"80% de la population sont des cons"

Tomu

Un jour, un gars m'a dit que 80% de la population terrestre était conne et dénuée de sens. Peut-être. Moi-même, je l'ai déjà pensé. Mais la plus grosse connerie serait de dire ça à haute voix avec conviction et fierté. Un jour je lui enverrai ce texte et il ne prendra probablement même pas la peine de le lire.
Je m'explique. Le gars qui m'a dit ça, se dit « heureux ». Et c'est quand même quelque chose de pouvoir se dire heureux. Alors que le « renoi » (terme utilisé par la personne) qui a appelé les flics au Mcdo parce que son bacon était trop cour, ne pourra peut-être pas dire ça. Parce que être con, parfois on en souffre. La débilité est parfois une destinée qui n'est pas nécessairement dû à sa faute. Alors inutile est le gars qui rigolera jusqu'à en verser des larmes en racontant l'anecdote du renoi. Car ce gars-là, de son intelligence, ne fera rien pour que la situation des cons de la société change. N'améliorera ni l'éducation, ni la politique, ni la psychologie du renoi et ses confrères.
Lui sa vie, est déjà toute tracée (comme il le dit). Travailleur, il dort très peu pour remplir ses jours à l'heure près ; école de marketing, travail au Mcdo, sport, soirée, soirée, soirée. Pour moi qui aie toujours pensé que les soirées étaient juste de l'amusement, l'excès de sortie nocturne était donc logiquement une perte de temps. Pourtant selon ses explications, chacune de ses activités serait utile pour son avenir : en soirée, il analyse quel genre de personne consomme quel genre de boisson, en quel quantité, à quelle heure… Pourquoi pas en soi si c'est sa passion. Mais pour finir, à quoi serviront ces heures d'analyse et d'observation ? Au marketing. Donc à l'argent. Et qui en sera heureux de cet argent ? L'innocent lui et lui seul. Ou bien, l'innocent lui qui reçoit 50% des salaires de ses employés sans bosser et tous ses patrons qui lui prendront 40% de son salaire à lui. Et la société dans tout ça ? Et le renoi et confrères, les émigrés, les sans-abri, l'éducation ? Nul. Zéro.
Alors comment peut-il dire que comme Bob Marley, il faut marcher sur les autres pour pouvoir s'affirmer. Lui marchera sur les autres, mais s'affirmera pour quoi ? Pour dire que les gens qui viennent au Mcdo sont tous cons ? Bravo.
Et il me disait tout ça d'une telle conviction. Moi qui n'ai aucune intelligence spontanée, je n'aurais jamais pu lui répondre de façon sensée sur le champ et encore moins de le faire changer d'avis. Et pourquoi il écouterait l'avis d'une fille qu'il pense conne ? Il m'affirma que si on prenait une échelle d'intelligence avec le plus intelligent au 100 et le plus con de la terre au 0, lui serait au 73 et moi au 52. Pourtant, si je me plaçais de son point de vue, l'intelligent devrait écouter l'avis de tous les cons. Même moi. C'est bien connu : la démocratie n'est pas le meilleur des systèmes, c'est la moins pire.
Au fond, con ça ne veut rien dire puisqu'il y a plusieurs sortes d'intelligence. Sociale, logique/mathématique, critique, morale, artistique… Et dans tout ça, laquelle serait la plus importante ? Cela ne reste que mon avis mais pour moi, ce serait celle que beaucoup d'artistes et philosophes ont soutenue durant de longs siècles : la capacité de remise en question. Remettre en question ses valeurs, ses pensées, ses convictions, d'où viennent-elle, pourquoi je pense ainsi et pas autrement, laquelle de mes expériences m'incite à penser ainsi ; ma famille, mes amis, mon école, mon lieu de vie, de naissance, mes loisirs… ? Ensuite, que pense les autres de ça, qu'ont-ils vécu pour porter une telle ou telle opinion, n'ont-ils pas raison en quelques points ? L'intelligence est la perpétuelle comparaison entre le microcosme, mésocosme, macrocosme. Le ego, polis et cosmos. Moi, mon milieu et le monde. Et de par cette comparaison, la compréhension du développement de ma personne et du fonctionnement du monde.
Chacun devrait perpétuellement construire, déconstruire, reconstruire et changer ses valeurs et opinions, et perpétuellement essayer de convaincre son prochain sans jamais l'obliger à penser comme nous. Je m'en vais donc envoyer ce message au gars. Sans me demander s'il va le lire ou pas, sans me demander si écrire ce texte était un acte inutile ou pas…
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