à la manière de Jim Harrison

Hervé Pizon

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Ils arrivèrent devant l'une des nombreuses gares désaffectées plantées sur le chemin de fer qui reliait autrefois les hameaux du plateau de Fal Gey au village d'Hornans en contrebas. Ces hameaux déversaient alors leur flot de paysans solides vers les usines. Forster.Jr sentit à cet instant l'odeur âcre de la vapeur du train et celle plus agréable du foin. Le souvenir de la voix de son père et de son manifeste politique résonna en lui : “chaque homme ôté à la terre est semblable à un arbre arraché par la tempête.” Il s'engagea le premier dans la petite cour qui jouxtait la maisonnette. Sans le montrer à Mann, il s'agaçait de ne pas trouver la clé. Quelques mètres auparavant, sur le pont qui enjambe la rivière, il n'avait osé passer les bras autour de sa taille, alors même que tout l'y encourageait : la vue des champs d'un vert intense à cette heure où le soleil descend, les nuages bas accrochés aux cimes des contreforts de Brame, la silhouette imposante d'un chêne isolé, Mann sans doute aussi. Après avoir dégondé un volet, à l'aide d'un canif et d'une légère pression de la paume de la main, il fit sauter l'un des ouvrants de la fenêtre et tous deux pénétrèrent dans l'unique pièce. Mann souriait en le regardant. Elle évoquait tour à tour l'humidité de la maison, les mousses qui entourent le pied des arbres, l'obscurité de l'âme. Silencieux, Forster.Jr rassembla rapidement de quoi faire un feu.Elle alluma successivement une cigarette, le feu et Forster.Jr. Devant l'âtre crépitant, Forster.Jr lui ôta son pull vert.

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