À 100 à l'heure

louzaki

Un peu tard, je me suis rendu compte que tu étais comme ça. Que je me faisais du mal pour que tu t'inquiètes. Parce qu'il n'y avait que comme ça que tu me voyais véritablement. En souffrance.
Le bonheur n'était pas possible dans ton monde, et malheureusement, j'en étais rempli avant de te rencontrer.
Cette histoire est maintenant derrière moi. Je réalise enfin.

Quand je ferme les yeux dans les métros bondés, je souffle,calme. Je me remémore des belles phrases lues. Je revois l'immense terrasse des soirées vécues. Je pense à l'avenir. À rentrer à la maison, qui me manque en ce moment. Je n'oublie pas les garçons, qui grandissent, loin d'ici. Je n'oublie pas le journal, je n'oublie surtout pas d'écrire.
Je pense aux grands-parents, qui sont partis il y a longtemps et qu'on a tous du mal à oublier. Aux rencontres d'aujourd'hui et d'hier. Au cimetière qu'on voit de ta chambre, avec ses grands arbres verts au printemps.
Je passe ma main sur mon ventre en pensant qu'un jour, bientôt peut-être, il y aura un enfant, là. Qui nous attends. Je me dis que la vie est imprévisible. Que je pourrais mourir demain.
Je m'imagine marcher un pas en avant, me laisser tomber à l'arrivée du train. Et, en faisant, prendre conscience de la beauté de ce qui m'entoure. Mais, bien sûr, je ne bouge pas. L'écran se fait noir dans ma tête. Le vertige m'attrape et m'envoie valser entre les passants sur le quai. Immobile, le ressac me fait tanguer. Et puis, c'est fini. Les portes s'ouvrent et je rentre.
Alors je sors mon casque et ma tête, posée contre le métal sale, j'attends. Mon arrêt, la fin de ma trajectoire quotidienne. Une course contre moi-même, sans les autres. Gravitation artificielle enclenchée. Vous pouvez détacher vos ceintures.

Vous avez le droit de vous laissez aller. De vous voir dans 10 ou 60 ans. De rêver comme si tout vous étiez permis, même si c'est faux. Vous pouvez vous détendre quelques instants, oublier le poids de votre corps, oublier la sensation d'être soi.
Laissez vous porter par l'air étrange qui nous entoure. Oubliez que vous êtes vous. Les lumières vrillent doucement, loin de vous. Elles ne sont là que pour vous, pour vous bercer. Pour vous endormir. Pour vous oublier.


Rouvrir les yeux est toujours un peu douloureux. Toujours un peu inquiétant. Mais, si je ne le fais pas, je ne saurais jamais ce qui viendra après. Après toi, après nous.
Résolument, j'ouvre mes prunelles, j'écarquille les yeux. Pour voir en face ce qui arrive à cent à l'heure.



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