50 ou la mammographie
agneaubleu
J'arrive au centre de radiologie une demi heure à l'avance, comme d'habitude. Je crois bien que je n'ai quasi jamais été en retard de toute ma vie, j'ai toujours une frousse bleue de ne pas être à l'heure, moralité j'ai beaucoup poiroté dans l'attente d'un rendez-vous. Il paraît que ce sont les névrosés qui arrivent à l'avance et les psychotiques en retard. Bon,bon alors ma tendance est plutôt à la névrose, j'assume,mais je sais aussi que lorsque j'étais enfants mes parents venaient toujours me chercher en retard à l'école et que je sais les angoisses de l'attente. Vont-ils arriver ? Un jour j'ai attendu deux heures à un retour de colonie, à cheval sur ma valise avec un éducateur qui regardait sa montre avec fébrilité et alors ils habitent loin tes parents ? , pas de portables à l'époque pour me sauver. Le pire de tout était leur nonchalance lorsqu'enfin ils arrivaient, jamais une excuse, jamais un pardon et moi je me sentais bien mal aimée. Alors une névrosée,certes, mais expliquée et donc assumé non ?
Le centre de radiologie est bondé. Je me demande toujours pourquoi les endroits sont plein de monde. Qu'est-ce qui pousse quarante bonne-femmes à venir passer une mammographie un samedi à 9 heures du matin ? Moi qui pensait répondre à mon obligation d'une mammo-tous-les-2-ans -pour -les-femmes-de-plus-de-quarante-ans en une demi heure, je suis un peu dépitée.
Je m'avance vers le grand comptoir digne d'un hôtel 5 étoiles, on imagine que les affaires marchent bien,merci Monsieur la peur du cancer …
Ma carte vitale, ma carte de mutuelle, la carte bleue …
Êtes vous ménopausée ?
Et voilà, il y a deux ans, on ne m'a pas posé la question,j'ai dû prendre un coup de vieux !
Et bien non ! A presque cinquante ans je ne suis pas ménopausée, et si je veux je peux enfanter, si je veux je peux recommencer ma vie et connaître encore les joies de la maternité. J'ai beau être plutôt à l'aise face à mon âge, sa question m'a quand même fait l'effet d'un coup de marteau sur la tête.
C'est vrai, je m'en fiche de vieillir, je n'appréhende pas d'être grand-mère, je suis hostile à la chirurgie esthétique et je regarde les signes de vieillissement sans frôler la dépression.
Ce qui me gêne dans sa question, c'est que maintenant je suis cataloguée, étiquetée femme,oui mais plus tout à fait , comme si une vraie femme n'était qu'un récipient à descendance, et puis je n'aime pas être l'élément d'une statistique,d'une masse arithmétique, j'ai toujours été à part dans ma façon de faire, à contre courant et souvent en avance sur le mode de pensée et là je sens bien que pour cette jeune secrétaire médicale, je suis une fiche à remplir,pas moi avec toutes mes spécificités.
Êtes vous ménopausée s'ouvre comme un gouffre à mes pieds, comme une porte vers la vieillesse.30,40 et 50 ans, le milieu de la vie dit-on (pour ceux qui auront la chance de devenir centenaire) alors pourquoi cette phrase résonne résonne en moi comme une injonction de sortie ?
Je la boufferais cette bluette qui me pose cette question ainsi, sans diplomatie, médicalement, juste pour pouvoir cocher sa case. Se rend-t-elle compte du mini-séisme que cela provoque en moi en ce joli matin d'avril. Vu l'âge moyen des femmes présentes, cela fait au moins quarante fois qu'elle pose cette satanée question depuis ce matin. Les autres ressentent-elles,comme moi, une arme pointée par cette minette d'à peine vingt ans …..
