8-Jenny ou l'Impensable Réchauffement

Christian

Pétrole - Patriotisme

La semaine s'était finalement déroulée beaucoup plus vite que Ralph ne le craignait.
Il s'était replongé dans ses données en pointant tous les éléments qu'il devrait approfondir et ils étaient nombreux, mais c'est à ce prix qu'il pourra présenter un travail inattaquable.
 
Ronald lui bien fait parvenir une invitation pour un déjeuner à Londres, samedi prochain dans trois jours. Il l'invite dans le quartier de Brick Lane dans un Pub irlandais. Ronald avait pensé que cela lui ferait peut-être plaisir.
 
Certes Dublin est une ville en plein développement, surtout avec l'arrivée de tous les sièges européens des multinationales venues s'installer en Irlande pour la fiscalité la plus avantageuse de toute l'Europe, mais Londres lui apparaît comme une gigantesque fourmilière, toujours en travaux où chaque fois qu'il s'y rend les rues ont changé de sens, les arrêts de bus ne sont plus au même endroit.
 
Ralph se dit que Ronald aurait pu trouver un pub plus proche de la gare centrale, cela lui aurait évité de traverser Londres. Il était invité, il n'allait pas faire des remarques désobligeantes.
 
Arrivé au Pub, il demande une table tranquille avec vue, histoire de ne pas être coincé contre un mur. Tout juste installé il reçoit un message de Ronald l'avertissant d'un petit quart d'heure de retard. Ralph en profite pour passer en revue tout les informations qu'il souhaite aborder, histoire de ne pas avoir à sortir de fiches qui feraient trop questionnaire.
 
De sa table il voit très bien l'entrée du Pub. Aussi quand Ronald pousse la porte, il se lève pour l'accueillir.
 
— Ralph quel plaisir de te retrouver, toujours en forme à ce que je vois !
 
— Bonjour Ronald, je devrais te retourner le compliment, c'est toujours la pratique du base-ball qui te donne cet air sportif.
 
— Non, malheureusement, les entraînements sont trop contraignants pour la vie que je mène, je pratique le footing. Je peux courir quand je veux, des que j'ai un moment j'ai toujours une tenue et des baskets de training dans un sac.
 
— Installons-nous et merci encore pour ton invitation, je suis un peu gêné, c'est moi qui t'ai appelé.
 
— Ne t'en fais pas pour ça, pour la société ce n'est qu'une note de frais, je ne pense pas que l'Université t'accorde une ligne de crédit pour les frais.
 
— Oh que non ! Heureusement que je travaille pour le Giec cela me donne un peu plus d'aisance.
— Alors tu bosses pour l'administration Onusienne qui veut réduire la consommation de pétrole.
 
— De CO2, rectifie Ralph, c'est un peu plus compliqué que cela le pétrole n'étant qu'une composante des émissions, mais concernant le pétrole d'ailleurs je dois t'avouer que si mes chiffres m'indiquent que sa consommation qui évolue, comme les autres énergies fossiles avec l'accroissement du CO2, je ne connais en fait presque rien de ce secteur, alors que toi tu nages dans le pétrole si j'ose dire.
 
— Surnager devrais tu dire le secteur n'est plus ce qu'il était !
 
— Pourquoi, Je ne pense pas, malheureusement, que ton secteur soit en faillite demain.
 
— Mon secteur non, mais l'entreprise British Pétroléum (BP) à laquelle j'appartiens perd beaucoup de part de marchés avec la politique des USA.
 
— OK, mais si tu reprenais un peu de puis le début, je suis néophyte comme je te l'ai précisé, alors un petit rappel sur le pétrole ne sera pas de trop.
 
(Placer ici quelques rappels factuels sur l'évolution du Pétrole)
 
— D'après le tableau que tu viens de me dresser c'est toujours les américains qui détiennent les clés du marché du pétrole.
 
— Oui bien sûr ! C'est pour eux la matière géostratégique par excellence, avec en plus leur dollar, le pétrole même si il n'est pas américain se monnaie en dollars !
 
— Si je comprends bien le pétrole doit servir leurs intérêts.
 
— C'est évident, pendant les années de croissance folles des années 60-70 la demande de pétrole explose et les USA qui ont découvert des champs pétroliers immenses en Arabie avec des coups d'extraction ridicule (presque moins que l'eau ! ) deviennent importateur net de pétrole alors qu'ils étaient les premiers producteurs au monde, mais cela leur a permis de ne pas toucher à leurs réserves stratégiques.
 
— Mais tu me parles d'américains, ce sont des multinationales aux USA qui exploitent le pétrole dans le Monde entier, comme la tienne.
 
— OK ! Si effectivement tu consultes les chiffres des grandes compagnies, ce sont elles qui exploitent, mais ce que ne disent pas les chiffres, par exemple c'est pourquoi les USA sont redevenus aujourd'hui le premiers pays producteur de pétrole au Monde devançant l'Arabie Saoudite après avoir été pendant longtemps importateur net et ce de façon très importante.
 
— Tu sais le business ce n'est pas mon fort.
 
