confier à Eric et Lucas, non seulement parce qu'ils étaient ses amis les plus proches, mais c'était aussi les seuls qu'elle estimait capable de s'occuper de moi comme de vrais parents. »
Il avait dit cela d'une traite, la voix tremblante, les larmes sur le point de déborder de ses yeux s'il continuait à parler.
-« C'était un bon gars, Maxou, dit doucement Tommy… Je pense que s'il a tellement voulu pour que tu lises ses écrits, c'est qu'il voulait te dire toute la vérité, tout ce qu'il ne t'avait pas dit de son vivant. » Il posa la main sur l'épaule de son ami, en ajoutant : « Continue de lire, Max, l'histoire de sa vie te donnera sans doute des réponses à tes questions. »
Cette dernière phrase eut pour effet d'apaiser la tristesse de celui ci. Après quelques minutes, ils en vinrent à changer de sujet. La soirée put ainsi commencer sur une note plus joviale, ce qui permit à Max d'oublier durant quelques heures les écrits de son père.
Quelques heures plus tard, la famille étaient de retour chez eux. La chaleur de la journée avait laissé place à une petite brise qui rendait l'atmosphère agréable. Rebecca dormait dans les bras de son père tandis que tout la famille rentrait dans la maison.
-« Tu veux que je couche la petite ? demanda Mary.
- Non, ça ira », lui répondit-il.
Il se dirigea à pas lents vers le premier étage. Une fois parvenu, il entra dans la chambre de sa fille et l'allongea doucement sur le lit. Il lui ôta sa robe et la remplaça par un long t-shirt. Il la couvrit et l'embrassa sur le front en murmurant :
-« Bonne nuit, mon cœur. »
Il éteignit la lampe, sortit de la chambre à pas de loup et referma doucement la porte. Il se dirigea vers la chambre conjugale et constata que sa femme s'y trouvait déjà ; elle avait enfilé une chemise de nuit.
-« Elle dort, j'imagine ? demanda-t-elle.
- Comme un bébé. »
Elle détacha ses cheveux en laissant échapper un bâillement. Max s'approcha d'elle et passa ses bras autour de sa taille en l'embrassant tendrement dans le cou. Elle lâcha un petit rire.
-« Max, pas ce soir, dit-elle en souriant.
- J'insiste, madame John's… vous m'attirez beaucoup ce soir, lui murmura son mari à l'oreille.
- Vraiment, monsieur ? Je vous fais tant d'effet que ça ?
- Beaucoup. »
Sa femme se tourna et embrassa tendrement Max. Celui-ci la souleva et l'emmena sur le lit. Il entreprit de la déshabiller avec douceur, avant de se plonger dans les méandres du plaisir humain.
Lorsque l'homme ouvrit les yeux, une faible lueur matinale essayait de repousser les ténèbres qui régnaient dans la chambre. En jetant un coup d'œil à son réveil, il vit qu'il était huit heures du matin, une heure bien matinale pour se réveiller après la soirée qu'il venait de passer.
Sentant qu'il ne se rendormirait plus, il se leva en enfilant quelque vêtement qui lui passait sous la main et sortit silencieusement de la chambre pour se rendre au rez-de-chaussée. En pénétrant dans le salon, la première chose qui lui sauta aux yeux fut la boîte à chaussures ; elle l'attira immédiatement. Il voulait connaître la suite de l'histoire, il voulait savoir comment Lucas et Eric avaient pu passer de très bons amis à un couple amoureux.
Sans hésitation, Max prit place sur le canapé, se saisit de la feuille suivante et reprit sa lecture.