Il paraît qu'il y a des sociétés où la ménopause d'une femme est l'occasion d'une fête de plusieurs jours car cela signifie un passage vers la sagesse et la sérénité, d'ailleurs les ethnologues ont remarqué que ces femmes ne souffraient pas de tous les maux associés à la ménopause dans notre cher Occident, pas de bouffées de chaleur, pas de prise de poids, pas de nuits sans sommeil. Alors ? Elle ne sait la Beauté du Diable penchée sur son ordinateur que la question devrait plutôt être Ne souffrez-vous plus de flux menstruels qui vous ont pollué toute votre vie, arrivant toujours au mauvais moment ? Ne craignez-vous plus d'attendre un enfant non désiré ? Avez vous encore besoin de penser sans arrêt à votre contraception ?
Voilà ce qu'elle aurait dû me demander pour ne pas me froisser, pour me laisser entrevoir un avenir meilleur au lieu de me renvoyer à tout ce que le mot ménopause transporte comme frustrations supposées, vieillissement accéléré, corps ramollissant et seins en berne.
Je suis polie, j'ai bien compris depuis longtemps qu'il est des endroits où l'on est là que pour cocher des cases et constituer des dossiers sur des nous qui ne sont pas des nous même mais plutôt des photos statiques comme celles prises des criminelles lors de leur arrestation.
Un centre de mammographie, pas une âme masculine évidemment, les hommes parlent alors de poulailler, une ruche serait un peu plus haut de gamme avec une connotation de travail. Là au ! milieu de jolies banquettes design et multicolores, des piles de journaux people et des aréopages de femelles entre deux âges, ce qui veut dire plus prosaïquement que entre 40 et 60 ans, difficile d'être sûre de l'âge d'une femme ! Il y a celle qui ont eu des vies de labeur ou d'emmerdements successifs qui ont marqué leurs visages et leur corps à jamais, celle là c'est 60 avant l'heure ! Une louché d'alcool en plus, des heures de bronzette et une attirance pour le sucre, et voilà 10 ans d'avances sur le compteur ! Dur, dur d'être une femme ! Rien n'échappe à la machine du temps, que ce soit le goût immodéré de la bonne bouffe, que ce soit l'admiration pour la pin-up au teint hâlé signe de bonne santé et de splendeur, que ce soit le temps passé au service de ceux qu'on aime (au détriment ?) du temps passé à s'occuper de son propre corps, de sa propre peau, de ses propres cheveux, de tout ce qui fait fait, dit-on, la beauté d'une femme.
Aujourd'hui se trouve dans ses petits salons mammographiques un échantillonnage bien intéressant de la ménagère de plus de cinquante ans (celle qui n'intéresse plus les mass média …).Il y a tous les styles de femmes, celles qui ont baissé les bras devant les attaques du temps qui passe, celle qui se battent mais qui malheureusement ont commis quelques erreurs en jouant un peu trop avec le soleil, les soirées arrosées et les nuits sans sommeil, celles dont on dit (mais est-ce un compliment ?) qu'elles ont de beaux restes et puis il y a celles que la nature, envers et contre tout, a gâté. Évidemment c'est bien loin d'être la majorité, enfin à mon avis, mais suis-je objective quand je juge la beauté d'une femme ?
J'ai cinquante ans cette année et je vois bien les différence, les dégradations, les outrages du temps mais je fais partie de ces femmes vernies qui sont nées bébé Cadum, qui ont traversé la vie sous une nuée de compliments, qui ne savent pas ce que c'est de faire banquette à une soirée, qui n'ont pas ou peu connu la solitude, je veux dire la vie sans un homme dans son lit si ce n'est dans son cœur. Je sais que je ne suis pas toujours objective, d'ailleurs qui peut l'être, sur la beauté de mes congénères même si l'âge aidant je peux désormais dire elle est jolie sans craindre une quelconque concurrence, sans sentir poindre en moi une pointe de jalousie. Voilà les avantages de l'âge, on n'a peur de rien, la minette ou la vamp,je m'en fous ! Enfin je dis cela car, comme dirait ma copine Lolie t'es sacrément potable, toi ! Y-en- a encore un paquet de bonshommes qui se retournent sur toi, veinarde !