— Il n'y a pas besoin d'être féru d'économie, c'est une décision politique du gouvernement fédéral américain qui a jugé stratégique de ne plus dépendre d'importations de pétrole étrangères en exploitant, au mépris de toutes règles de pollution, des gisements par fracturation hydraulique, partout sur le territoire des USA, outrepassant même les législations des états.
 
— Les multinationales ont suivi le gouvernement.
 
— Bien sûr sinon elles se voyaient taxées leurs importations et de plus le Gouvernement fédéral a été plus que généreux en subventions pour les aider à exploiter les gisements américains.
 
— L'objectif des USA dans tout ça ?
 
— Ne plus dépendre des pays arabes et surtout de l'OPEP, faire chuter les courts du pétrole, non seulement en retirant de fait leur consommation de pétrole du marché, là aussi comme on l'a vu la première au monde, mais en plus en déstabilisant le marché en devenant exportateur. Et c'est là où ces enfoirés ne respectent même plus leurs partenaires historiques comme BP, qui avec la baisse des cours se retrouve fragilisé, surtout dans la course aux nouveaux gisements, où comme par hasard les américains se retrouvent bien placés.
 
— De nouveaux gisements ?
 
— Oui du pétrole il y en a partout, mais plus ou moins accessible, et là grâce à de nouvelles techniques de détection ils auraient mis la main sur leur territoire sur des gisements au moins aussi grand que ceux d'Arabie.
 
— Mais qui pilote tout ça, il y a bien une stratégie, d'après ce que tu viens de me dire le marché subit la loi des américains, alors qui décide au final ?
 
— Les USA ont beau se vanter d'être la plus grande démocratie au monde, ce genre de décisions n'est pas soumis à vote, elles sont validées par le ministre de l'énergie, en fait le ministre du pétrole, après accord de la FED, et signature du président des USA.
 
— Ce que je ne comprends pas, Ronald, dans ce pays c'est le gaspillage faramineux qui est fait par les USA de cette ressource pourtant précieuse. Ils ont redevenus les premiers producteurs mais aussi les premiers consommateurs au monde en valeur absolue et aussi par tête d'habitants. Ils en brûlent deux fois plus que les allemands qui arrivent tout juste derrière eux.           
 
— Là aussi je pense que c'est stratégique, ne me demande pas laquelle, je serai bien incapable de te donner la réponse.
 
— Tu viens de parler de nouvelles techniques de prospection de champs pétroliers, British Pétroléum doit aussi être sur le coup non ?
 
— En fait toutes les techniques de recherche de gisements pétroliers sont au départ américaine et ils les ont concédé aux compagnies étrangères. Aujourd'hui encore les avancées technologiques se font chez eux, mais ils ne partagent rien, leur tant que cela leur rapporte. Si BP pouvait bénéficier aussi de leurs avancées, nous serions nettement plus compétitif.
 
— De quand date toutes les techniques de recherche.
 
— Certaines datent du début du XX° siècle, celles fondées sur la géologie, mais celles dites sismiques et électriques se sont mises en place après la deuxième guerre mondiale.
 
— Je suppose que ces techniques il y a des ingénieurs qui les ont mis au point.
 
— Certainement, on doit trouver leur pedigree dans les dépôts de brevets, mais il y surtout les banquiers Rockefeller et compagnies qui ont investi sur ces brevets et du coup mis le grappin sur le développement pétrolier. La fortune de ces banquiers et le pétrole, sont indissolublement liées.
 
— Ronald, je commence à percevoir un peu mieux, pourquoi Trump a voulu se retirer des accords de Paris sur le Climat.
 
— C'est logique d'ailleurs je ne comprenais pas pourquoi Obama les avait signé, il savait pertinemment que beaucoup de Banquiers et Milliardaires avaient beaucoup à perdre. Obama pensait finir en beauté ses deux mandats de Président, les USA ne pourraient pas renier pas leur signature, ce serait la porte ouverte à l'équilibre mondial de la paix. Mais il y a eu le fou de Trump pour le faire !
 
— Je crois que j'ai bien fait de t'appeler Ronald, je ne voyais pas toutes ces implications au travers de mes petites courbes sur l'accroissement du CO2.
Si je veux mettre en évidence la responsabilité de chaque état dans l'accroissement exponentiel du CO2, je vais avoir besoin d'informations précises et datées.
 
— Avec les USA, tu t'attaques au plus gros morceau, chez eux Pétrole et Patriotisme non seulement commencent par la même lettre, mais se confondent totalement.
 
— Ronald, je sais bien que mes travaux ne sont pas "bien vus" par les pétroliers, mais pourrais-je compter sur toi si j'ai besoin d'informations plus précises sur les articulations financières et pétrolières.
 
— Tant que tu ne me cites pas dans tes sources !
 
— Je n'ai nullement l'intention de te mettre en porte à faux, tu peux me faire confiance.
 
Ronald en quittant Ralph lui donne une adresse email sécurisée sur laquelle ils pourront correspondre.
 
Ni l'un ni l'autre n'avaient prêté attention aux touristes déambulant dans la rue, ni au téléobjectif braqué sur la baie vitrée sur laquelle donnait leur table.


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Roman 2023 -  L'Improbable Réchauffement - édition coolibri - toulouse


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