A ces passants
kal
Divaguant âme parmi les âmes au creux d’une déferlante d’impersonnifications horrifiantes, je viens à me questionner sur le but de cette marée animale qui avance, qui avance.
Moi figé, comme ancré au fin fond des mers je constate, impuissant, mon immobilisme inquiétant. Suis-je hors sujet ? Suis-je coincé hors du temps ? Condamner à regarder avec pitié ces innocents qui ne se rendent compte de rien? Ô faucheuse divine, épargne donc ces vauriens, ne les ombre plus de tes menaces macabres, laisse donc ces pâles ivoires sculptées respirer le parfum de la douce sève des peupliers, puisse-t-elle leur redonné leur si beau teint rosé. Laisse les rêver à ce qu’ils n’auront jamais, laisse les s’aimer, s’adorer, se détester… Laisse les donc vivre sereinement loin de ta punition exutoire, et donne leur mon exemple en dernier espoir.
Que mon exercice leur serve de leçon et qu’ils l’apprennent par cœur, en récitation. Qu’ils n’en perdent pas une miette, qu’ils vivent leurs vies à toute vitesse, qu’importe leurs joies, leurs peines et leurs tristesses. Qu’ils ressentent la passion qui peut les animer, de brasiers que jamais un million de torrents ne pourront calmer. Qu’ils n’aient pas peur de ce qui les attend, qu’ils profitent bien au contraire de leurs présents, seuls moments qu’ils vivront jusqu’à la toute fin, et qui leur fera fuir seulement leur dernier lendemain…
Ce jour que je ne verrai pas. L’essence de ce que j’ai été est bel et bien derrière moi.
Ne m’épargne donc pas de ta lame vengeresse, je suis déjà genou terre attendant que tu viennes achever ce que tu as commencé. Je meurs oui je meurs à petit feu, de t'avoir oubliée, si peu. Je me trouve ainsi seul et terrifié, dans une bataille qu’il m’est impossible de remporter. Je m’incline, Ô ennemie divine! Que ta sentence sur moi s’abatte enfin, que je puisse découvrir la réponse qui torture tant mes semblables, en espérant toutefois qu’elle me soit des plus favorables.
Ainsi je m’abandonne à toi mon amie, et à l’inconnue destinée qui m’attend, donne moi juste le temps de jeter un dernier regard sur ces milliers de passants.