C'est vrai que la justice n'existe pas dans ce bas monde, mais quand même, je ne veux pas que l'on me retire les heures sportives, les heures passées dans ma salle de bain, la tristesse de ma jeunesse fauchée et sans sorties ni vacances au soleil. Alors oui, je suis encore baisable mais je n'ai jamais fait d'excès en tous genre et eu une constance dans l'effort alors mince, il n'y a pas que les gènes dans la vie !
Bon je m'emporte mais il est vrai que lors de conversation entre copines, j'en ai un peu marre d'entendre en permanence ah, oui mais toi …. suivi de toutes les spécificités féminines dont je n'ai pas à m'occuper tant la nature m'a gâtée …. J'en ai marre, je voudrais que l'on admette mes efforts, ma constance, que mes copines me disent enfin ah oui, toi tu ne t'es jamais laissé aller, tu te mérites, tu l'as pas volé ta beauté cinquantenaire
Pas beaucoup d'humilité, j'ai honte de m'attacher à des valeurs aussi puériles tellement éloignées de ce que je voudrais tellement être. J'avoue être parfois futiles et fière des regards qui se tournent vers moi lorsque je rentre dans une pièce. Je pensais qu'avec la multiplication des années cela deviendrait quelque chose d’anecdotique, et bien non je dois batailler sec pour échapper à mon narcissisme naturel.
Ici chacune avec son manteau écroulé dans les bras, le sac à main comme un inutile accroché à nos doigts, le visage scrutateur à la recherche d'une place ou se poser, envie de ne parler à personne, juste là sous la contrainte.
Je m'assoie, selon les indications de la midinette de l'accueil, troisième salon sur la gauche, banquettes jaunes. On se croirait un peu dans une école maternelle, des lignes de couleurs au sol nous emmènent sans erreur possible à notre destination, chacune des futures radiographiées s'assoie consciencieusement sur la banquette attitrée. Je me demande qui a imaginé cette organisation au cordeau, un médecin qui aurait raté sa vocation de maître d'école ou un architecte féru de lignes ? Rien ne manque pour éviter les pauvres hères cherchant désespérément le siège, en face du cabinet de radio adéquat, du spécialiste ad hoc. Comment sont déterminées les destinations de chacune des patientes ici présentes ? Serait-ce aléatoire ou au contraire hyper mathématiques ? Le salon vert pour les plus jeunes, le rouge pour les pré-ménopausées, le violet pour les veuves, le bleu pour les débutantes de la mammographie et le jaune alors ? M'y trouvant je me demande ce que je peux avoir en commun avec les femmes qui m'entourent. Une petite vieille quasi centenaire et semblant prête à tomber de son siège, à ses cotés une des quatre fées qui se penchait sur le berceau de la Belle au Bois dormant avec une robe digne d'un conte de fée en synthétique moulant et coloré, une petite jeune le walkman, euh je voulais dire le MP 3, accroché aux oreilles semblant perdue au milieu d'un no-man's land, une nana déjà envoutée par un magazine croustillant sur la vie supposée de nos stars et moi. Moi qui suis indécise sur l'activité qui va m'aider à tromper mon attente.
La petite jeune se penche vers moi en décrochant ses oreillettes
Vous avez rendez-vous à quelle heure ?
9 heures et vous ?
9 heures
Ah ?
Effectivement rien ne semble bouger derrière les portes qui reprennent le même code couleurs que nos banquettes comme si les machines devaient pré-chauffer avant l'emploi dans le silence.
Notre porte jaune est désespérément close et il en va de même pour les violettes ou les bleues, au pays de l'arc en ciel on n'a pas l'air d'être chrono.
J'ai comme l'impression qu'on a toutes rendez-vous au même moment, décidément ce centre de radiologie est géré comme une multinationale, flux tendus,logistique ont l'air d'être les bases de la philosophie de cet endroit. Rien n'a l'air d'être laissé au hasard, sauf que, il est 9 heures et quart et personne n'a l'air d'avoir déjà passé cette fameuse mammo. Alors à quoi sert ce taylorisme de la radiographie ?
Ma petite voisine s'agace également des minutes qui passent sans qu'une porte ne s'ouvre. Elle me pose des questions sur les détails de la mammographie, pour elle c'est une première et je n'ose pas lui demander pourquoi elle est là, j'espère en tous les cas que tout ira bien.
