A madame *** Lettre XI

A N *** le jeudi 15 mai 2014

        Y a t-il une poésie du tambour de la machine à laver. Eh oui je fais des tournées, j'étends, je repasse, je plie, je range... L'homme parfait ! celui dont on pleurera les talents en allant planter des chrysanthèmes sur sa tombe chaque année à la Toussaint. 

     Mes chevilles gonflent, ce qui me coûte cher parce qu'à chaque fois je suis obligé de m'acheter une nouvelle paire. De chaussettes. Des Burlington. Ne me dites pas que comme ma défunte " Eau d'Hermès " vous n'aimez pas, de même que mes citations plagiantes qui vous outrent, si vous n'aimez pas non plus mes Burlington vous m'achèveriez. 

     Mais enfin mon amie n'avons nous pas vécu nos vies en parallèle depuis plus de quarante ans, ne connaissez-vous pas ma susceptibilité, ma nature ombrageuse, et ce soir-là, alors que seize ans était la fleur de votre âge nouvelle et que votre teint sentait encore son enfance, où je vous ai profondément déçue parce que je vous semblais ne pas savoir qui était Colette ! Nous étions rue du Calvaire, il faisait nuit, nous allions au cinéma, le cinéma " Le Club " je crois. 

     Ce soir là, vous me prîtes pour un illettré, mais ensuite il y eut un autre soir, et vous essuyâtes un revers, je claquais la porte de votre deux-chevaux, prétendant que nous n'étions pas faits l'un pour l'autre, et vous laissant effondrée et en larmes. Je mentais, je vous aimais, je vous brisai le coeur, je brisai le mien.

    Le lendemain je revins vers vous à genoux mais votre père vous avait interdit de me revoir. Vous m'aimiez donc si peu.

    Certes quarante ans après je ne vais pas en faire des pages mais quand même je vous ai toujours dans mon coeur ...

    Je ne connus de vous que votre parfum capiteux, que le galbe de vos seins si tendres, et l'effleurement de quelque satin sur lequel je dus fermer les yeux ...  

    s ***

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