A mie du matin

Etienne Bou

J'habite au-dessus d'une boulangerie : La Mie du Matin. Chaque jour c'est elle qui éveille mes papilles, laissant crépiter les odeurs du four aux abords de mes narines, excitant mon odorat et faisant palpiter mes paupières.  Comme si un petit gars tentait tant bien que mal de tirer sur une poulie pour m'ouvrir les yeux et que je remplisse ma panse de pains et croissants. C'est une force indéfinie qui nous somnambulise en une douce convoitise.

Ce que j'aime lorsque j'entre dans une boulangerie, c'est de voir l'opulence d'un présentoir empli de mille délices, de voir les baguettes et pains de campagne s'entasser au garde à vous, n'attendant que leur nomination. C'est un bon dans le temps où chacun redevient cet enfant émerveillé devant tant de voluptés. Ces chouquettes, pains au chocolat, brioche, tartelette… Et lorsque la boulangère empoigne les pains, j'aime voir voler la farine telle une poussière de magicien laissant apparaitre les facéties d'une dorure parfaite. S'en suit les traces des pas de danse de la boulangère qui s'affaire à servir nos jeunes corps et esprits endormis. C'est un spectacle d'une plaisance rare pour qui sait l'apprécier. Et puis l'odeur qui nous enrobe, les bruits de craquelure d'une croute de pain subtilement cuite, le bout que l'on arrache sans attendre pour combler notre gourmandise, ravivant cette chaleur de fraicheur en bouche.

Vient ensuite le retour dans nos petits terriers, déposer ces victuailles sur le bord de la table et dessiner des sourires angéliques sur nos petites têtes embrumées. Ne reste qu'à tout dévorer jusqu'à la dernière bouchée !

Mmh… Jubilation des cinq sens !

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