A 9 heures trente, une des portes jaunes s'ouvre enfin, le nom de ma petite voisine est claironné à la cantonade comme à la rentrée des classes, elle attrape précipitamment son immense sac et son manteau et disparaît derrière la fameuse porte en me faisant un petit signe de connivence. Les autres portes jaunes restent désespérément fermées,alors je décide de gérer mon impatience et de faire de cette attente un bon moment. J'attrape une pile de journaux au hasard et tourne les pages en lisant, il est vrai en diagonale, mais compte tenu de la teneur des révélations qui nous sont faites c'est tout à fait suffisant il me semble. Les vedettes, people, stars, starlettes et participants de télé-réalité défilent devant mes yeux avec les affres de leur vie, leurs joies, leurs maladies supposées et surtout leurs histoires de cœur à rebondissement. J'avoue que j'adore et je ne sais pas pourquoi la vie de ces inconnus m'intéresse,je ne fais aucun transfert, je n'ai ni admiration,ni dégoût et pourtant je ne peux m'empêcher de lire ces journaux dès qu'ils me tombent sous la main. Je crois que cela me purge de mes propres problèmes de voir ceux rencontrés par ces autres célèbres.
Plongée dans ces vies d'addiction suivies de cures de désintoxication en boucle, je ne vois pas arriver une petite femme blonde au regard acéré.
ohé Béné, ah amusant de se rencontrer là
Mince, une ancienne collègue que je n'avais pas vu depuis au moins dix ans et qu'à vrai dire je n'ai jamais appréciée. Vraiment pas de chance car je sais que c'est tout à fait le genre de personne qui telles des arapèdes ne lâchent jamais un rocher dès qu'elles en ont trouvé un et je bien peur d'être son rocher du jour.
Oh bonjour, Séverine, ça fait un bail ? Dix ans ?
Neuf, exactement, tu as l'air en forme ? Les affaires ont l'air de marcher pour toi, t'as bonne mine non
J’acquiesce discrètement, pourquoi parle-t-elle toujours si fort, je vois son regard de mouche qui vérifie bien qu'on la regarde. Elle n'a pas changé, toujours aussi maquillée, aussi voyante, aussi tout ce que j'aime pas.
Elle attend probablement un commentaire mais à vrai dire les mots s’arrêtent à ma gorge et je reste là mon journal ouvert sur l'improbable mariage entre une staaar de 70 ans avec un top modèle d'à peine 30.
Elle ajuste sa petite jupe bien courte au dessus de cuissardes vraiment hors normes, ses cheveux sont courts et coiffés en pétard dompté par la laque, ses petites mains aux doigts courts et boudinés se terminent par de longs ongles, faux à l'évidence, qui arborent des décalcomanies de couleurs.
Elle s'assoit en posant sur ses genoux un sac immense décorés de clous et de babioles pendant de toutes parts, elle en sort un miroir rose bonbon et presse ses maigres lèvres l'une contre l'autre dans une grimace vraiment pas glamour, elle extirpe du miroir un minuscule tube de rouge à lèvres et repasse une couche bien inutile à vrai dire puisque ses lèvres sont si fines que le maquillage ne se voit pas ! Tout en procédant aux rafistolages qui lui semblent à priori indispensables, elle me parle.
C'est marrant, on parlait de toi l'autre jour avec Valérie et Carole,elles me disaient qu'elles te voyaient peu mais que ta boutique de toilettage pour chiens marchait hyper bien, que t'avais même embauché une petite jeune. Chapeau, bon j'imagine que c'est pas avec ça que tu fera fortune, mais bon t'a pas à supporter les petits chefs. Ben moi, tu sais que j' suis à la retraite depuis six mois, tout baigne même si c'est un peu dur niveau finance et puis tu sais la santé, ça va pas bien fort, il faut que je m'assoie, mon dos n'en peu plus, j'ai vu l'osteo hier, il peut pas grand chose pour moi. Tu sais pas il m'a conseillé d'aller voir une psy, non mais t'imagines, avec tout ce que j'endure depuis des années, je les invente peut-être mes douleurs ? J'irai plus le voir celui là, d'ailleurs si t'as besoin c'est Éric Dulin dans la grande rue, surtout va pas le voir, c'est un incapable ….
A peine arrivée que déjà je suis saoulée de ses maux supposés qui a force d'être rêvés et racontés deviennent quasi réels. Pendant 15 ans je l'ai entendu se plaindre, elle a dû passer plus de scanner et d'IRM qu'elle n'a eu d'amants et pourtant, à l'entendre le nombre de ses amants nous ferait toutes pâlir. Depuis le temps que je l'évite,comment n'a -t-elle pas compris que tout en elle m'horripile ? Elle m'envoie des postillons et probablement de mauvaises ondes. Pauvre de moi, qu'on m'appelle, qu'on m'appelle ! Mais de ce coté pas grand chose de neuf, seule la petit vieille a fait le chemin vers les fameuses portes que je ne quitte plus des yeux en espérant un miracle.
Que me veut-elle à la fin ? Et surtout pourquoi je ne l'envoie pas bouler, une fois suffirait et je serai tranquille de ce coté là pour toute ma vie mais voilà mes parents m'ont donné, ce qu'on appelle une bonne éducation, et la politesse m'empêche toute action d'envergure alors je la regarde mais mes oreilles sont aux abonnées absents. Ceci dit, cela ne la dérange pas, elle continue à débiter ses histoires de foie, de rate, de boyaux comme une bonne charcutière. Elle a pris la place de la petite vieille et désormais me touche le bras à chaque rebondissement de ses épisodes d'hypocondriaque.
Qu'est-ce qui la motive ? Elle veut quoi ? Mon amitié, mon admiration, ma compassion, mon aide ou je lui sers simplement de miroir, je ne serai là uniquement pour qu'elle puisse se parler à elle même, d'ailleurs je ne lui renvoie pas la balle et elle revient pourtant. Soudain, son débit se ralentie et le ton se fait plus doux, je suis persuadée que je vais avoir droit au dernier scoop sur une de nos relations communes.
Savais tu que Muriel avait depuis des années un amant ?
Euh.....Muriel, tu es sûre ?
Oui, Muriel, surtout tu n'en parles à personne et puis je ne le dirai qu'à toi, je sais que tu es une tombe elle souligne notre superbe connivence de médisantes par de petits tapotements sur mon bras et bien figures toi que son amant, je le connais depuis des années, c'est moi qui lui ai présenté à Muriel et je peux te dire que c'est quelqu'un de bien sous tous rapports, il la sort, il lui fait de jolis cadeaux et tout et tout. Et bien ce Jean-Paul hier il 'a appelé et j'en suis encore toute retournée, il m'a fait des propositions
Je la reconnais bien là. Je suis persuadée que c'est elle qui a appelé ce fameux Jean-Paul mais bon, je ne suis pas Colombo sur une enquête mais l'assassin je l'ai déjà trouvé.
Et alors ? Tu l'as envoyé bouler je suppose, tu peux pas faire cela à une de tes meilleures amies non
Ce qui est consternant avec cette femme c'est que sa vie est une succession d'épisodes identiques. Elle a passé sa vie à essayer de piquer les amoureux des copines. Elle a passé sa vie à jouer les entremetteuses et en cas de réussite à essayer de reprendre le cadeau supposé. Pourtant à l'aube de la vieillesse,elle est désespérément seule, fauchée et en chaleur. Que lui répondre ? Que sa vie est basée sur un mauvais postulat, que les hommes des autres sont les hommes des autres, qu'un homme par définition est un un être bien faible qui ne sait pas quand une femme propose ne pas disposer. Je suis persuadée qu'elle l'a appelé plusieurs fois et qu'elle cherche à me faire entrer dans son camps.
Il en peut plus de Muriel, elle lui pourrit la vie, elle est jamais contente et puis t'as vu, elle se laisse aller, elle a pris au moins dix kilos ces dernières années. J'ai essayé de mettre des murs entre nous mais il a tellement insisté que la semaine dernière j'ai craqué. Tu sais je m'en veux et en même temps j'ai le droit à l'amour moi aussi, un peu à mon tour, non ?
Et ces portes jaunes qui ne s'ouvrent pas.
Bénédicte Dussert
Sauvée !
Je lui fais deux bises On s'appelle, tu me racontera la suite, à plus...
Quel bonheur de marcher vers la porte de la délivrance. Sauvée par le gong comme on dit, je ne me voyais pas passer une minute de plus avec cette harpie sans âme. Pourquoi traîne -t-on des relations consternantes comme des casseroles derrière soi ? A force de politesse je m'en suis fait une spécialité, Marco sait bien lui envoyer les fâcheux dans leur pénates, il ne s’embarrasse pas de périphrases quand quelqu’un l'indispose. Je suis une médiocre du rapport humain, à force de vouloir être gentille, je superpose des relations sans intérêts.Qui plus est, tous ces gens me pompent en permanence une énergie qui pourrait très probablement être utilisée à meilleur escient.
Je croise la sympathique petite vieille qui sort, elle a le cheveux en bataille et les habits tout de travers, elle me fait un petit sourire rassuré. Bon c'est sûre la mammo souvent n'est qu'une formalité mais en sortant on n'est tout de même bien contente quand on n'a pas la moindre petite tâche, la plus inconsistante grosseur. Je lui rend son sourire. C'est beau la communication du sourire, rien de plus à dire, on s'est tout dit en définitive je n'ai rien -Ouf- je vous souhaite la même chose .
Je passe enfin la porte jaune et me retrouve dans le réduit de déshabillage. Réduit est le mot approprié, une planche en guise de siège, un porte-manteaux, le tout dans un peu moins de 2m², je ne pourrais pas allonger les jambes si l'envie m'en prenait. Pour agrandir l'espace, il y a un miroir qui me renvoie mon image. Mon image, ce que les autres voient de moi, ou plutôt c'est bien plus compliqué que cela quand je me regarde, le prisme c'est moi, mon humeur du moment alors que les autres ont forcément leur propre prisme alors l'image du miroir est toujours faussé par tout un tas d'évènements, de sentiments, notre image est sujette à l'indicible même lorsque l'on pense la contrôler. Quand j'étais petite je me fixais de longues minutes dans une glace, et au bout d'un moment le regard n'était plus le mien et commençait à me donner les chocottes. Aujourd'hui, je fais attention à toujours être au mieux de ma forme même en pyjama, pour moi c'est comme une politesse à l'autre et également à moi-même. Je me maquille, je me coiffe, je choisie avec soin mes vêtements et la journée peut enfin commencer.
La seconde porte s'ouvre, un femme en blouse blanche, m'énumère comme un robot les vêtements et bijoux à retirer, je me retrouve donc torse nu, pieds nus et en jean. L'énorme machine ronronne et la séance peut commencer. La radiologue m'attrape le sein gauche et l'aplatit entre deux plaques de verre, j'avoue que cela fait, même sans être bien douillette, un peu mal,. Elle s'éclipse pendant que les rayons X me traversent. La séance est un peu acrobatique, on lève les bras, on le retourne, on se penche, on se recule, et toujours les seins aplatis comme des galettes. Au bout d'une vingtaine de minutes de gesticulations en tous genre, elle me renvoie dans ma cellule de décompression
Surtout ne vous rhabillez pas, je dois d'abord vérifier les clichés
Quel solitude ! les seins à l'air, progressivement on se fait du mouron, si elle ne revient pas c'est qu'il y a un problème. Je tend l'oreille pas un bruit, peut-être quelques murmures ils parlent de mon cas . Le temps est suspendu ! Je sens l'adrénaline monter en moi, la mammo mieux qu'un Stephen King, je suis là à me faire mon cinéma, je n'arrive plus à contrôler le fil de ma pensée car mes émotions reviennent toujours vers les images
Voilà je me suis fait bien peur et maintenant je suis heureuse.